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Saute !

Imprimer Par Paul-André Giguère

On parle beaucoup à notre époque de recherche spirituelle et on a tendance à se méfier de ceux qui n’ont que des réponses. Pourtant, viennent dans toute vie des moments où s’accomplit la parole du Christ : « Cherchez et vous trouverez ». Ce sont des moments à la fois désirés et redoutables, où le temps de la recherche est terminé et où l’heure de la décision est venue. L’heure de ce qu’on appelle « faire le saut », qui est bien autre chose que sursauter. Certaines de ces décisions déterminantes sont aussi prenantes qu’heureuses : assumer une hypothèque pour acheter une maison, s’engager à partager sa vie avec la personne qu’on aime, accepter une promotion dans une ville étrangère, sortir de l’anonymat et se joindre à un groupe affilié à une tradition spirituelle. Mais il y a aussi des décisions terrifiantes et pénibles : décider de mettre fin à une relation privilégiée devenue douloureuse ou destructrice, quitter un emploi pour des motifs éthiques, se compromettre en dénonçant une situation inacceptable.

C’est la grandeur de l’être humain que d’être capable de pareils passages. Que de pouvoir sortir des routines, des attachements de tous ordres et du déterminisme en instaurant certains moments du présent en charnière entre un avant et un après. Ces moments sont de grands moments où brille la liberté. Mais quel courage ils demandent souvent !

C’est qu’il n’y a à peu près jamais d’évidence dans les grandes décisions. Il est très rare que les choses soient à ce point claires qu’on ne puisse douter. Les grandes décisions comportent toujours un risque. Le risque de commettre une erreur irréparable. Le risque de se tromper alors que le retour en arrière n’est plus possible.

Les grandes décisions sont toujours des actes de foi. De confiance plus forte que le doute. Les anglophones parlent de leap of faith, un saut de la foi. On s’élance en faisant confiance en la vie, confiance dans le processus de discernement qui nous a conduits là, confiance en son jugement et en ses ressources. Confiance aussi en ceux qui nous entourent et ne nous laisseront pas tomber. Et, pour les croyants, confiance en Dieu. On a envie de dire, avec David : Avec mon Dieu, je saute la muraille et le fossé ! (2 Samuel 22 30 ; Psaume 18 30). Cette foi est joyeuse, comme l’exprime si bien le début d’un des grands motets de J.S. Bach, tout imprégné de sa foi protestante : Ne crains pas, je suis près de toi ; ne faiblis pas, car je suis ton Dieu ! Je te fortifie, je t’aide, je te soutiens par ma main droite qui fait justice (Esaïe 41 10).

Ce motet était destiné à accompagner la mort. Au fond, toutes les grandes décisions, tous les grands départs, toutes les ruptures réfléchies ne sont-elles pas une répétition de la mort, de l’ultime lâcher prise ? J’aime à les voir comme une préparation à ce moment où nous nous entendrons dire, peut-être : Saute !

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