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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

31e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Solidaire de tous

Alors Jésus déclara à la foule et à ses disciples : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ; ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul enseignant, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé.

Commentaire :

« Préserve ton serviteur de l’orgueil, qu’il n’ait sur moi nul emprise. Alors je serai irréprochable, pur du grand péché « (Ps.19,14)

Saint Jérôme avait souvent sur les lèvres cette réflexion : « Malheur à nous, qui sommes misérablement tombés dans les travers des Pharisiens ! » Trois à quatre cents ans après les débuts du christianisme, le pharisaïsme hantait toujours l’Église de Jésus Christ. On peut comprendre alors la raison d’être de cette page de l’évangéliste Matthieu.

Discours antipharisaïque, ce chapitre 23e de saint Matthieu ! Durant son activité messianique à Jérusalem et ses discours prononcés dans le Temple, Jésus s’est créé des antipathies, sinon des inimitiés de la part des principaux groupes, dirigeants de la société juive de l’époque : grand prêtre, Anciens du peuple, Pharisiens, scribes, docteurs de la Loi, Sadducéens, Hérodiens… Nul n’échappe à ses invectives et mises en garde : « Malheur à vous… » De fait, c’est toute la société juive du temps que Jésus semonce : « Cette génération …» (23,36)

Voyons les faits. Jésus est au Temple, il tente de mettre le peuple en garde contre les scribes et les Pharisiens. Habilement, il souligne avant tout l’importance et la très haute dignité de leur fonction : « Ils occupent la chaire de Moïse ». Mais leur vertu se fait discrète, ils devraient faire ce qu’ils enseignent. « Ne vous réglez pas sur leurs actes car ils disent et ne font pas », eux qui ne cessent d’écraser les consciences des lourds fardeaux de la Loi. Nous sommes loin de l’invitation du Christ : « Venez à moi vous tous qui peinez, mon joug est léger »… (11,30) pour les scribes et les Pharisiens, L’important était la distinction, la supériorité : « Je ne suis pas comme les autres hommes », avouait publiquement le Pharisien au Temple. Les Pharisiens aimaient se donner en spectacle avec une religiosité spectaculaire et pure vanité. Ils tenaient à ce que l’on reconnaisse leur dignité et leur autorité par des titres et des salutations

Ce chapitre peut être regardé comme un assemblage de la main de l’évangéliste. Écho de l’antipharisaïsme passionné des sectes judéo-chrétiennes du temps, Matthieu ne part pas en guerre contre les adversaires de Jésus et du christianisme, mais contre la propagation de la mentalité et des attitudes pharisaïques dans l’Église de l’époque.

Ce long discours comporte trois parties : un prélude adressé aux disciples et à la foule (1-12) ; Matthieu dénonce les mœurs répréhensibles des scribes et Pharisiens contre lesquels doivent être prémunis les disciples de Jésus. Suivent sept malédictions prophétiques (13-36), et enfin, pour clore le chapitre, Jésus pleure sur Jérusalem, génération qui avait refusé son esprit et son message : « Il est venu vers les siens et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn. Prol.).

Pour Matthieu, évangéliste dans un milieu juif, le pharisaïsme définissait l’ennemi premier du Christ. Les sentiments exprimés dans ce chapitre peuvent considérés comme personnels, le pasteur soucieux de défendre ses brebis. Ainsi peut-on excuser sa position extrémiste ; il ne se gêne pas d’adopter ici le style violent des prophètes. Matthieu tire ici des conclusions pastorales à l’intention de ses disciples (8-12). Trois points soulignent l’importance de la simplicité, disons humilité, pour tout disciple du Christ. Vous êtes tous frères, ne vous considérez donc point comme rabbin. Nul n’est père parmi vous hormis Dieu, et vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Sans doute, à l’époque de l’église matthéenne, le rabbinat définissait-il une manière de penser et d’agir contraire à la simplicité chrétienne. Attitude de grand seigneur dans une communauté où la fraternité rassemble ses membres comme une même famille. Dieu en est le seul Père, nulle affinité même spirituelle ne peut exister entre le disciple et son maître dans l’église. Et ce dernier ne peut même prétendre au titre de leader, de guide. Un seul doit être regardé comme chef de file, le Christ. Vous, vous serez serviteurs, du plus grand au plus petit.

Dans la communauté chrétienne, savoir, valoir, pouvoir ne sont pas le fait d’une élite mais de tous. À ceux et celles qui possèdent davantage ces capacités, il revient de les partager avec les autres, et plus encore d’en promouvoir le développement chez tous. Il arrive souvent dans notre société que l’avoir entraîne à sa suite le valoir, le savoir et le pouvoir. Ainsi s’établit la rupture entre une élite et la masse, ce que Jésus dénonce dans son enseignement. Dans la communauté de Thessalonique, l’apôtre Paul s’est voulu un exemple pour tous, il s’est fait l’un d’entre eux et il n’a revendiqué quoique ce soit, même pas sa subsistance, il a toujours eu souci de n’être à charge à personne. Il s’est montré pleinement solidaire des Thessaloniciens tout en demeurant celui qui les nourrit, exhorte et adjure.

N’importe-il pas de repenser la relation entre l’Eglise et le monde à la lumière de cet évangile ? Nous, nous ne sommes pas vérité, chemin ou vie, c’est le Christ qui est pour nous et pour les autres, par notre exemple et notre témoignage, lumière, vie et vérité. Ainsi se réalisera au sein de l’Église une vraie solidarité avec tous.

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