Les cardinaux entrent en conclave, retirés sur l’île isolée de la Chapelle Sixtine. Pas de radio, pas de télé, pas de journaux, pas d’Internet, pas de contact avec l’extérieur. L’isolement le plus total. Déjà depuis quelques jours, ils évitent les médias. Ils refusent de prendre la parole en public.
Cela ne signifie pas pour autant qu’ils soient silencieux et inactifs. Entre eux, les conversations doivent aller bon train. Ils doivent échanger, proposer,. suggérer, évaluer, négocier. Ils doivent s’éclairer mutuellement et faire appel à des ressources extérieures. Tout en usant de prudence pour éviter les indiscrétions, les fuites, les interprétations…
À en croire les médias, les motifs les plus évangéliques voisinent les intérêts les moins religieux parmi les gens d’église comme chez les distants qui observent. On avance des noms pour de multiples raisons. On parle de candidats âgés pour assurer un règne court et tranquille. On avance des noms de plus jeunes en souhaitant qu’ils poursuivent des tâches qui demandent beaucoup de temps et d’investissements. Des raisons politiques surgissent, des magouilles se trament. L’adage ne dit-il pas : «Partout où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie»?
Les journaux font étalage de commentaires avancés par des vaticanistes et autres spécialistes de la scène publique. Des discours froids, des commentaires passionnés, des phrases doucereuses, des éclats de voix violents: tout se dit, tout s’exprime… Les saints et les truands ont droit de parole également, sur les mêmes tribunes, avec d’égales considérations.
Les cardinaux écoutent-ils ces palabres? Font-ils attention à ce qui se dit? Remarquent-ils les gestes qui annoncent des opinions? Sont-ils conscients de certaines pressions religieuses ou politiques? Depuis leur arrivée à Rome jusqu’à leur entrée en conclave, on a dû les approcher, leur parler, les écouter, leur faire des suggestions. Ils ont évité les déclarations publiques, mais ont-ils gardé le silence dans les conversations privées? Sans doute qu’ils ont dû consulter des amis, des observateurs et des spécialistes de la vie ecclésiale.
Et le Saint Esprit? Où est le Saint Esprit? Lui est-il possible de se faire entendre à travers les bruits humains? Sa voix domine-t-elle ou est-elle noyée dans le brouhaha? On peut douter parfois qu’il soit écouté. Sa discrétion ne lui donne pas de chance.
En 1958, quand Angelo Roncalli s’est montré à la fenêtre après son élection, tout le monde disait: *Il est vieux. Son règne sera court. Il ne fera pas grand chose. Il sera un pape de transition. Une pause après le long règne de Pie XII.+ Ces jours-ci, quelqu’un affirmait: *Au lieu d’un pape de transition, nous avons eu alors une Église de transition»! Jean XXIII a donné un souffle exceptionnel à une Église sclérosée. Le vieillard a réveillé la vitalité de l’Église. Le peuple chrétien s’est mis en marche dans un exode vivifiant.
Le Saint Esprit s’est donc montré habile, plus fort que tout. Au delà des intérêts pas toujours évangéliques, il a su faire appel au meilleur du bon pape Jean. Il a inspiré la foi audacieuse d’un homme qui n’a pas eu peur d’aller de l’avant. On peut tout dire aux cardinaux qui s’apprêtent à élire le successeur de Jean-Paul II. On peut exercer toutes les pressions qu’on voudra. Les électeurs peuvent eux-mêmes voter pour des motifs peu louables. L’Esprit osera encore tenir compte des désirs humains et les transformer pour le bien de l’église et l’annonce de Jésus Christ.