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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche du Carême. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

L’humus de l’Amour Divin

Cependant les publicains et les pécheurs s’approchaient tous de lui pour l’entendre. Et les Pharisiens et les scribes de murmurer : « Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » Jésus leur dit alors cette parabole… : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : Père donne-moi la part de fortune qui me revient. Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le plus jeune fils, rassemblant tout son avoir, partit pour un pays lointain et y dissipa son bien dans une vie de prodigue. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint en ce pays et il commença à sentir la privation. Il alla se mettre au service d’un des habitants de la contrée qui l’envoya dans ses champs garder les cochons. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit : Combien de journaliers dans la maison de mon père ont du pain en abondance, et moi ici je meurs de faim ! Je veux partir, retourner vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes journaliers. Il partit donc et s’en retourna vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut, fut touché de compassion; il courut se jeter à son cou et l’embrassa longuement. Le fils lui dit alors : Père j’ai péché comme le Ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Mais le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé ! Et ils se mirent à festoyer. Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour il fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que cela signifiait. Celui-ci lui dit : C’est ton frère qui est de retour, et ton père a tué le veau gras parce ce qu’il l’a recouvré en bonne santé. Il se mit alors en colère et refusa d’entrer. Son père sortit pour l’en prier. Mais il répondit à son père : Voici tant d’années que je te sers sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau à moi, pour festoyer avec mes amis; et puis ton fils que voilà revient-il après avoir dévoré ton bien avec les femmes, tu fais tuer pour lui le veau gras. Mais le père lui dit : Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Maisil fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.

Commentaire :

Le chapitre quinzième de Luc forme un tout et donne réplique à la réflexion des Pharisiens et des scribes : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux! ». Deux petites paraboles, celle de la brebis perdue et de la drachme perdue précèdent celle de l’enfant prodigue Une sorte de refrain leur confère un certain parallélisme : « Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis, la drachme que j’avais perdue ». Un leitmotiv comparable divise l’épisode de l’enfant prodigue : « Mangeons et buvons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » (15 : 24 et 32).

« Un père et ses deux fils ». Ce titre ne serait-il pas plus convenable à cette parabole dans laquelle il est davantage question de la conduite du père que de celle des fils, notamment l’enfant prodigue : le père tient incontestablement le rôle principal et les fils ne sont là que pour permettre au père d’exprimer ses sentiments et servir de leçon. Exprimer l’amour de Dieu pour les pécheurs, telle est le but de cette parabole dans la ligne la plus authentique de l’Ancien Testament ( Osée 1-3, Isaïe 43, 49, 54 et Jérémie 31). Cette révélation de la tendresse divine avait débuté avec la prière d’Abraham pour Sodome (Ge. 18). Dans sa narration, Jésus prête au vieux père des expressions et des attitudes qui ne peuvent que nous émouvoir : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de compassion. Il courut, se jeta à son cou et l’embrassa ». L’auditoire dut s’agiter à ces mots : un tel empressement et la joie de cet homme retrouvant son fils vagabond étaient choses inouïes, choquantes pour un oriental. Le père ne porte même pas attention à l’humble formule de repentir préparée par le fils; il est revenu, il est là, qu’importe la véracité de son attrition, seul compte à ses yeux le fils qu’il a toujours aimé. Par cet exemple, Jésus voulait faire comprendre au fils aîné, aux pharisiens et aux scribes aveuglés par les prescriptions de la Loi, et à nous aussi peut-être, présomptueux ou désespérés, la surabondante tendresse de Dieu à l’égard des égarés. On croirait retrouver Osée face à l’épouse infidèle (Os.1-3). Il ne s’agit point ici de condescendance divine, mais de l’inconcevable amour divin à l’égard des pécheurs.

La conduite du fils aîné prolonge les reproches d’Ézéchiel : « La conduite du Seigneur n’est pas juste ! » (Ez. 18 : 25.29) Mais qui peut revendiquer des droits face à Dieu ? Cette miséricorde infinie du Père, Jésus l’a manifestée en diverses occasions : au festin de Lévi (Mc.2 :16), l’invitation lancée à Zachée (Lc 19 : 7) et la pécheresse chez Simon le Pharisien (Lc 7 : 39). Isaïe avait déjà décrit cette sollicitude divine pour les pauvres, les malheureux (Is. 61) ; cette même attention divine s’étendra non moins au pécheurs et aux égarés. Il y a donc dans cet épisode la révélation de l’amour de Dieu pour les enfants déchus, son désir de pardonner et sa volonté de les introduire dans le Royaume évoqué ici par le festin.

Incommensurable tendresse divine pour le pécheur et confiance que nous devons avoir en revenant vers Dieu. Le péché ne fait jamais obstacle à l’amour divin, au contraire, il est l’humus dans lequel cet amour divin fait croître ses plus belles fleurs. « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde.» (Rom.11 32)

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