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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

31e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

L’eucharistie du Publicain

Entré dans Jéricho, Jésus traversait la ville. Survint un homme du nom de Zachée ; c’était un chef de publicains, et qui était riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait à cause de la foule, car il était petit de taille. Il courut donc en avant et monta sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là. Arrivé en cet endroit. Jésus leva les yeux et lui dit : Zachée, descends vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. Et vite, Zachée descendit et le reçut avec joie. Ce que voyant, tous murmuraient et disaient : Il est allé loger chez un pécheur ! Mais Zachée, résolument dit au Seigneur : Oui, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rendrai le quadruple. Et Jésus lui dit : Aujourd’hui cette maison a reçu le salut, parce que celui-là aussi est un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

Commentaire :

Nous continuons notre Montée vers Jérusalem, où s’accomplira tout ce qui a été écrit par les Prophètes au sujet du Fils de l’homme : Il sera livré aux païens…ils le mettront à mort, et le troisième jour, il ressuscitera. (Luc. 18 : 31-33) C’est dans ce contexte qu’il faut lire la suite des événements, soit les récits du miracle de l’aveugle sur la route de Jéricho (18 :35-43) et de la conversion de Zachée, l’évangile de ce jour.

Un geste vaut parfois mille mots. Ainsi Jésus, le premier des Prophètes, savait-il exprimer l’insaisissable par des signes et des événements susceptibles d’être compris par les plus humbles : Je te bénis.Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout petits. (10 :21) Ce récit de la conversion de Zachée nous livre un enseignement bien émouvant sur la tendresse, la miséricorde de Dieu et la place des pécheurs dans le plan de salut pour tous les habitants de petites maisons. Qui ne serait pas porté à entendre dans ce récit de la conversion de Zachée la suite du discours de Luc sur la venue du Règne, la fin des temps. (17 :20-118 : 34) Après la dramatique question : Le fils de l’homme trouvera-t-il encore la foi sur terre? (18 :8) l’évangéliste veut nous montrer qu’une catégorie de personnes constitue comme une cible de choix pour le cœur de Dieu : Les publicains et les femmes de mauvaise vie vous précéderont dans le Royaume des cieux.

L’EXCOMMUNIÉ

Le Temple de Jérusalem et les splendides cathédrales moyenâgeuses semblaient devoir greffer le sens de la présence de Dieu sur l’effroi naturel que les hommes éprouvent en ces lieux, signes de cette présence. Abraham (Ge.15: 12), Jacob (Ge. 28:17), Isaïe (Is.6: 5), les trois apôtres à la transfiguration (9:34) et plus près de nous Elisabeth de la Trinité, carmélite, connurent cet effroi. Et pourtant, ils étaient justes devant le Seigneur. L’épisode de Zachée contraste tellement avec cette évocation du lieu terrible. Ce Dieu, pour qui les hommes s’étaient crus obligés de construire d’innombrables temples plus majestueux les uns que les autres (2 S. 7 : 2+ et 1 R. 8 :27),vient demeurer dans la maison de l’excommunié, et pénétrer dans le vrai temple de son amour, lieu de rencontre voulue et désirée avec nous. Cette petite maison si misérable cette tente pour reprendre le mot de David, c’est le cœur de Zachée, le Publicain, l’excommunié.

Luc n’a pas l’habitude de présenter ses personnages, mais ce jour-là, il lui donne un nom et colle à son personnage la profession la plus honnie dans le monde juif du temps. Le nom même de Zachée constituait une certaine ironie car il était synonyme de pur. Pécheur de par sa fonction, Zachée aurait mérité davantage le nom d’excommunié. Publicain, il devait être riche, car pour s’engager envers l’État comme il l’était et décrocher la fonction, le candidat devait offrir au trésor public un pot-de-vin d’une certaine importance. Mais la profession lui rapportait beaucoup plus car ces fonctionnaires de l`État ne se gênaient point pour soutirer ce qu’ils voulaient des clients de l’impôt. On dit que ces exactions étaient pour les gens plus pénibles encore que l’impôt lui-même. Aussi les publicains étaient-ils particulièrement détestés de la foule et avec les prostitués, ils passaient pour les plus grands pécheurs publics (Mt 21 :31), d’autant plus qu’ils travaillaient pour un pouvoir étranger. Frayer avec cette rapace était le comble de l’impureté pour les juifs pieux.

Malgré son rejet de la communauté, Zachée voulait voir Jésus et rien ne pouvait semble-t-il l’arrêter. Il traverse Jéricho et se hisse dans un arbre. Personne sans doute ne le verrait et qu’importe, cet homme, petit de taille et rejeté par les siens, veut voir Jésus., Or c’est Jésus qui le voit et lui adresse la parole pour s’inviter chez lui, dans sa maison. :Zachée, j’ai faim, dépêche-toi, tu as sûrement quelque chose à manger ! Et sans clamer son indignité comme le centurion, l’homme dégringole de son arbre, ouvre grande la porte de sa maison, accueille Jésus avec joie et ne tarit point de promesses. Ce qu’un regard, un mot d’attention, une visite impromptue peut produire chez l’autre ! Mais Zachée ne soupçonnait pas que Jésus avait l’intention de passer quelque temps chez lui ; les autres, eux, le savaient : Il est allé loger chez un pécheur. Ils ne s’habitueront jamais, ils ressembleront toujours au frère aîné de l’enfant prodigue et à combien d’autres. Quelle conversion que celle de ce publicain : Je donnerai la moitié de mes biens… et si j’ai fait du tort, le quadruple. De l’amour sans mesure jaillit l’amour sans mesure.

LA PETITE MAISON

Aujourd’hui, cette maison a reçu le salut. Cette maison dépourvue de splendeur, de mérites, c’est là que se célèbrera la liturgie de la miséricorde et le rite de communion d’amour entre Jésus et le publicain. C’est dans cette petite maison que Dieu se sent le plus à l’aise. Quelle promesse pour qui craint la venue du Règne, la fin des temps !

Pourvu que ce ne soit point comme la petite maison blanche qui tint tête au déluge sur la rivière Saguenay ! Maison de pharisien pieux, justes ou en prière, mais à laquelle Jésus préfère et de loin la petite maison, le cœur du publicain.

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