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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche de Pâques. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

La loi de l’enclos

« Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus. » Jésus employa cette parabole en s’adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire. C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis. Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits, mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance.

Commentaire :

Cette page de l’évangile de Jean est authentique même s’il faut y reconnaître, intimement mêlées aux paroles de Jésus, quelques interprétations ultérieures de l’évangéliste. Jean a médité l’enseignement de Jésus et l’a par la suite reformulé en son propre langage. Son évangile s’est d’ailleurs ainsi construit : une reconstitution marquée au coin de l’authenticité, le tout exprimé à l’intention de la jeune communauté primitive et ses besoins. Pour bien saisir le sens et la portée de ce discours sur le bon Pasteur, il faut le joindre au récit précédent, l’épisode de l’aveugle-né. Orgueilleusement rejeté par les Pharisiens, chassé de la synagogue mais attiré par Jésus, le miraculé devient d’une part l’occasion de ce discours et d’autre part justifie l’enseignement de Jean à sa communauté : un chapitre inspiré par le vécu de l’Église d’après Pâques et son désir de fidélité à l’action et à l’enseignement de Jésus. Faut-il croire qu’à cette époque, la communauté primitive manquait d’unité et souffrait de concorde ?

Deux parties constituent le discours sur le bon Pasteur : une première (1 à 5) concerne le pasteur et l’enclos, et une seconde (7 à 10) touche le pasteur et son troupeau. L’une et l’autre partie débutent de façon identique : En vérité, en vérité. Jean redouble presque toujours la locution « En vérité » pour marquer souligner l’autorité divine de la parole de Jésus (Jn.3 : 34; 14 : 24)

Le pasteur et l’enclos (1-5)

Si Jean ne pointe plus ici les Pharisiens comme Jésus en son temps, il met ses fidèles en garde contre ce que son Maître appelait le levain des pharisiens , c’est à dire l’influence de certains maîtres à penser (Mat. 16 : 6). Il établit donc à cette fin une franche opposition entre le voleur et le pillard d’une part, et le pasteur des brebis d’autre part, l’un et l’autre distincts par leur façon de pénétrer dans l’enclos, le chemin qui mène aux brebis. Jean montre dans ce récit comment se comportent les vrais pasteurs et guides du peuple : hier, les pharisiens représentants de l’autorité religieuse en Israël, aujourd’hui, tous les responsables du Peuple de Dieu. Le point fort de cet enseignement ne repose pas tellement sur la porte que sur le climat de confiance que le vrai pasteur sait établir entre lui et les brebis qu’il lui appartient de conduire. Et ce climat de confiance entre lui et les brebis se définit par le fait qu’il peut appeler chacune par son nom et que les brebis se montrent accessibles à son appel. Le pasteur vient pour faire sortir ses brebis et même les pousser hors de l’enclos, vers des prés d’herbes fraîches et vers les eaux du repos, pour y refaire mon âme (Ps.23), ce que l’étranger ne ferait pas.

Ce passage de l’évangile du Bon Pasteur est plein de leçon aujourd’hui comme hier. Ces Juifs convertis, encore retenus par leurs traditions et l’influence de leurs anciens maîtres, le bon Pasteur vient pour les tirer de l’enclos du judaïsme et de son légalisme encore fortement ancré dans l’esprit des néophytes. Nous n’avons qu’à relire les Actes des Apôtres et nous remémorer les innombrables difficultés de Paul face aux Juifs dans la fondation de ses églises. (Ac. 17) Quelle leçon d’actualité pour les responsables d’églises et non moins pour les brebis ! Même si l’image du troupeau prête à confusion ou engendre certaine humiliation – nous ne sommes et ne voulons être des « suiveux » – le Pasteur bon rassemble les brebis, les unes comme les autres, en leur individualité propre et l’appel personnalisé lancé à chacune. Si les vraies brebis écoutent la voix du Pasteur et demeurent fidèles à le suivre, c’est qu’elles ont secoué les traditions et le conservatisme légaliste qui les garde comme en un enclos. Quel coup de barre l’apôtre Jean donne à sa jeune Église.

Le pasteur et ses brebis (7-10)

Que Jésus se dise ou que Jean le compare à la porte, l’image n’est pas à prendre de façon concrète : Jésus assume la fonction d’une porte « protectrice » par laquelle les brebis vont et viennent, entrent et sortent ; une porte fermée à l’étranger mais grande ouverte pour laisser entrer et sortir librement les connaissances. Cette fois, Jean verse dans le ton historique. Avant la venue de Jésus, il n’y avait que voleurs et pillards, non envoyés de Dieu, et les brebis ne les ont pas écoutés. Il va sans dire que Jésus ne met pas au rang de ceux-ci des prophètes tels que Jean Baptiste et les hommes de Dieu de l’Ancien Testament. Les voleurs et pillards, c’étaient certains Pharisiens, docteurs de la loi, chefs politiques et faux messies, égoïstes et sans respect d’une autorité que Jésus condamne inexorablement (8 : 44; 47) parce qu’ils ne parlaient que d’eux-mêmes et ne cherchaient que leur propre gloire (7 : 17). Le centre d’intérêt pour Jésus, seul vrai et bon Pasteur, sont les brebis qui viennent à lui ; il sera pour eux la porte ouverte sur le salut. Il ne s’agit donc point dans cette parabole d’un lieu mais d’un état auquel Jean se permet de fréquentes allusions (3 : 17 ; 4 : 42 ; 12 : 47). Les brebis du pasteur, le baptisés anciens et nouveaux, trouvent leur pâture et peuvent se rassasier dans l’Église de Jésus, source de liberté et de nourriture en abondance. Je suis venu pour que mes brebis aient la vie et l’aient en abondance. (3 : 16 ; 4 : 14 ; 5 : 16 ; 10 :28)

Révélation

Si l’apôtre Jean a inscrit pareille réflexion dans sa catéchèse, c’est d’abord pour démasquer les adversaires (1 Jn 2 : 18+), mais davantage pour révéler le rôle de sauveurs qu’ont tenu et tiennent toujours Jésus et l’Église naissante pour ceux et celles qui viennent à eux. Il définit entre le Pasteur et ses brebis une relation de connaissance et de compréhension réciproques, une communion profonde fondée sur l’offrande que fait le bon Pasteur de sa propre vie.

Le discours trouve aujourd’hui encore sa raison d’être par le fait d’innombrables faux messies, les « antichrist » (1 Jn. 4) ; l’unité de l’Église, c’est à dire de tous ceux qui croient au Christ, motive également l’exposé. Ainsi se réalisera l’unité oecuménique malgré la permanence ou la difficulté d’effacer toutes les diversités. Nul discours ne peut davantage nous rattacher au Christ, Bon Pasteur, et à son Église. Leur amour nous enveloppe et nous ouvre les portes du salut. Telle est la nouvelle loi de l’enclos.

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