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Changer le monde

Imprimer Par Jacques Marcotte

Présentement je suis en Afrique pour une mission de quatre semaines auprès de mes confrères dominicains du Burundi. Une telle expérience africaine n’est pas nouvelle pour moi. Mais à chaque fois je vis un choc culturel et spirituel qui me bouleverse. Car je suis soudainement plongé dans un monde qui fonctionne sur une autre routine que la nôtre, avec des habitudes et des standards de vie qui diffèrent tellement de ce que nous connaissons en Amérique.

Le service qu’on attend de moi ici est ponctuel et bien spécifique : un apport à la formation de jeunes candidats sur le point de faire leur entrée au noviciat dominicain à Kigali (Rwanda). Par-delà ma contribution, je me sens concerné par bien d’autres besoins que je perçois tout autour de moi. Une simple marche dans les rues autour du couvent, au Marché central à deux pas d’ici, ou sur quelques boulevards du grand Bujumbura me font voir tellement de souffrances et d’appels. Pauvreté des gens et de leurs moyens. Manque flagrant des conforts élémentaires. Qualité de vie laissant grandement à désirer. À la longue j’apprends moi aussi la résignation dont je fais lecture sur bien des visages. L’exquise gentillesse et même l’apparent optimiste de plusieurs cachent mal une certaine tristesse ressentie par tous devant ce constat d’échec et d’impuissance au pays du Burundi.

Cette expérience chaque fois me ramène à moi-même : quelles sont mes raisons de vivre? Mes expériences privilégiées? Mes rêves, mes valeurs profondes? D’être plongé dans un horizon humain aussi différent, aussi déficient, cela vous remet drôlement en question : qui suis-je pour comparer? Pour juger? Pour vouloir leur dire quoi faire? Que pourraient bien plutôt m’apporter tous ces gens? Ne sont-ils pas en train de me donner une vraie leçon de ténacité et de courage? Que m’apprennent-ils finalement de précieux et d’important sur l’homme et la femme? Dans mon impuissance à leur donner ce dont ils manquent ne suis-je pas confronter au seul devoir d’apprendre l’essentiel en cette expérience intense?

Devant la pauvreté et les lenteurs d’ici, je me dis que le mieux que je puisse faire c’est sans doute d’apporter la contribution attendue de moi – en l’occurrence de l’enseignement et de l’accompagnement aux futurs novices – et de donner à ceux et celles à qui je parle, à qui je prêche, le goût de poser eux-mêmes le geste qu’il faut, de s’impliquer au meilleur d’eux-mêmes pour bâtir ensemble le bonheur qui leur convienne, le projet de vie qui les comblera d’abord d’amour, de paix, de respect mutuel. Peut-être qu’alors la solidarité et la conscience sociale grandiront, qui donneront à chacun et chacune sa place et à tous le souci de poser les gestes convergents qui feront leur monde meilleur.

Jacques Marcotte, o.p.

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