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Par quatre chemins

Imprimer Par Paul-André Giguère

Dans la spiritualité amérindienne, la prière dans les quatre directions est importante. Le nord, le sud, l’est, l’ouest. Devant, derrière, à droite, à gauche. Où allons-nous ? Comment interpréter les signes qui permettent d’aller dans la bonne direction ? N’est-ce pas une des grandes questions de toute recherche spirituelle ? Aussi bien, la Bible abonde-t-elle en prières comme la suivante: Seigneur, fais-moi connaître tes voies, montre-moi tes sentiers (Psaume 25, 4). Et, on le sait, il arrive non seulement souvent, mais habituellement, que ces chemins soient déroutants. Mes chemins ne sont pas vos chemins, répond le Seigneur (Esaïe 55, 8).

Cette question de l’orientation spirituelle est d’autant plus déroutante et déconcertante qu’il n’existe pas de sens unique, de voie toute tracée, d’autoroute vers la rencontre de soi-même dans la vérité et dans la rencontre avec Dieu.

Les uns cheminent par le chemin de l’Un. Fuyant le multiple, l’éclatement, la dispersion, ils sont en quête d’unité. Ils sont en quête de l’Être. De l’Unique réel, stable, fiable. Ils sont en quête de simplicité, de désencombrement, de pureté (au sens d’un métal pur – purifié – et non mêlé). Ils sont à la recherche d’un principe unificateur. Ils remontent vers la source. Leur chemin leur fait peu à peu tourner le dos à ce qui est trouble et ambigu.

D’autres cheminent par le chemin du Vrai. Fuyant le monde des apparences, les réponses superficielles, les évasions loin des questions existentielles, ils sont hantés par la question du sens. Sens de l’existence, sens de l’histoire, sens de leur vie. Ils sont en quête de connaissance, et on sait comment les différentes formes de gnose habitent l’histoire de la spiritualité. Ce sont des amants et des amantes de la lumière. Leur chemin les fait s’éloigner de tout ce qui est absurde et insensé comme de toute forme d’ignorance et d’obscurantisme.

Mais il en est encore qui avancent plutôt par le chemin du Bon. Autrefois, on en parlait comme de ceux pour qui la vie vertueuse était un idéal. Faire le bien, éviter le mal, et surtout, être bons, bienveillants, compatissants. Aujourd’hui on préfère parler d’engagement. Engagement dans le combat contre l’injustice, dans la lutte pour la dignité, dans le travail d’humanisation de la vie personnelle et sociale. Ce sont des êtres de feu, des hommes et des femmes passionnés de changer les choses, qui refusent l’intolérable, la dégradation de l’humain, quelle que soit la forme qu’elle prenne.

Il y a aussi le chemin du Beau. Et voilà ceux qui l’empruntent guidés par les impressions, que notre culture rationnelle et une spiritualité désincarnée tendent tellement à sous-estimer. Un paysage grandiose, un coucher de soleil éclatant, une musique saisissante, des couleurs vibrantes, de belles phrases aux mots suggestifs, voilà leur boussole. Ils et elles cherchent à créer de la beauté dans leur environnement. Ils et elles ont horreur de toute forme de laideur et de trivialité.

À chacun sa voie privilégiée. Chaque voie est légitime pourvu qu’elle soit la sienne. Suivre celle d’un autre, fût-ce celle de quelqu’un qu’on admire beaucoup, d’un maître ou d’un saint, ne conduit nulle part. Comme il est important que cela soit reconnu ! Que chacun puisse être autorisé, mieux, puisse s’autoriser à emprunter sa propre voie. Qui pour chacun est toujours, paraît-il, le chemin le moins fréquenté. Et comme il est important, également, que chacun sache se tenir disponible quand la vie le place à un carrefour où le chemin de vérité prend une autre direction, entraîne là où on est moins familier. Oui, n’est-ce pas bien là qu’il est vraiment question de foi ?

Pour la tradition spirituelle chrétienne, cependant, une voie vient marquer toutes celles que nous venons d’évoquer. C’est comme si, en plus de ce qui est devant, derrière, à droite et à gauche, il y avait ce qui est au-dessus et au-dessous, dans un axe de verticalité qui est l’amour. L’Un sans amour se dégrade en suffisance. Le Vrai sans amour devient idéologie. Le Bon sans amour se transforme en activisme. Et le Beau sans amour se referme sur lui-même en esthétisme.

À cette lumière, il convient de regarder avec fascination la figure du Christ qui, se disant la Voie, a montré d’une manière exemplaire comment être humain par les chemins de l’Un, du Vrai, du Bon et du Beau. Dans l’amour universel et parfait qui va jusqu’au don de sa vie.

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