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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

17e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Terreau de la révélation

Après cela, Jésus s’en alla de l’autre côté de la mer de Galilée ou de Tibériade. Une grande foule le suivait à la vue des signes qu’il opérait sur les malades. Jésus gravit la montagne et s’y assit avec ses disciples. La Pâque, fête des Juifs, était proche. Levant les yeux, Jésus vit alors qu’une grande foule venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions nous acheter du pain pour les faire manger ? » Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait bien ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : « Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun en ait un petit morceau. » Un de ses disciples, André, le frère de Simon Pierre, lui dit, : « Il y a ici un enfant qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Jésus leur dit : « Faites-les asseoir. » Il y avait beaucoup d’herbe en cet endroit. Ils s’assirent donc au nombre d’environ cinq mille hommes. Alors, Jésus prit les pains, rendit grâces et en distribua aux convives autant qu’ils en voulurent, et de même du poisson, autant qu’ils en voulurent. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Recueillez les morceaux qui restent, afin que rien ne soit perdu. » Ils les recueillirent et remplirent douze couffins avec les morceaux qui restaient du repas des cinq pains d’orge. A la vue du signe qu’il venait d’opérer, les gens dirent : « C’est vraiment lui, le prophète qui doit venir dans le monde. » Jésus se rendit compte qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi ; alors il s’enfuit à nouveau, seul, dans la montagne.

Commentaire :

La lecture l’évangile de Marc est momentanément mise de côté. Son livre n’a pas les dimensions pour couvrir tous les dimanches de l’année liturgique B. On supplée alors pour quelques dimanches avec la lecture du chapitre 6e de Jean. On croirait malgré tout lire la suite de Marc (6 : 32-44) mais plus élaborée. Ce miracle de la multiplication des pains a une très grande importance dans la tradition évangélique. C’est le seul dont tous les évangélistes aient gardé souvenir. Il est un sommet dans la manifestation de la puissance messianique de Jésus et un moment de décision pour la foi. Il montre comment l’option de foi s’offre à l’homme.

Si Marc pour une part propose le miracle de la multiplication des pains comme une geste de compassion de la part de Jésus (6 : 34), Jean d’autre part le présente comme signe susceptible de révéler Jésus. Son intention est toujours de dire qui est Jésus et ce qu’il nous offre. La foule enthousiasmée devant l’ampleur du miracle tentera de s’emparer de Jésus pour le faire roi. Mais Jésus a d’autres objectifs : en donnant une nourriture matérielle, il veut signifier la nourriture spirituelle qu’il apporte. Incompris, Jésus va fuir. Il ne s’agit pas de chercher en lui la réalisation de ses propres aspirations, mais de chercher qui il est et ce qu’il apporte. La recherche de soi empêche les Juifs de lire le miracle que Jean rappelle comme signe et révélation de Jésus.

Le thème de la multiplication des pains appartenait déjà à une tradition antérieure à Jésus : le miracle de la manne accompli par Moïse au cours de l’Exode (16e). Le récit de Jean reste fidèle à cette ancienne tradition de la manne. L’auteur du 4e évangile fait un rapprochement entre Jésus et Moïse, non sans affirmer que Jésus est le véritable Moïse, supérieur à l’ancien. Jésus apporte un nouveau sens au miracle de la manne au désert : le signe de la fidélité de Dieu à ses promesses. Mais pour déceler la nouveauté du signe, il faut être disponible à l’inédit ; il est toujours risqué de s’enliser dans une manière de lire la parole de Dieu. Ainsi les Juifs au temps de Jésus, enfermés dans leur tradition de lecture, s’avéraient incapables, sous prétexte de fidélité obstinée, de percevoir la nouveauté des événements. Ils ne pouvaient qu’accepter le renouvellement du passé, et demeuraient en conséquence incapables d’accueillir la nouveauté de Dieu. Aussi ne purent-ils lire le signe et la nouveauté du message impliqué dans la multiplication des pains. Nos habitudes, les meilleures, nous trahissent parfois.

Le miracle de la multiplication des pains avait donc pour but de révéler Jésus, « Parole fait chair ». Tout au long de son évangile, Jean s’attache à la personne de Jésus. La question « Qui est Jésus » sous-tend toutes les sections de son livre. Tous les miracles-signes du 4e évangile deviennent autant de révélations de Jésus Lumière, Vie, etc… Mais le problème est que le risque de lire ces pages selon des schémas construits par la tradition et les habitudes fait en sorte que la nouveauté nous échappe. Il ne s’agit de se chercher en Jésus, mais de chercher Jésus l’inconnu parmi nous.

Ce que Jésus veut signifier en cette multiplication des pains est la vie nouvelle qu’il apporte par sa Parole faite chair, la vie de Dieu lui-même en chacun de nous. Pour posséder cette vie, comme Jésus le révélait à Nicodème, l’homme doit renaître à nouveau. Rien plus que le récit de cette multiplication des pains ne peut davantage expliciter l’impuissance de l’homme à ce renouvellement, qui dépasse toutes ses attentes, voire même les conteste. La tentation de se tailler un Dieu sur mesure est toujours présente. Pourtant, c’est dans nos faiblesses et nos besoins que Dieu se révèle le mieux.

Tel est terreau de la Révélation de Dieu apportée par Jésus.

Parole et vie

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