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À peine la mort?

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Ces jours-ci, se tient à Montréal le deuxième Congrès mondial contre la peine de mort. L’événement a lieu alors que le pays voisin, le puissant pays des États-Unis, s’apprête à passer aux urnes pour choisir son président. Veux-t-on que les électeurs de là-bas n’oublient pas certains enjeux de leur élection? Peut-être, si on réussit à attirer l’attention des américains qui n’ont d’yeux que pour la campagne électorale.

Par contre, il n’est pas indifférent que le Congrès ait lieu au Canada. Le gouvernement de ce pays a déjà aboli la peine de mort, il y a quelques années. On croit la chose acquise une fois pour toute. Mais ressurgit de temps à autre des nostalgies du bon vieux temps, quand on pouvait se débarrasser des indésirables! Ils seraient nombreux, paraît-il, ceux et celles qui voudraient rétablir ce châtiment.

De l’autre côté de l’Atlantique, les divers pays européens ont voté à Nice en l’an 2000 la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La dite charte abolit solennellement tout recours à la peine de mort. Un des artisans de la rédaction de cette charte, le juriste Guy Braibant révèle: «On a commencé le texte en cherchant un socle fondamental commun et l’abolition a vite fait l’objet d’un consensus.» (La Croix, 1er octobre 2004)

Qu’est-ce qui a amené les Européens à se convertir à l’abolition de la peine de mort alors que, il n’y a pas si longtemps, on se montrait favorable à l’usage de ce genre de punition? Dans un livre qui paraît ces jours-ci, Abolir, Michel Taube, président de «Ensemble contre la peine de mort» affirme: «L’histoire de l’Europe nous enseigne que c’est paradoxalement dans la confrontation à l’horreur et aux plus barbares des crimes que sont apparues les raisons d’abolir la peine capitale.» (Ibid.) Les pays de l’Europe de l’Est, pour leur part, consentiraient à l’abolition de la peine de mort pour pouvoir rejoindre l’Union européenne. Quelles que soient les raisons et leur à-propos, il reste qu’un grand pas a été franchi sur le vieux continent comme dans de nombreux pays de la planète.

Faut-il abandonner le combat devant de tels succès? «Seuls les juristes, dit Michel Taube, croient que le vote de l’abolition est comme gravé dans du marbre.» Et le journaliste Sébastien Maillard ajoute: «Abolir, dans le Petit Robert, signifie “réduire à néant”. Pour les militants réunis ces prochains jours à Montréal, l’abolition n’est jamais un acquis, mais toujours une lutte.» (Dans un article de La Croix, 1er octobre 2004. Nous reprenons ici les principales idées de cet article.) Il y aurait environ 2000 exécutions capitales par année sur la terre. On évalue à environ 3000 les condamnés à mort détenus dans les prisons de trente-huit pays (Statistiques de 1995, citées dans Courrier de l’ACAT, nos 171-172, janvier-février 1997, p. 21).

La peine capitale s’inspire de la loi du talion: «Oeil pour oeil, dent pour dent». Comme cette loi, elle croit qu’il est possible de payer les crimes que certains citoyens peuvent perpétrer. Or, comment peut-on payer un assassinat ou toute autre action terroriste? Quand la victime est blessée et, à plus forte raison, est morte, on ne peut payer assez cher pour que les choses reviennent comme avant. La mort du bourreau ne fait pas ressusciter la victime.

Et la société affirme du même coup qu’elle ne reconnaît pas la possibilité de changer un criminel. Abolir la peine de mort, c’est croire qu’en chaque être humain, il existe une part de bonté, ne serait-ce qu’une étincelle. Et croire qu’on peut faire appel à cette part pour transformer la personne violente ou méchante. Devant certains monstres, cette confiance peut sembler utopique, mais nous n’avons pas le droit de ne pas essayer.

Finalement, abolir la peine de mort, c’est refuser de faire appel, nous-mêmes, aux procédés que nous condamnons chez les assassins. C’est une question de logique avec ce que nous prétendons défendre. Vouloir tuer un criminel, c’est considérer comme lui que la mort est une action banale. «À peine la mort!», pourrait-on dire. «Le maintien de la peine de mort met en question la plus importante conquête de la civilisation moderne: la valeur et la dignité de la personne humaine, qui s’expriment en premier lieu dans le droit inaliénable à la vie» (René Coste, «Des arguments théologiques contre les exécutions capitales», dans Courrier de l’ACAT, nos 171-172, janvier-février 1997, p. 21)

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