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Méditation chrétienne,

Responsable de la chronique : Nicolas Burle, o.p.
Méditation chrétienne

Il faut que j’aille demeurer chez toi

Imprimer Par Albert-Marie Besnard, o.p.

 

Une bonne, une très bonne nouvelle, qui a fait dégringoler Zachée de son arbre : « Zachée, descends vite, aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi » (Lc 19, 1-10).

C’est une bonne nouvelle pour nous tous. Prêtons l’oreille à cette nouvelle noyée parmi le flot de toutes les nouvelles, bonnes ou mauvaises, concernant Dieu que l’humanité a accumulées depuis des millénaires. Dieu n’a en quelques sorte qu’une seule parole – et qu’il tient : c’est « je viens ». La première des choses qu’il veut que nous sachions de lui, c’est celle-ci : « Il me faut venir demeurer chez toi »

Ce que ça veut dire pour Dieu « demeurer chez nous », ce que ça veut dire pour nous le laisser demeurer chez nous, ça s’éclairera ensuite. Peu à peu. Ce sera une longue histoire, parfois une orageuse, une dramatique histoire. Mais d’abord, entre Dieu et nous, entre ce Dieu dont nous disons avoir entendu la voix et nous-mêmes, il y a une histoire d’hospitalité. Il y a de la part de Dieu une demande d’hospitalité, et de notre part à nous la décision ou pas de lui ouvrir la porte.

Cela ne va pas de soi. Pas du tout de soit…

Ou bien, c’est une simple façon de parler, et nous nous remettons à respirer à l’aise…

Ou bien … ou bien « il me faut venir demeurer chez toi », c’est vraiment Lui qui dit ça, c’est vraiment la Réalité de Lui qui s’annonce et se dévoile par là, c’est vraiment une réalité selon Lui et nous qui est en train de se nouer. Alors ça, c’est une nouvelle…

Et en Jésus le Christ, c’est devenu définitivement, irrévocablement une bonne nouvelle. Jésus, c’est Dieu qui met à exécution sa promesse : je viens. Non pas par manière de parler, par prophète interposé, par symbole, par tout ce qu’on pourrait imaginer pour éviter de prendre à la lettre ce simple verbe : je viens. Jésus est ce Verbe. Il est ce Verbe « je viens ! », ce Verbe « je viens ! » devenu chair. Le christianisme c’est ça …

« Zachée, descends vite. Aujourd’hui il me faut demeurer chez toi. » Là où tu vis. Là où tu t’arranges avec ta vie et avec ce que tu en fais. Là où tu travailles et où tu triches, car tu fais un métier où l’on triche et où l’on vole. Là où tu souffres et où tu déposes le masque. Là où tu aimes et où tu savoures quelques bonheurs furtifs. Là où tu dors et où tu rêves. A l’endroit de ton corps et de ses fatigues. A l’endroit de tes querelles avec les tiens et de tes amitiés. A l’endroits de tes questions et de tes angoisses. Pas à côté. Pas ailleurs.

Celui qui s’est invité chez toi vient sans escorte, sans tribunal, sans dossier : c’est Dieu aux mains nues. Lui, le créateur des mondes, à l’intelligence insondable, il vient léger comme un matin naissant. Il peut cela. Il est le commencement, et le recommencement de tout commencement, les siècles des siècles ne pèsent pas sur ses épaules. Il vient libre de tout programme, libre de tout préalable, libre pour toi, libre pour la rencontre…

Il vient évidemment « pour sauver » : c’est comme ça que nous disons les choses. Mais te sauver, ça veut essentiellement dire pour lui : te permettre d’exister de nouveau sous son regard… Le bonheur, c’est de pouvoir de nouveau vivre sous le regard de Celui de qui tu tiens tout et qui tient à toi non comme un maître à son esclave mais comme jamais père n’a tenu à ses enfants, ou un mari à sa femme et une femme à son mari, ou un ami à son ami. Oui, Zachée, il est ce simple regard posé sur toi. Mais quel regard !

Ce regard sur ta vie. Sur ce qu’est réellement ta vie. Ce regard si simple, si pur qu’il traverse tout. Mais n’est-ce pas cela que toi aussi obscurément tu cherchais ?…

Mais notre désir est ambigu. Nous voudrions qu’il soit là, et en même temps nous ne le voulons pas trop. Zachée voulait bien le voir, mais pas tellement être vu chez lui, dans ses meubles et ses comptes de publicain pas très honnête. Jésus se contente de s’inviter, mais chacun soupçonne que ce genre d’invitation va avoir des effets singuliers…

En recevant Jésus, Zachée a ressenti une double brûlure. Son argent s’est mis à lui brûler les mains, alors il l’a lâché, ça, c’est la brûlure qui consume. Et dans son cour, de la bonté, de la justice, de la droiture ont commencé à jaillir – et ces choses-là sont comme le buisson ardent qui brûle sans se consumer. Tant que nous aurons peur de la première brûlure, de ce qu’il faut lâcher, nous ne pourrons rien connaître de l’autre, qui serait pourtant notre salut, notre bonheur.

Je sais maintenant quelle a été la ruse miséricordieuse de Jésus à l’égard de Zachée : c’est de l’avoir obligé à descendre vite de son sycomore : « Zachée, descends vite … » Il ne lui a pas laissé de temps de réfléchir davantage, il ne lui a pas laissé le temps de se reprendre.

Dieu aime s’inviter à l’improviste, avant que nous ayons pu, pour le recevoir, mettre à l’abri quelques réserves et établir quelques défenses. Heureux ceux qu’il brusque ainsi, heureux les convertis foudroyés !

Mais dites-vous bien qu’inlassablement il cherche à mettre en oeuvre à votre égard cette ruse qui lui réussit si bien. Faites silence en vous. Reprenez le fil de ce que vous êtes en train de vivre : les visages, les situations, les événements. Et essayez de deviner à travers quoi aujourd’hui le Christ vous murmure : « Fais vite, ouvre-moi ta porte, il me faut aujourd’hui demeurer chez toi ! »

Albert-Marie Besnard, o.p. (1926-1978)

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