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Notre patrie, c’est la route

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Septembre est revenu. L’été rentre au port après une croisière que nous avons trouvée trop courte. L’été apporte avec lui ses dernières réserves de chaleur et de lumière. Et, dans sa générosité, il confie à l’automne de mûrir ce qu’il a fait germer durant les quelques semaines qui lui étaient accordées.

L’été rentre au port. Il jette l’ancre. Il se retrouvera bientôt en cale sèche. Bel été que nous avons savouré en compagnie du soleil. Exécrable été qui nous a fouetté l’intérieur de ses pluies cinglantes et des gros nuages boudeurs. Nous l’aimons malgré tout, cette saison tout en contraste. Nous l’aimons pour ce qu’elle nous apporte de rêves et d’aspirations, d’élans et de tranquillités.

Mais l’été rentre au port. Il jette l’ancre. L’automne se montre le bout du nez. Cette nouvelle saison veut prendre le large à son tour. Elle nous regarde. Elle nous fait de beaux yeux, innocemment comme un enfant. Elle invite au voyage.

L’été nous suggérait de plier bagage, de ranger les outils, de serrer les couleurs lumineuses. L’été nous proposait de nous camoufler sous les derniers rayons de soleil, de nous laisser envelopper et caresser par les souffles chaleureux des derniers vents légers. Nous pensions nous retirer comme l’ours pour un long sommeil, une retraite comme on dit: «se mettre en retrait».

Mais l’automne nous fait signe. Il décadenasse les barrières de mille chantiers. Il pointe du doigt l’atelier où d’autres outils attendent des mains habiles d’experts et des doigts hésitants d’apprentis. Il tend le tablier avec ses odeurs de travail. Déjà, on entend la chanson des petits et des gros labeurs.

L’automne nous trace un nouvel itinéraire. Une autre croisière nous attend. En amont ou en aval, peu importe. L’océan a ses charmes comme la source ses richesses. Que nous remontions le courant jusqu’à sa naissance ou que nous le suivions jusqu’à son terme, il importe surtout de voguer. La vie se nourrit plus de la route qu’elle marche que de l’auberge où elle aboutit. La vie est perpétuel déplacement, mouvement constant. Nous sommes avant tout des êtres de désir. Nous nous définissons par la soif qui nous habite. Nous nous rassasions avant tout de notre faim. Nous sommes notre pauvreté. Nous ne possédons vraiment que ce qui nous dépossède.

L’aventure spirituelle que nous avons choisie de vivre marque notre route. Elle prend la forme du désir qui nous garde en éveil. C’est le cas pour les disciples de Jésus Christ. Le philosophe Henri Bergson a dit: «L’élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais». Nous croyons en forme de voyage. La foi à la suite d’Abraham et de Moïse, à la suite des prophètes, à la suite des disciples d’Emmaüs nous transforme en pèlerins à la recherche d’un ailleurs qui nous est plus proche que nous pouvons l’imaginer.

Nous pensions rentrer à la maison et nous reposer des jeux de notre été. Mais la vie nous relance. Elle nous devance sans cesse. Notre patrie, c’est la route. La terre est promise, mais jamais acquise.

«Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit: “Passons sur l’autre rive”.» (Marc 4, 35-36)

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