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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

« Bénissez-le Seigneur ! » Louange de la création

Imprimer Par Jérôme Longtin

Le Cantique des trois enfants, extrait du chapitre 3 du livre de Daniel, est familier aux habitués de l’Office divin. Régulièrement reprise, cette longue litanie en deux parties invite la création à s’unir dans la bénédiction de Dieu. La Liturgie des heures propose la première partie (v. 52-57) du cantique pour l’Office du matin des Dimanches II et IV alors que la deuxième partie (v. 57-88) revient non seulement les Dimanches I et III mais aussi le matin de chacune des fêtes et solennités.

Le texte utilisé dans la liturgie des Heures est un abrégé d’une longue hymne. Le cantique est tissé de souvenirs bibliques, en particulier des psaumes. Il a très probablement existé d’abord en hébreu (ou peut-être en araméen). Il nous a été transmis seulement par deux versions grecques du Livre de Daniel.

LE CONTEXTE

Le Livre de Daniel repose sur une fiction littéraire et historique. Le cadre supposé par le récit est celui de la cour de Babylone au 6e siècle avant notre ère. Le contexte réel est l’époque où les rois de Syrie (les Séleucides) voulaient imposer à tous leurs sujets la langue et la culture grecques (vers 180-170 avant notre ère). Cette mesure menaçait l’identité culturelle des Juifs, leur tradition religieuse et les garanties légales qu’ils avaient obtenues au cours des siècles. Le chapitre 3 met en scène non pas Daniel lui-même mais ses compagnons de captivité, dont l’histoire est racontée au chapitre 1.

Le roi impose à ses sujets l’adoration d’une statue d’or (Daniel 3, 1-7). L’objectif est d’unifier le royaume en imposant à tous de participer au culte officiel. Trois jeunes Juifs sont condamnés à mort pour avoir refusé de se plier à cette exigence (Daniel 3, 19-23). Leur résistance est présentée comme un modèle à imiter. Le Cantique des trois enfants oppose à un roi qui prétend à la souveraineté universelle la louange rendue au Dieu unique par l’ensemble de la création. Il s’agit, en somme, de la réponse des Juifs fidèles à l’exigence du roi : le Dieu d’Israël est l’Unique et lui seul peut recevoir « haute gloire et louange éternelle ».

LE CANTIQUE DES TROIS ENFANTS

Les versets 52-56 appartiennent à un genre classique de la prière biblique : la bénédiction. Bénir Dieu, c’est reconnaître sa puissance, sa bonté, la grandeur de ses œuvres ; c’est lui demander de manifester encore cette puissance et cette bonté. L’originalité de notre texte consiste à s’adresser à Dieu à la deuxième personne, « Béni sois-tu », plutôt que de prononcer la bénédiction à la troisième personne, comme c’est le plus souvent le cas.

Le premier titre de Dieu fait référence à l’histoire du salut : Dieu est d’abord le « Dieu de nos pères » (v. 52) qui a manifesté « le nom très saint de ta gloire » à travers ses œuvres de salut. Dieu est ensuite celui qui règne à Jérusalem, dans son Temple, au-dessus des Kéroubim (v. 54-55). Même si le temple est probablement occupé par les païens au moment où cette prière est composée, ce lieu reste celui où il exerce sa souveraineté, y compris sur les puissances infernales qui remettent en cause la stabilité de la création (v. 55a). Enfin, Dieu règne aussi dans le ciel, sa demeure, là où il domine tous les êtres (v. 56). L’univers entier s’associe à la louange du Dieu d’Israël

L’HYMNE DE L’UNIVERS

À partir du verset 57, le priant convoque la création tout entière à bénir Dieu avec lui. Le verbe bénir, à l’impératif, est répété trente-trois fois : c’est vraiment un chœur universel qui participe à la louange de Dieu. En cela, l’hymne s’apparente à de nombreux psaumes, en particulier à ceux qui célèbrent la royauté de Dieu (voir par exemple Psaumes 88 ; 91 ; 92). Si la première partie du texte présentait un ordre ascendant, cette deuxième partie suit le mouvement inverse : après la convocation générale de toutes les œuvres (v. 57), on passe aux anges, qui sont situés en quelque sorte hors du cosmos (v. 58), puis au ciel et à ses éléments (v. 59-63). On trouve ensuite les phénomènes météorologiques, en somme tout ce qui se déroule dans l’espace entre le ciel et la terre (v. 64-73). Avec le verset 74, on arrive sur la terre avec ses éléments de relief (v. 75) et sa végétation (v. 76). Une brève excursion nous amène vers les éléments liquides (v. 77-78) et leurs habitants (v. 79). De retour sur la terre ferme, les oiseaux (v. 80), les animaux (v. 81) et finalement les humains (v. 82) sont invités à participer à la louange universelle.

À l’universalité du v. 82 succède une invitation beaucoup plus précise : le peuple d’Israël, ses prêtres en particulier (v. 83-84), a pour tâche d’assurer la louange divine. S’y ajoutent ensuite d’autres catégories qui correspondent sans doute aux « pauvres de Yahvé » dont parlent les prophètes (v. 85-87), c’est-à-dire l’élite spirituelle qui maintient la fidélité à l’Alliance à travers les crises de l’histoire et permet à la foi d’Israël de demeurer vivante malgré les obstacles.

Lorsque les chrétiens et les chrétiennes reprennent à leur compte cette louange, ils lui donnent une portée encore plus universelle, puisque Jésus Christ, par son sang, a « racheté pour Dieu des hommes de toute race, langue, peuple et nation, et [il en a] fait pour notre Dieu un royaume de prêtres ». (Apocalypse 5, 9-10) L’humanité rachetée unit sa voix à celles de toutes les créatures pour rendre gloire à Dieu.

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