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Au seuil du mystère

Imprimer Par Paul-André Giguère

La recherche spirituelle se nourrit de désir. C’est une aspiration qui nous soulève hors de nous vers ce qui est au-delà de nous : avant nous, au-dessus de nous, après nous, au plus intime de nous peut-être. Ce qui nous précède, ce qui nous entoure, ce qui nous attend. Pour la tradition spirituelle chrétienne : Celui qui nous précède, Celui qui nous entoure, Celui qui nous attend. L’objet du désir spirituel n’a pas de nom qui le dise parfaitement et l’enferme. Aucune image ne peut l’exprimer sans ambiguïté, d’une manière définitive. La Bible appelle « idole » ces représentations trop claires et si précises à notre portée et à notre mesure. L’objet de la quête spirituelle est le seul à qui convienne parfaitement le mot « mystère ».

Le mystère dont je parle n’a apparemment rien à voir avec les intrigues des séries policières, bien qu’un chercheur américain ait pu comparer la recherche spirituelle, l’enquête théologique et la quête de sens au travail patient et passionnant d’un détective. Dans notre recherche de Dieu ou de l’Absolu, ne devons-nous pas procéder essentiellement à partir d’indices parfois très ténus, ambigus, dispersés et sans ordre apparent ? Notre recherche intérieure ne repose-t-elle pas fondamentalement sur une hypothèse, ou une série d’hypothèses ? À savoir que ces indices sont des traces et qu’en les suivant, on pourrait remonter jusqu’à leur source ? Peut-être même que ces traces ne sont pas là par accident, mais posées là sur nos chemins à la manière des anciens signes de piste placés dans la forêt ou des inukjuks dressés dans l’Arctique par les Inuit ? Il y aurait, dans l’univers, dans notre monde et jusque dans nos vies, comme des balises fragiles, des bouées évanescentes aperçues un instant, disparues l’instant suivant mais dont l’empreinte en nous est suffisante pour nous permettre une décision, un pas de plus, une confiance renouvelée.

Il en est ainsi plusieurs qui tels des navigateurs solitaires, se dirigent aux instruments, sans aucune évidence, habités par une certitude obscure. L’objet de leur désir n’a ni nom, ni visage. Il ressemble tantôt à une plénitude, plénitude de lumière, d’amour, de compassion ou de puissance. Pour d’autres, il ressemble plutôt à un vide, une béance, un irrésistible trou noir qui entraîne vers l’inconnaissance. Peu à peu, à force d’une patiente attention comme celle que cultivent la méditation et le recueillement, ils se surprennent en dialogue. L’objet de leur mouvement intérieur prend visage de partenaire. Quelque chose se personnalise. Peu à peu, les voilà en relation.

Il en est d’autres qui s’inscrivent dans une tradition spirituelle qui leur a très tôt appris un nom, des mots, des images. Dieu. Père. Très-Haut. Ami. Seigneur. Éternel. Rocher. On leur a enseigné à prier, à dire « vous » ou « tu ». On les a invités à cultiver envers l’Absolu des attitudes précises : crainte, adoration, soumission, confiance, amour même. Les premières étapes de leur recherche spirituelle ont la couleur d’une certaine familiarité. Mais peu à peu, ils sont conduits à prendre leurs distances vis-à-vis de ces noms et de ces images qui se révèlent trop étroits malgré leur pouvoir suggestif, inadéquats malgré toute leur justesse. L’objet de leur mouvement intérieur prend progressivement visage d’altérité. Il déborde tout ce qu’on peut en dire, tout ce qu’on peut imaginer. La relation s’établit dans le silence.

Quel que soit notre point de départ et quels que soient nos chemins, la vérité de la quête spirituelle réside dans le mouvement qui, nous dépouillant de nos évidences religieuses ou de notre agnosticisme, nous conduit au seuil du Mystère.

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