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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

3e Dimanche de l’Avent. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Une voix dans le désert

Parut un homme envoyé de Dieu. Il se nommait Jean. Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais le témoin de la lumière… Voici quel fut le témoignage de Jean, quand les juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il confessa, il ne nia pas, il confessa : « Je ne suis pas le Christ. » – « Quoi donc ? demandèrent-ils. Es-tu Élie ? » Il dit : « Je ne le suis pas. » – « Es-tu le prophète ? » Il répondit : « Non. » Ils lui dirent alors : « Qui es-tu, que nous donnions réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que dis-tu de toi-même ? » – « Moi, dit-il, je suis une voix qui crie dans le désert. Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le prophète ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Au milieu de vous, il est quelqu’un que vous ne connaissez pas, celui qui vient après moi, dont moi, je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sandale. » Cela se passa à Béthanie, au-delà du Jourdain, où Jean Baptisait.

Commentaire :

Parut un homme envoyé de Dieu. » Si l’évangéliste Marc commençait la Bonne nouvelle du salut avec l’histoire de Jean Baptiste, le précurseur occupe dans l’évangile de Jean une place non moins importante. Jean Baptiste est sans doute davantage qu’une sorte de symbole, d’emblème, de patron national ; l’énigmatique figure du Baptiste doit nous interpeller ainsi que son rôle dans l’œuvre du salut. C’est avant tout sur son témoignage que les premiers disciples s’attacheront à Jésus. Loin de les retenir, le précurseur dans un langage d’une étonnante humilité, définira son rôle et la portée de son témoignage. (Jn. 3 : 25-36) Et c’est aussi à partir de celui-ci que Jésus apportera une preuve de sa filiation divine. ( Jn. 5 : 33-36) « Il est la lampe qui brille dans un lieu obscur, » pour reprendre l’expression de Pierre. (2 Pet. 1 : 19) Sans être la lumière, il est la lampe « préparé pour mon Oint. » ( Ps. 132 : 17) Quelle est donc cette voix qui crie dans le désert, cet étrange personnage vêtu de poils de chameaux, nourri de sauterelles et de miel sauvage ?

QUI ES – TU ?

« Je ne suis pas le Christ ». Réponse décisive s’il en est une. Jean devait tirer au clair la question qui agitait tous les pauvres de Yahvé et alimentait leur espérance. Pourquoi ne serait-il pas celui que l’on attendait, celui que les prophètes avaient annoncé, celui pour lequel la prière se faisait clameur dans le temple. Se pourrait-il qu’il soit Élie tel qu’annoncé par le prophète Malachie (3 : 23-24) Réponse négative ainsi que celle donnée à la question : « Es-tu le prophète ? »

Le judaïsme du premier siècle dans notre ère avait conscience de ne plus connaître et de ne plus entendre la voix des prophètes (Dn.3 : 37-39, 1 Mac. 9 : 27) Lourd et long silence chargé de culpabilité, qui ouvrait toute grande la porte à cette voix mystérieuse jaillie du désert, annoncée par le Deutéronome ( 18 : 18 ) : « Je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui commanderai. » Même si les synoptiques n’hésitent point à proclamer Jean Baptiste le plus grand des prophètes, (Mt.11 : 9 et Lc. 7 : 26) Jean refuse l’attribut souvent accolé au personnage messianique. Ce qu’il est en fin de course et ce qu’il réalise : « La voix de celui qui crie dans le désert : redressez le chemin du Seigneur ! » Telle fut sa réponse personnelle toute imprégnée d’humilité, et peut-être d’amertume : « La voix qui crie dans le désert, » lieu spirituel des âmes de son temps davantage que lieu géographique des corps. Jean annonce un avènement, il prêche la nécessaire conversion et l’éventuelle venue, mais ce sont des sourds qui ne veulent rien entendre.

L’ INCONNU BAPTISEUR

Aux Pharisiens, le baptême de Jean posait question. Le messie, Élie ou le prophète aurait été dans leur droit de prêcher un baptême de pénitence, mais Jean ? Il n’était pas question ici d’ablutions rituelles et quotidiennes, mais bien d’un rite d’agrégation à la communauté juive. Jean baptise dans l’eau. L’auditoire saisit bien le sens de cette restriction. Quelqu’un d’autre inaugurera le Baptême dans l’Esprit saint, « quelqu’un au milieu de vous que vous ne connaissez pas, » l’inconnu que Jean Baptiste lui-même ne connaît pas. Il est si grand, que le précurseur ne peut même se permettre de dénouer la courroie de sa sandale. (Mc. 1 : 7-10 et Jn. 32-33) Il ne pourra identifier Jésus et son nouveau Baptême que grâce à une intervention d’en haut.

La parole du précurseur a laissé un vide immense dans l’âme de ses interlocuteurs sans doute de bonne foi, nullement contestataires de la mission pénitentielle du Baptiste. Il n’est ni le Messie, ni Élie, non plus un prophète, et il ne baptise que dans l’eau. Quelqu’un d’autre doit venir, plus grand que lui, l’Agneau de Dieu. Jean comme tant d’autres attend le Messie, mais, tout précurseur qu’il soit, il ne le connaît pas. Tout ce qu’il sait ou intuitionne, c’est qu’il le précède « celui qui vient après moi et qui est plus grand que moi. » Jean Baptiste est la personne-type dans laquelle se résume toute l’attente des pauvres de Yahvé dans l’Ancien testament.

Tant d’importance pour un si pauvre hère ! Jean Baptiste gardait encore à l’époque de Jean l’évangéliste une importance et une valeur actuelle. On reconnaissait son rôle providentiel : en effet les premiers disciples avaient suivi Jésus sur la parole du Baptiste. Le Livre des Actes fait écho de la rencontre de la première communauté chrétienne avec des disciples du Précurseur (19 : 3)

L’évangile de ce dimanche préparatoire à la célébration de Noël nous invite donc à reconnaître tout le mérite de Jean, précurseur du Messie : « D’autres ont peiné et vous, vous héritez de leurs peines » déclarait l’évangéliste. (4 : 38) Quelque relatif que fut son rôle de précurseur, il était voulu par Dieu et la ferveur avec laquelle Jean Baptiste a tenté de le remplir a valu au Christ ses premiers disciples. Jésus lui-même n’a-t-il pas constamment désiré que des disciples soient eux-mêmes précurseurs de sa venue prochaine : « Il les envoyait devant lui prêcher la Bonne Nouvelle. »

Serons-nous de ceux-là ? Quel que puisse être le peu d’impact, une fois encore, notre baptême ne fait-il pas de chacun de nous des témoins précurseurs du Christ dans nos vies ?

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