Promesse accomplie
« Si vous m’aimez vous garderez mes commandements. Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour être avec vous à jamais, l’esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le voit ni le connaît… Si quelqu’un m’aime, il gardera ma Parole, mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Ma parole n’est pas mienne, c’est la parole de celui qui m’a envoyé. Je vous ai dit ces choses alors que je demeurais avec vous. »
Commentaire :
La Pentecôte n’est-elle que la manifestation de l’Esprit, troisième personne de la Trinité ? Ne serait-elle pas avant tout la naissance de l’Église, dépositaire de la Parole, mais davantage encore révélation de la présence de Dieu, Père, Fils et Esprit en chaque fidèle, au plus profond de son être, dans une relation personnelle et immédiate ? Profitant de l’expérience et de la réflexion de l’âge apostolique, Jean proclame en pleine clarté l’envoi de l’Esprit par le Père au nom du Fils. Cette présence des trois que l’envoi ne sépare point pour autant, constitue une présence invisible au monde, mais habitation permanente au plus profond de la vie des croyants. Il ne s’agit point ici d’un phénomène charismatique, extraordinaire et passager. Dieu en trois personnes, Père, Fils et Esprit, vient chez les siens tel que promis : c’est là le sens plénier de la Pentecôte. Le Père était déjà visible dans sa création (Ps. 8 et 91), le Fils au cours de ses trois années terrestres, mais se manifeste maintenant l’Esprit. Les trois sont là, au cœur de chacun et pour toujours, mais dans la mesure de l’amour que nous entretenons les uns pour les autres.
Ce passage constitue la réponse donnée par Jésus aux questions de Thomas (Jn 14 : 5), Philippe (14 : 8) et Jude (14 : 22). En réponse à ces trois interlocuteurs, trois appels à garder les commandements de Jésus (15 : 21,23) qui définissent trois modes de présence divine à ceux qui croient : celle du Paraclet (16-17), le retour invisible de Jésus (18-21) et la venue du Père et du Fils (22 –24), intimement liées et conditionnées avec le départ de Jésus (25-31). Mais encore faut-il aimer Dieu pour l’accueillir. Cette connaissance amoureuse de Dieu, connaissance expérimentale fonde la relation personnelle : « Celui qui aime connaît Dieu parce que Dieu est amour » (I Jn 4).
DEMEURE
Le terme « demeure » revient onze fois dans la première partie du chapitre 15e de Jean. L’expression ne doit pas être prise au sens spatial, elle définit une nouvelle relation d’être des disciples avec le Père, l’Esprit et Jésus. L’exemple du sarment avec le cep ( 15 : 1-18) est de nature à illustrer le sens et la portée de cette demeure. L’image définit une communion et une intimité de vie. Demeurer en Jésus, condition de demeurer avec le Père et l’Esprit, équivaut à demeurer dans sa parole. Cela comporte un engagement moral : le salut apporté par Jésus nous purifie par le moyen de la parole qui nous établit en communion avec le monde divin. L’amour, ce « nouveau lieu » où nous devons demeurer, milieu divin et sa source, est précisément l’amour divin qui nous est communiqué et doit devenir pour nous règle de vie. L’amour envers Jésus se concrétise dans l’observance des commandements, de « son commandement » et conditionne le don de l’Esprit.
Le retour de Jésus et la venue du Père se réalisent par l’intermédiaire de l’Esprit, âme de l’Église. Cet « autre Paraclet », l’ « Esprit de Vérité », le monde ne peut le recevoir parce qu’il ne le voit ni le connaît. Pareille incapacité émane de l’attitude du monde à l’égard de l’activité terrestre de Jésus. Par son manque de foi, le monde n’a pu discerner cette présence, et son intelligence n’a pu saisir le mystère de la personne de Jésus et la présence en lui de l’Esprit. Aux disciples par contre, l’Esprit sera donné et sera avec eux à cause de leur amour et parce qu’ils se sont préparés à aimer.
Cette présence des Trois est communion, non pas une présence abstraite. Présence réciproque ; de la part de Jésus présence plus réelle encore, plus proche, plus intime, plus efficace qu’elle ne le fut tout au cours de son existence terrestre. Aussi, lorsque les disciples proclameront comme message tout au long des siècles : « Nous avons vu le Seigneur » (20 : 18,25; 14 : 19), cela deviendra le scandale, la pierre d’achoppement de l’expérience courante d’Église. Et bien que Jésus soit absent, il demeure présence avec le Père et l’Esprit, et par l’Esprit qui procède du Père et du Fils. La parole, le Souffle, source de Vie qui proclame le Verbe devient vie en chacun, présence du Fils, le Verbe de Dieu, et du Père, source de ce Verbe et de l’Esprit qui est cette Parole même. Jésus souhaitait une manifestation éclatante dont le monde ne pourrait plus détourner les yeux, mais comme Seigneur de gloire, il se laissera atteindre par une regard de foi et dans l’amour. « Qui aime connaît Dieu parce que Dieu est amour ?
Pourrions croire au terme de cette grande retraite pascale, ces quarante jours de jubilation et de contemplation du Ressuscité, que nous puissions en arriver à cette inhabitation de la Trinité en nous ? Elle sera prise de conscience de cette ineffable intimité à laquelle nous sommes promis dans la mesure de notre amour et de la venue de l’Esprit en nous, accomplissement de la promesse du Père et du Fils ?