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Le psalmiste,

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Le psalmiste

C’est ta face, Seigneur, que je cherche !

Imprimer Par Yves Bériault, o.p.

« Écoute, Seigneur, je t’appelle!
Pitié! Réponds-moi!
Mon cœur m’a redit ta parole :
“ Cherchez ma face. ”
C’est ta face, Seigneur, que je cherche :
Ne me cache pas ta face.» (Psaume 26)

Ce que l’on doit affirmer de la foi chrétienne, c’est qu’en Jésus ressuscité, il nous est donné de faire l’expérience de Dieu d’une manière unique et insurpassable. Il nous est donné de saisir, avec une profondeur renouvelée, cette recherche de Dieu qu’atteste le psalmiste de l’Ancien Testament, et dont la recherche a quand même quelque chose de dramatique. Dramatique parce que l’homme de la Torah, l’homme de la Loi, porte en son cœur un immense désir de Dieu, placé là par Dieu lui-même, mais un désir encore en attente d’exaucement, un désir suppliant, « ne me cache pas ta face », puisque le croyant de l’A.T. n’a pas encore trouvé la source pouvant étancher sa soif, lui procurer l’eau vive à laquelle il aspire. D’où le piège des observances et des préceptes de la loi mosaïque où le croyant risque de s’enfermer et de se durcir.

Pourtant, le psalmiste nous l’atteste, la soif de Dieu est bien présente en lui, obsédante même pour ce fidèle observateur de la Loi, pour l’ami de Dieu, le pauvre, celui qu’on appelle l’anawim, et qui fait de Dieu son tout, qui l’appelle de tout son cœur.

C’est pourquoi la prière de l’auteur des psaumes, qu’on appelle « le psalmiste », demeure toujours en Église le fondement de toute prière. « Écoute, Seigneur, je t’appelle! Pitié! Réponds-moi! » Ce cri gardera toujours son actualité et il est la clef de voûte de toute prière véritable. Car le croyant qui se tourne vers Dieu ne saurait prétendre entrer dans cette communion, qui le dépasse infiniment, sans une remise complète et totale de lui-même à Celui qui l’a appelé à la vie. Il ne s’agit pas ici d’un abaissement pour s’humilier ou s’anéantir.

Dans cette remise totale de soi à Dieu, il doit y avoir, de la part de celui qui prie, la volonté de se donner entièrement à Dieu, sans réserve, sans condition, sans rien garder pour soi. La disponibilité à l’action de Dieu au cœur de notre vie est à ce prix, à l’exemple du fils de Dieu, qui ne garda rien pour lui et qui donna tout : « Ma vie nul ne la prend, c’est moi qui la donne ».

Jésus a tout donné. Et dans ce face à face avec Dieu que constitue la prière, il nous faut nous aussi tout donner. Donner toute notre détresse, toutes nos fragilités, toutes nos soifs. C’est alors que le cœur peut s’ouvrir à Celui qui ne demande qu’à y entrer. Il faut que je diminue pour qu’il croisse en moi. Il faut avoir le courage d’entrer dans cette dynamique de la prière où l’on se place devant Dieu avec notre faible espérance au creux des mains, qui appelle la miséricorde de Dieu et qu’Il accueille comme la plus belle des offrandes. L’on pense que tout donner est exigeant alors qu’il s’agit tout simplement de faire confiance en s’offrant totalement, et en appelant Dieu de toutes nos forces : « Écoute, Seigneur, je t’appelle! Pitié! Réponds-moi! ».

C’est alors que s’engage le véritable dialogue dans la prière. Le psalmiste l’affirme : « Mon cœur m’a redit ta parole. » Dans la prière Dieu donne sa parole. Notre Dieu veut se faire connaître. Et au cœur de la prière, imperceptiblement, Il se dit, Il nous parle. Lui, la source même du moindre souffle en nous, Il nous guide patiemment vers Lui par sa Parole et nous fait communier à son amour pour nous.

