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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche du Carême. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Dieu de la fête

Passant par là, Jésus vit un homme, aveugle de naissance… Il cracha à terre, fit de la boue avec sa salive, en enduisit les yeux de l’aveugle et lui dit : Va te laver à la piscine de Siloé (mot qui signifie : Envoyé). L’aveugle s’en alla, se lava et revint voyant clair. Les voisins et les gens habitués à le voir mendier dirent alors : N’est-ce pas celui qui se tenait assis pour mendier ? Les uns disaient : C’est lui. Non, disaient les autres, mais il lui ressemble. Lui disait : C’est bien moi. … On amène aux Pharisiens l’ancien aveugle. Or c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. Les Pharisiens lui demandèrent donc à leur tour comment il avait recouvré la vue. Il leur dit : Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et j’y vois . Certains des Pharisiens disaient : Cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le sabbat. D’autres répliquaient : Comment un pécheur pourrait-il accomplir de pareils signes ? Ils étaient divisés. Alors ils s’adressèrent une fois encore à l’aveugle : Et toi, lui dirent-ils, que dis-tu de lui, de ce qu’il t’a ouvert les yeux ? L’homme répondit : C’est un prophète . … Ils lui répondirent : De naissance, tu n’es que péché, et tu nous fais la leçon ! Et ils le chassèrent. Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé. Le rencontrant, il lui dit : Crois-tu au Fils de l’homme ? Il répondit : Et qui est-il, Seigneur, pour que je crois en lui ? Jésus lui dit : Tu le vois ; c’est lui qui te parle. Alors il dit : Je crois, Seigneur , et il se prosterna devant lui.

Commentaire :

A la Samaritaine, dimanche dernier, Jésus s’était identifié comme Celui qui te parle ; pour l’aveugle guéri, Jésus se présente une fois encore comme c’est lui qui te parle… Je suis la lumière du monde (9 :5+37). En Jésus s’exprime l’efficacité de la présence divine dans le monde : Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. (Jn 1.18) Nous l’avons vu, proclamait l’évangéliste et les premières communautés chrétiennes (Jn 1 :14) à l’encontre, les Juifs, les siens ne l’ont pas reçu , ils n’ont pas vu la gloire du Père à l’œuvre dans la personne de Jésus. C’est justement l’étonnant : que vous ne sachiez pas d’où il est alors qu’il m’a ouvert les yeux, répondit l’aveugle guéri aux Juifs qui l’interrogeaient. Comment Jésus, lumière du monde, a-t-il pouvoir de rendre la vue à ceux qui ne voient pas et de guérir toutes maladies ? Pour trouver sens à cette péricope de l’aveugle-né et réponse à toutes questions posées par la souffrance, faisons retour sur le Credo d’Israël concernant la maladie, le péché, la vie, la mort, avant la venue du Christ. Jean se fait un devoir de mettre constamment le miracle physique en connexion avec l’Ancien Testament.

L’AVEUGLE DE L’ANCIEN TESTAMENT

Isaïe accordait une place importante à la maladie et son lien avec le péché était inéluctable. Mon peuple est malade, frappé par Dieu à cause de la multitude de ses transgressions, déclare le prophète : Où vous frapper encore puisque vous accumulez les trahisons ? (Is.,5-6) Osée soutenait également ce lien de cause à effet (Os.5 :12-13) ainsi que Jérémie (Jér. 8 :11,21-22 ; 30 :12-17) et Amos (4 :6-13). Les maladies sont l’indice d’un mal profond, le péché, le refus d’accueillir le Dieu qui est vie. Faute de vouloir s’insérer dans la ligne du dessein divin, le peuple verra de ses yeux mais sans voir, frappé par son péché de cécité spirituelle. Ainsi toute altération de la vie physique revêt pour Israël une signification religieuse. Aveugle, sourd, muet, le peuple est égaré, condamné aux ténèbres et se complaît dans cette obscurité. Les prophètes eux-mêmes subiront les conséquences de ces infidélités : N’ayez pas visions, commande le peuple à ses voyants ; et à ses prophètes : Ne prophétisez pas la vérité pour nous. Il demeure que les prophètes ont su malgré tout rendre compte de l’espérance qu’ils entretenaient : Dieu interviendra, clament-ils ; Il châtie, mais Il accordera à son peuple de se convertir. Les miracles qui marqueront la période de restauration (538-333) exprimeront le retour de Dieu : Alors les yeux des aveugles se désilleront, les oreilles des sourds s’ouvriront, le boiteux bondira comme un cerf et la langue du muet criera de joie. (Is. 35 :3-6)

L’AVEUGLE AU TEMPS DE JESUS

Si le prophète Isaïe présentait le salut comme un retour à la santé, une route pure… ils arriveront à Sion, hurlant de joie (Is.35 :8+), par Jésus, Dieu conduit son peuple guéri. Jean-Baptiste allait devoir ainsi l’identifier lorsqu’il envoie demander à Jésus : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre. Allez ! de répondre Jésus, rapportez à votre maître ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; heureux pour qui je ne serai pas une occasion de chute. (Mt.11 :4-6) Tous ces miracles sont signes de guérison et de libération spirituelle pour les pécheurs. Ainsi faut-il interpréter le pouvoir de guérison exercé par Jésus, libérateur du mal et du péché, et l’esprit dans lequel il faut relire le miracle de l’aveugle-né : C’est pour un jugement que je suis venu en ce monde, pour que voient ceux qui ne voient pas et pour que ceux qui voient deviennent aveugles. (Jn 9 :39) Ils deviennent aveugles ceux qui disent nous savons, nous…

Mais selon l’évangile de l’aveugle-né, des obstacles peuvent contrevenir à la révélation du Père par Jésus, lumière du monde : doute des voisins étonnés auxquels l’aveugle se contente de dire : C’est moi ! . Question concernant le comment de la guérison, que l’aveugle résume en quelques mots encore plus simples que le récit de la guérison (1+11). Et enfin la question du lieu : Où est-il? Trois questions concernant Jésus identifié par l’aveugle bénéficiaire du miracle. Les Pharisiens, eux, étaient divisés à cause du sabbat au cours duquel le miracle a été opéré, ce qui mettait en cause la légitimité de l’œuvre (9 :16) , mais plus encore en raison de la façon dont il a été réalisé : la confection de la boue, œuvre servile défendue un jour de sabbat.

REFLEXIONS

Cet épisode de la guérison de l’aveugle-né offre plusieurs pistes de réflexions possibles. Une meilleure identification de Jésus, Serviteur de Yahvé qui porte nos souffrances : Tous, comme des brebis, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin. Mais Yahvé a fait retomber sur lui les crimes de tous…Il a été transpercé à cause de nos péchés. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui et c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris. (Is. 53 :4) Le jour de sa mort, objet de mépris, rebut de l’humanité, homme de douleurs et connu de la souffrance, méprisé,.déconsidéré , Jésus deviendra présence efficace de Dieu dans nos souffrances (9 :12) .

Es-tu celui qui doit venir ? demandait le Baptiste. La réponse donnée est en ce jour illustrée : Dieu vient soulager nos souffrances surtout spirituelles dont nos maux physiques sont le signe, et aussi nous convier au banquet nuptial : Va-t-en vite par les places et les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles, et les boiteux… (Lc. 14 :21) .

Dieu vient faire la fête et nous ressusciter à la vie !

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