Le résumé
Les pharisiens, apprenant qu’il avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’il y a dans l’Écriture – dans la Loi et les Prophètes – dépend de ces deux commandements. »
Commentaire :
« Le plus grand commandement ? » Le sujet était particulièrement controversé par les légistes dans les écoles rabbiniques. Le judaïsme comportait 613 préceptes, c’est à dire 248 commandements et 365 interdictions. La question était de savoir s’il n’y avait pas un commandement susceptible d’englober tous les autres. D’aucun avait tenté de privilégier l’observance du sabbat, d’autres affirmaient que le culte des idoles était le plus grave des péchés. Ce jour-là, pour piéger Jésus davantage que pour avoir son opinion sur un sujet brûlant, un pharisien légiste lui pose la question : « Maître quel est le plus grand commandement de la Loi ? »
Rapportant le fait d’une manière et dans un contexte différent des évangiles de Marc et de Luc, Matthieu veut instruire sa communauté de l’importance de certaines attitudes aux yeux de Jésus et redresser du même coup les déviations au sein de son Église. Des oppositions se faisaient alors sentir entre la communauté chrétienne et les groupements juifs. L’esprit pharisien était toujours en posture d’attaque et les juifs néo-chrétiens ne s’en purifiaient pas facilement. Comment doit se conduire un juif devenu croyant et disciple du Christ?
Du livre du Deutéronome, il avait appris : « Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. » Cœur, âme et pouvoir, c’était l’homme en sa totalité (Dt. 6.5). Mais le Lévitique lui avait enseigné : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» (Lv. 19,18) Comment faire la part des choses sans aller à l’encontre de l’un ou de l’autre ?
Pour bien saisir la portée de l’enseignement de Matthieu à sa communauté, il importe de remémorer le Sermon sur la montagne. L’évangéliste y présente la loi chrétienne comme une relation inséparable entre l’amour du prochain et l’amour de Dieu. Cette loi du Sermon sur la montagne ne débute pas par l’exigence d’aimer Dieu ; l’amour du prochain est considéré comme le résumé de toute la loi et les prophètes. Ce que nous faisons au plus petit d’entre nos frères c’est à Dieu que nous le faisons, conclura le Discours sur le jugement dernier (Mt. 25). L’enseignement de l’apôtre Paul ne variera pas sur cette façon de concevoir l’importance de l’amour des autres. À ces deux commandements, l’amour de Dieu et l’amour du prochain, se rattachent toute la Loi et les Prophètes (Rm.13,8+). Selon les évangélistes, l’un et l’autre commandement sont égaux en importance et ne peuvent être séparés l’un de l’autre. Aucune exigence divine ne peut aller à l’encontre de l’intérêt du prochain. Si quelqu’un dit qu’il aime Dieu et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas (1 Jn. 4,20 ; Rm. 1, 8-10 ; Ga, 5,13-15 ; Jac. 2,8)
L’amour de Dieu et ses exigences se lisent dans les yeux du prochain et ses besoins. Ce que tu veux que les autres fassent pour toi-même, fais-le aussi pour eux (Mt. 7,12) Voilà qui résume toute la Loi et les prophètes et non moins l’enseignement du Christ.