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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

1er Dimanche du Carême. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Arrière Satan!

Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit, pour être tenté par le diable. Il jeûna quarante jours et quarante nuits, après quoi il eut faim. Et le tentateur, l’abordant, lui dit : Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres se changent en pains. Mais Jésus répliqua : Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place sur le faîte du Temple et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et ils te porteront dans leurs mains de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre. Jésus lui dit : Il est encore écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit : Tout cela, je te le donnerai, si tu tombes à mes pieds et m’adores. Alors Jésus lui dit : Retire-toi, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c’est à lui seul que tu rendras un culte. Alors le diable le quitta. Et voici que des anges s’approchèrent et le servaient.

Commentaire :

La toute première question susceptible d’effleurer la pensée touche la provenance de cette histoire : quand et comment Jésus a-t-il confié à ses disciples ce récit des tentations au désert ? Il devinait bien à quel point ses épreuves spirituelles et morales pourraient devenir une occasion de chute pour les siens : Après le chant des psaumes – au cénacle – ils partirent pour le mont des Oliviers. Alors Jésus leur dit : Vous allez tous vous scandaliser à cause de moi, cette nuit même. (Mt. 26 : 30) Trois des siens furent témoins de son agonie au Jardin des Oliviers et du conseil qu’il leur donna alors : Veillez et priez pour ne point entrer en tentation. (Mt.26 : 41) Jean rapporte aussi un moment de détresse que connut son Maître : Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. (Jn. 12 : 27 et 32)

Le souvenir de cette nuit de l’agonie et une profonde réflexion sur le mystère de la Rédemption auraient-ils amené l’un d’entre eux à percer le mystère de la mission du Sauveur en ses débuts et la difficulté qu’il éprouva dès lors à s’y consacrer entièrement. Il demeure que, mémoire d’homme ou fruit de la réflexion concernant le mystère Jésus, ce récit des tentations peut devenir l’objet d’une compréhension plus grande de l’amour du Christ pour nous : entre deux voies, il a choisi la plus difficile. Nos véritables tentations ne résident-elles point dans un choix entre la facilité et le devoir allant parfois jusqu’à l’héroïsme ?

Il importe cependant et avant tout de redonner à ce mot tentation son sens véritable. Il n’y a de tentation que chez un être libre, capable de discernement et de choix, ainsi que l’enseignait Ben Dirac le Sage (15 : 11-20). Saint Paul, reprenant l’expérience du désert, écrit aux Corinthiens : Cela leur arrivait pour servir d’exemple et a été écrit pour votre instruction à nous qui touchons la fin des temps. Ainsi donc que celui qui se flatte d’être debout prenne garde de tomber. Aucune tentation ne vous est survenue qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. (12 Co.10 : 6 + 13) L’humain induit plus souvent qu’autrement l’homme en sa propre tentation. Un jour que Jésus prévenait ses disciples de sa Passion, Pierre s’interposa au point de mériter de la part de Jésus une même rebuffade que Satan au désert .( Mt 4 : 10)

RECIT DE LA TENTATION

À peine Jésus sort-il des eaux du Jourdain que le Père signifie aux témoins : Celui-ci est mon fils, mon bien-aimé. Jésus se retire alors au désert, sans doute pour y préparer sa mission. Jésus, raconte l’évangéliste, est conduit par l’Esprit au désert pour y être tenté par le Diable. Satan était au Paradis terrestre pour tenter Adam et Ève comme il était là, semble-t-il, quand Pierre s’objecta à la Passion : Arrière satan ! lui crie Jésus. Au Jardin des Oliviers, nulle mention n’est faite de Satan, et pourtant, ce fut le lieu de la tentation à son extrême : Père, s’il est possible, que ce calice, s’éloigne de moi ! Alors, comme au désert, des anges vinrent le soutenir.

La première tentation a certes parti lié avec la marche d’Israël au désert vers la Terre Promise alors que le peuple cherche sa nourriture. Satan propose ici l’accomplissement d’un miracle à celui qui termine un jeûne de quarante jours et quarante nuits. Alors Jésus, le pauvre en esprit , l’assure que l’homme doit vivre davantage de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu.

La deuxième tentation met à nouveau en doute la filiation divine de Jésus : Si tu es Fils de Dieu… Pareil défi sera lancé à Jésus sur la croix : Si tu es le Fils de Dieu… (Lc. 23 : 35-43) La tentation a lieu cette fois dans la Ville sainte, Jérusalem, sur le faîte du temple. Le diable utilise alors une interprétation fondamentaliste d’une parole de l’écriture : Il a donné ordre à ses anges de te porter pour que ton pied ne heurte la terre. (Ps.91 :11-12) Alors que Jésus, lors de la première tentation, faisait appel à la Parole de Dieu pour rejeter la tentation, cette fois, il interjette l’interprétation de cette même Parole. Il est tellement facile de faire dire à Dieu ce que nous aimerions qu’Il nous dise.

La troisième tentation se situe sur une très haute montagne et la question concerne la personne même du Seigneur ton Dieu , celui qui a identifié Jésus comme son Fils, son bien-aimé. Il s’agit de tirer au clair l’identité de ce Seigneur : son Dieu ou le maître de l’univers, au prix de la gloire des royaumes. On connaît la rebuffade de Jésus. Cette tentation devrait nous interpeller sur nos innombrables formes d’idolâtrie.

POUR L’EGLISE DE MATTHIEU ET LA NOTRE

Cette histoire vécue ou composée doit être gardée dans la lumière des significations que les évangélistes ont voulu mettre en évidence. Quelle était l’intention de ces récits ? Il n’est pas hors propos de croire que déjà les nouveaux chrétiens ont souhaité retrouver en Jésus la potion magique dans leurs rudes combats pour survivre. Peut-être ont-il vécu aussi la frustration de Jean Baptiste devant la non-évidence messianique dans l’humilité et la pauvreté du Christ. Là où Israël avait succombé en rejetant le Messie pauvre, l’Église naissante devait triompher. Après la narration de la Passion et de la mort de Jésus, prélude à l’évangile, il convenait de bien mettre les auditeurs à l’épreuve et de prévenir leur foi et leur engagement à la suite de Jésus des menaces susceptibles de les atteindre et de les ébranler : un christianisme facile, à la carte, alors que tout dans l’évangile est radicalisme : Va ! vend tout ce que tu as, puis viens et suis-moi !

Puissions-nous trouver certains jours sur nos lèvres et dans notre cœur les mots de l’Évangile de la tentation : Arrière Satan !

Parole et vie

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