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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

14e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

La journée de Nazareth

Étant parti de là, Jésus se rend dans sa patrie, et ses disciples l’accompagnaient. Le sabbat venu, il ne mit à enseigner dans la synagogue et grand nombre en l’entendant étaient frappés d’étonnement et disaient : « D’où cela lui vient-il ? Et qu’est-ce que cette sagesse qui lui a été donnée et ces grands miracles qui se font par ses mains ? N’est-ce pas là le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Se ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous ? » Et ils se choquaient sur son compte. Et Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans patrie, dans sa parenté et dans sa maison. » Et il ne put faire aucun miracle, si ce n’est guérir quelques malades en leur imposant les mains, et il s’étonnait de leur manque de foi.

Commentaire :

Il est venu vers les siens et les siens ne l’ont pas reçu «. (Jn 1 : 11) Telle pourrait être l’histoire condensée de cette journée de Nazareth. Passage bizarre qui tourne au pire et dans lequel le héros lui-même ne réussit pas, évocation de la longue plainte du prophète : « Que je chante à mon ami le chant de son amour pour sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile… Il en espérait des raisins, mais elle lui donna du verjus… Que pouvais-je fait pour ma vigne que je n’ai fait…» (Is. 5) Ou encore l’une des plus anciennes prédications de Jérémie. Dans les années 621 avant Jésus, le prophète dénonçait l’indifférence de Jérusalem : « Je me rappelle l’affection de ta jeunesse, l’amour de tes fiançailles… En quoi vos pères m’ont-ils trouvé déloyal pour s’être éloignés de moi ? … C’est un double méfait que mon peuple a commis : ils m’ont abandonné moi, la source d’eau vive pour se creuser des citernes lézardées qui ne retiennent pas l’eau. » (Jr. 2 : 13)

Pourquoi Marc rappelle-t-il cette histoire ? N’aurait-il pas dû tout simplement taire l’événement pour ne pas scandaliser l’auditoire auquel il s’adresse ? Lui fallait-il annoncer si tôt le mystère de la Passion et de la croix, et prématurément prévenir ses disciples de ce qui les attendait, du scandale qu’ils deviendraient eux-mêmes et de l’incroyance à laquelle ils se heurteraient ? Pourquoi étaler et lier en quelques phrases une situation d’admiration puis de désapprobation? Et comment Jésus peut-il s’étonner l’incroyance des siens alors que l’expérience l’avait déjà prévenu à ce sujet : « Nul n’est prophète dans son pays. »

Évitons ici de reconstruire le texte à notre manière et tenter d’expliquer tout ce qui nous semble inexplicable. Quel peut être le but de Marc et en fonction de quel besoin de la communauté? Simple exhortation aux prédicateurs chrétiens tentés de se laisser abattre par les difficultés de la mission ? Question des chrétiens dispersés et révoltés par l’attitude des Juifs auxquels Jésus s‘est d’abord adressé et qui l’ont refusé ? Expliquer peut-être les difficultés de l’expansion missionnaire chrétienne ?

Marc n’aurait-il pas élaboré ce récit par la fusion de deux thèmes théologiques d’une importance particulière : sa foi en Jésus Christ et le refus d’Israël à partager sa foi ? Ce texte fait partie d’un ensemble. La situation se dégrade à partir du moment ou Jésus revient parmi les siens. La cause : les attentes et refus des Nazaréens sur l’origine de Jésus : « IL est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reçu » ; l’aboutissement : mépris pour Jésus, les siens ne croient plus en lui. L’étonnement de Jésus laisse croire que pour lui les choses auraient dû normalement se passer autrement. Marc n’aurait-il pas tenté d’amener son lecteur à des réponses positives ? Ce schéma procède de l’étonnement admiratif de l’auditoire pour s’arrêter sur la question des origines et finalement verser dans une réaction d’incroyance. Jean a relaté une expérience identique (Jn 7 : 14, 15-19 et 24-29 et Lc 4 : 16-30). Mystère d’incroyance : il ne suffit pas de croire au prédicateur, mais de croire en la personne même de Jésus.

Presque tous les termes utilisés dans cette péricope font référence à une expression ou un thème précédemment énoncé : journée à Capharnaüm (1 : 21), journée typique de l’action de Jésus se présentant à la fois comme prédicateur et thaumaturge, parallèle antithétique à la journée inaugurale, celle de Nazareth. La question des origines déjà formulée où la parenté de Jésus est mise en cause (3 : 20-35), le thème de l’incroyance retrouvé au début et au terme de cet ensemble ( 4 : 40 et 6 : 6). Ce passage constitue comme un récit sommaire négatif concernant le ministère de Jésus. Texte à première vue sans importance, mais d’une importance très grande dans l’ensemble de l’évangile de Marc.

Il reste que le fait a valeur histoire : les insuccès de Jésus après l’enivrement des débuts, et plus sérieux encore cet insuccès qui se concrétise. La leçon qui en découle : le Credo sur l’humanité de Jésus, son incarnation, toutes les passions de la psychologie humaine, la pauvreté, le contact avec les basses classes, toutes les catégories sociales de son temps et de son pays. Il a est tombé comme un autre, il a souffert, il a en somme accepté la terre et tous ses impacts négatifs (Phil.2 : 6-11).

L’humanité de Jésus telle que retrouvée en cette journée de Nazareth, la comprendrons-nous jamais ?

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