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Les raisons du coeur

Imprimer Par Denis Gagnon

La planète brûle. Le feu mord à belles dents dans tout ce qu’il peut dévorer sur cette Terre: l’Irak aux attentats quotidiens, la Jordanie où surgissent des kamikazes, les luttes raciales au coeur de l’Afrique noire, des prisons connues, d’autres secrètes où on s’amuse à torturer les prisonniers sans aucun respect, ces dictatures qui jouissent sur le dos des pauvres gens, la «douce France» de Trenet sans dessus dessous, les drames conjugaux, les meurtres et les suicides, les agressions sexuelles, la grippe aviaire, le sida et tant d’autres cancers tout aussi affreux les uns que les autres. Partout ou presque, on crie, on hurle, on frappe, on tue. Violence en escalade. Détresse.

La planète brûle. La Lune, Mars, Pluton, Vénus n’ont pas encore de service d’incendie. Dommage! À qui donc faire appel? Quel 9-1-1 peut nous entendre quand nous perdons le contrôle? Quel pacificateur peut calmer les esprits et nous ramener à la raison? Certains voudront faire appel à Dieu. Les uns, au nom de leur foi, ce qui est loin d’être mauvais. D’autres, parce qu’ils ont peur. Là, j’acquiesce moins facilement. Les églises sont moins vides quand la peur est au rendez-vous. Mais Dieu n’est pas une patte de lapin ni un quelconque talisman.

En bon pédagogue, Dieu va sûrement renvoyer les croyants comme les peureux à leurs responsabilités. Dieu nous renvoie toujours à nos responsabilités. Pas pour nous punir et nous faire avaler les conséquences de nos stupidités. Non. Dieu nous enverra à nos responsabilités par respect pour nous-mêmes. Dieu ne joue pas au petit président despote qui se croirait assez fin pour aller mettre la bisbille dans la cour d’école des autres.

Dieu nous renvoie à nos responsabilités. Il nous renvoie à nos capacités. Chaque être humain est outillé et peut faire face à des difficultés. Chaque être humain possède en lui-même des ressources pour abattre des murs et contourner des précipices. La plupart des problèmes humains sont abordables par des être humains. Ils se présentent comme des défis à relever, des appels à se prendre en charge, des invitations à aller plus loin et à dépasser les obstacles qui se présentent sur la route. Nous grandissons, nous traversons les étapes de nos maturités en assumant des épreuves, en solutionnant des problèmes, en relevant des défis.

La planète brûle. Nous sommes en face d’un brasier qui dépasse nos limites personnelles. Mais ensemble, peut-être pouvons-nous arriver à nous en sortir. La raison peut souvent canaliser la passion. L’intelligence humaine peut gérer des situations chaotiques. L’histoire est pleine de réussites humaines.

La raison ne suffit pas cependant. Il faut aussi mettre le coeur en action. Le vieux Blaise disait: «Le coeur a des raisons que la raison ne connaît pas». Le coeur bat avant tout pour nous permettre de vivre. Il peut aussi battre pour d’autres, pour les faire vivre. Il y a des problèmes que seuls les relations humaines parviennent à résoudre. Relations, donc attention, écoute, ouverture, respect, reconnaissance, gratuité.

Il existe un mot qui résume tout cela: l’amour. Un mot galvaudé comme la réalité elle-même qu’il représente. Cependant, nous ne pouvons le contourner, même quand il est usé et qu’il a perdu de sa tension. Nous ne pouvons l’ignorer même quand il s’engage sur les routes fantaisistes de la mièvrerie. Il ne faut surtout pas le mettre de côté quand il nous a déjà blessés et que nous avons peur de vivre d’autres expériences malheureuses.

L’amour s’exprime de proche en proche. L’amour se diffuse comme dans une course à relais, un coureur à la fois. Pour qu’il atteigne la terre entière, il faudra donc beaucoup de temps. Cela suppose de notre part de la patience: respecter les lenteurs de l’amour et ses modes de diffusion. Il faut accepter que l’amour s’ajuste aux différents maillons de cette longue chaîne qu’il est en train de tisser depuis que l’être humain existe. Louis Aragon a peut-être trouvé le mot qui peut nous entraîner:

«Il est plus facile de mourir que d’aimer.
C’est pourquoi je me donne le mal de vivre
Mon amour…»

Denis Gagnon, o.p.

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