Nous ne pourrons jamais nous représenter la grandeur de l’amour de Dieu pour nous, « un amour qui fera toujours notre étonnement ici-bas, parce que dépassant absolument tout ce que nous pourrions concevoir, et dont nous ne pourrons jamais toucher le fond. Pour connaître le fond de l’amour de Dieu, il faudrait être Dieu » (Journet, Charles. Traité sur la grâce. P.14). Et pourtant Dieu veut se donner à nous en partage.

« Cherchez ma face ». L’expérience de foi confiante à laquelle nous sommes appelés est toute orientée vers la recherche même de Dieu dans l’expérience de son amour pour nous. Comme si Dieu voulait qu’on le cherche pour mieux le trouver, et qu’on le trouve pour mieux le chercher encore. L’auteur sacré n’affirme-t-il pas que nul ne peut voir Dieu face à face sans mourir, et pourtant Dieu nous invite à le chercher Lui, à le chercher sans cesse. Et l’on peut comprendre la prière suppliante du psalmiste qui devant cette invitation s’écrie : « C’est ta face que je cherche Seigneur : ne me cache pas ta face. » Car sa quête de Dieu, qui traduit toute l’espérance d’Israël, est déjà porteuse de la réponse de Dieu. Cette quête du psalmiste, cette quête des pauvres d’Israël, enfantera littéralement l’exaucement de Dieu à leur supplication.

Dieu a mis dans le cœur de l’homme la soif même que lui seul peut rassasier et il n’a eu de cesse de faire grandir cette soif au cours de l’histoire d’Israël, son enfant chéri. Et quand les temps furent venus, quand l’espérance d’Israël eut atteint son comble dans l’humble servante Marie, la mère de la promesse, Dieu acquiesça à la demande du psalmiste. Il lui dévoila son visage témoignant ainsi du plus grand amour qui soit : il nous donna son Fils, son Unique.

« Montre-moi ta face! » A cette supplication, dont l’écho remonte les millénaires jusqu’à nous, et que nous faisons nôtre aujourd’hui, Dieu répond en nous donnant sa Parole vivante, son Fils Bien-Aimé, qu’Il a ressuscité d’entre les morts. Jésus seul pouvait nous dévoiler le vrai visage de Dieu, car seul le Fils du Père pouvait nous aimer comme le Père nous aime : « Comme le Père vous a aimé, moi aussi je vous ai aimé. »

C’est pourquoi, aujourd’hui, lorsque nous cherchons la face de Dieu avec le psalmiste, nous nous tournons vers le Christ qui nous conduit vers le Père. En lui, Dieu s’est laissé voir, entendre, et toucher. Notre foi, fondée sur celle des Apôtres nous l’atteste :

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie — car la vie s’est manifestée, et nous avons vu et nous rendons témoignage et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était tournée vers le Père et s’est manifestée à nous –, ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Et notre communion est communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. » (1 Jean 1, 1-2).

C’est pourquoi, lorsque résonne en nous la parole de Dieu où il nous dit : « Cherchez ma face », nous savons désormais que son « visage » est enfoui à la fois au cœur du monde, au cœur des masses humaines qui le cherchent, et, à la fois, au plus intime de nous-mêmes, là où il habite par son Esprit. La Galilée où le Ressuscité nous attend, commence tout d’abord par cette terre en friche sur laquelle s’ouvre la porte de notre cœur, terre qu’il vient sanctifier par le don de son Esprit, nous transformant ainsi en Temple vivant afin que nous puissions déjà le contempler en nous. Cette Galilée qui commence en nous, s’étend jusqu’aux extrémités du monde, là où notre prière a la force, par l’action de l’Esprit Saint en Église, de rejoindre tous ceux et celles vers qui le Christ nous envoie.

Puisque Dieu se donne à ceux qui le cherchent, il nous faut donc sans cesse rechercher la face de Dieu, rechercher sa présence au cœur de nos vies, avec la même détermination suppliante que le psalmiste : « Ne me cache pas ta face », tout en sachant que cette prière que nous faisons monter vers Dieu a déjà trouvé son exaucement en Jésus Christ, lui l’unique révélateur du visage du Père.

Le psalmiste

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