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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

Pâques. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

La grâce du vide

Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala se rend de bonne heure au tombeau. Il faisait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court alors trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et leur dit : On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis. Pierre partit donc avec l’autre disciple et ils se rendirent au tombeau. Ils courraient tous deux ensemble. L’autre disciple plus rapide que Pierre le distança et arriva le premier au tombeau. Se penchant alors, il voit les bandelettes à terre ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre arrive à son tour, il entre dans le tombeau et voit les bandelettes à terre ainsi que le suaire qui recouvrait sa tête ; ce dernier n’était pas avec les bandelettes, mais roulé dans un endroit à part. Alors entra à son tour l’autre disciple arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. En effet, ils n’avaient pas encore compris que, d’après les Écritures, il devait ressusciter des morts. Les disciples s’en retournèrent alors chez eux.

Commentaire :

Une nouvelle, un scoop qui va percer l’ombre de la mort sur le cénacle. Chacun et ensemble, tous vivaient un deuil, l’incontournable événement : Christ est mort ! Mort malgré la contestation de Pierre, tous les serments de fidélité n’avaient pu faire obstacle au destin. La confession du centurion au pied de la croix, bel éloge funèbre ! Nul ne pouvait plus rien devant cette mort : toutes les espérances se trouvaient anéanties, la foi privée de tous ses appuis. Il ne restait plus que l’amitié, trois ans de vie commune l’avait créée entre les disciples. Mais l’heure allait bientôt sonner pour que cette jeune et fragile communauté se désintègre et que chacun rentre chez soi, tels les disciples d’Emmaüs.

Mais voici que, le petit matin suffisant à peine jeter quelques lumières blafardes dans la chambre haute où tous cherchaient encore sommeil et oubli, on frappe à la porte. Une voix de femme : Ouvrez ! On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nul ne sait où on l’a mis. Il fallait bien ce nouveau problème, épreuve inattendue, pour compliquer davantage une existence qui n’avait plus aucun sens!

Nous du temps présent, ne lisons pas ce récit du lendemain du sabbat comme une page d’histoire bonne à entendre en ces festivités pascales. Même si elle reproduisait la réalité des faits, dans quelle mesure nous amènerait-elle à vivre la résurrection du Christ, y croire et nous procurer la joie de ce jour, en notre temps cruellement ébranlé. La vie ou le retour à la vie peut-il avoir encore du sens après le 11 septembre ? Pourquoi vivre ou espérer vivre si ce n’est dans la peur ou une haine sans fin ?

Pourtant, au jour de l’Ascension, deux hommes vêtus de blanc inviteront les Apôtres à regarder vers la terre. C’est ici-bas qu’il importe de redécouvrir le Christ présent et préparer son avènement. La Résurrection de Jésus ne fut pas un retour à la vie, mais le passage (Pâques) à une vie nouvelle, la destruction du pouvoir de la mort et l’annonce d’une humanité recrée. Et c’est quotidiennement, collectivement et personnellement, que nous devons être témoins et artisans de cette victoire de l’Esprit de Jésus. Une immense espérance traverse l’humanité, même s’il lui arrive de vivre des drames indéfinissables. Cette Résurrection peut être considérée comme un enfantement : la tête est déjà dans cet autre monde et le corps, l’Église, l’humanité sauvée suivra. Avec le Christ glorifié, l’un des nôtres est entré comme premier-né d’une multitude de frères dans le Paradis de Dieu. En Jésus Christ, l’avenir véritable de l’homme est assuré.

Événement actuel, non seulement dominical mais quotidien, la Résurrection que nous célébrons en ce jour, nous invite à des débordements de joie, de liberté, de foi, d’amour et d’espérance. A l’annonce de Marie de Magdala, deux apôtres, Pierre et Jean, courent au sépulcre. Et c’est dans l’expérience du vide du sépulcre qu’ils réalisent la réalité des paroles annonciatrices de l’événement : Le Fils de l’homme doit être livré aux mains des hommes, ils le tueront, et, le troisième jour, il ressuscitera. (Mt.17 : 22-23) Il ressuscitera : aucun n’avait vraiment porté attention à ces mots pré-annonciateurs.

Mais la foi de ce jour explique l’engagement des apôtres à la construction d’un nouveau monde. Soit par leur exemple, leur prédication, leur témoignage jusqu’à la mort, rien ne leur échappe de cette restauration de l’univers : La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu. Et si elle fut assujettie à la vanité, c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. (Rom. 8 : 19+) Avec la collaboration de chacun, comme par Jésus, la parole du prophète se réalise : Les sourds entendent, les aveugles voient, les boiteux marchent, les morts ressuscitent et les pauvres sont évangélisés. Ces signes se réalisent dans les moindres démarches humaines. Rien en effet ne peut demeurer étranger au salut du monde et à la résurrection,

Toute célébration, travail, présence, service rendu, rien, absolument rien ne peut être indifférent à cet ouvre de salut qui ensemence la vie de nos frères et sours des grâces de la résurrection. Il ne faut plus vivre la résurrection au passé ou en termes d’espérance, mais comme une réalisation concrète et quotidienne. Si Massadie, notre Renan moderne, réussissait à nous convaincre de la fausseté des évangiles, il faudrait fermer boutique, retourner les cloches de Pâques et rentrer chacun chez soi sans espérance. Avec le carillonnement de Pâques, c’est une réalité concrète qui nous saisit, l’alléluia pour notre monde qu’il faut chanter ensemble, chacun selon sa voix et ses possibilités. Le tombeau vide s’anime, la mort est vaincue et la lumière envahit l’obscur cénacle où vivent tant des nôtres sans espérance.

Dans l’expérience du vide, de la vacuité d’un lieu, d’un désert de vie, de l’absence, des hommes et des femmes ont retrouvé sens à leur vie grâce à la mémoire d’une Parole : Ne sentions-nous pas nos cours se réchauffer pendant qu’il nous parlait, confient à mi-voix les disciples d’Emmaüs. Ils n’avaient pas encore compris que, d’après les Écritures, Jésus devait ressusciter d’entre les morts. Dans le chaos de l’univers, par son Fils ressuscité, le Créateur fait rejaillir la création, la lumière, la vie, l’être humain. Dans le désert, autrefois, un peuple a trouvé son identité et sa raison d’être. Dans le vide présent, le désarroi, l’absence, nous aussi, comme ce peuple errant et les apôtres, nous pouvons retrouver le Ressuscité, Lumière des hommes, réalité de vie.

Parole et vie

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