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Aventure spirituelle

Frappe à ma porte…

Imprimer Par Élisabeth Garant

Guerre au Kosovo, massacres au Rwanda, assassinat d’un militant des droits de la personne en Haïti, famine au Soudan, persécution religieuse dans le nord de l’Inde, violence en Algérie… la liste des crimes contre des peuples, des militants et des militantes, des hommes, des femmes et des enfants ne cesse de s’allonger !

Mondialisation du modèle de l’économie de marché, détérioration des environnements, surpopulation, endettement des pays du sud, fragilisation des droits de la personne, exploitation de la main d’oeuvre, guerres et conflits interethniques… des causes qui amènent de plus en plus de personnes sur les routes du monde à la recherche d’un lieu où ils pourront refaire leurs vies et retrouver un peu de dignité.

Dans les bulletins de nouvelles, les rapports officiels et les statistiques, nous apprenons à les connaître sous les noms de « réfugiés », « personnes déplacées », « revendicateurs de statut », « migrants économiques ou indépendants », « immigrants »… Des termes différents qui recouvrent des réalités différentes, complexes, souvent confuses.

Mais ils peuvent devenir Norma, Abdelwahedt, Tudor, Savithri, Kim… lorsque nous acceptons qu’ils frappent à la porte de nos vies, lorsque nous nous ouvrons pour vivre la rencontre. Ils peuvent devenir une occasion pour nous découvrir et nous laisser interpeller. Ils peuvent devenir notre lien avec le monde, ceux qui nous ouvrent à des réalités qui demandent notre solidarité. Ils peuvent devenir l’autre qui nous révèle l’Autre…

QUI FRAPPE À NOTRE PORTE ?

Nous vivons depuis quelques années au Québec, et plus particulièrement à Montréal, le passage d’une société homogène à une société plurielle. La présence de gens d’origines de plus en plus diverses est un facteur très important de ce passage. Cette nouvelle situation n’est pas le seul fait du Québec, mais celui de nombreuses sociétés, surtout occidentales.

On estime que 170 millions de personnes, 3% de la population mondiale, vivraient à l’heure actuelle hors de leur pays d’origine. De ce nombre, près de 20 millions sont des réfugiés, environ 30 millions sont des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays et plus de 100 millions sont des migrants qui ont quitté leur pays dans le but de trouver du travail, temporaire ou permanent, à l’étranger. En Amérique du Nord, plus de 80% des déplacements migratoires se font à partir des pays en voie de développement. Ce mouvement des populations au plan international et la demande des migrants pour venir vivre ici risquent fort peu d’aller en diminuant dans un contexte de disparités toujours plus scandaleuses entre le Sud et le Nord mais aussi dans un monde où les écarts dans la distribution de la richesse sont de plus en plus connus des gens qui en sont privés.

PRENDRE LE RISQUE… D’OUVRIR À LA RICHESSE

Accepter d’ouvrir sa porte lorsqu’on y frappe, c’est accepter de se faire déranger. La personne qui arrive avec une autre culture nous bouscule parfois par ses façons d’être et de faire différentes des nôtres. La relation au temps, à la famille, à l’autorité, à la nature, au travail… autant de réalités quotidiennes qui ne peuvent plus être tenues pour acquises. Mais nous nous sentons bousculés surtout parce que nous devons faire le point sur ce que nous sommes, sur notre propre identité et notre propre culture. Ouvrir la porte, c’est donc prendre le risque d’être questionné sur ce que nous sommes et ce que nous faisons. C’est accepter le risque de changer quelque chose. Mais c’est aussi s’ouvrir en même temps à une grande expérience humaine. L’autre nous révèle à nous-mêmes, nous amène à avancer sur des routes que nous n’aurions pas exploré seuls… L’autre nous incite à avancer, à changer.

Accepter d’ouvrir sa porte, c’est aussi une occasion d’écouter ce qui se passe ailleurs. Les gens d’un peu partout portent avec eux l’histoire d’un coin de pays, d’un peuple que nous ignorons et qu’il nous font découvrir. Plusieurs d’entre eux nous éveillent en même temps à des situations d’injustice, de misère, de droits bafoués… qui doivent nous interpeller. L’autre réveille aussi des forces de solidarité qui sont en nous et qui souvent sont dormantes parce que dérangeantes…

Devant ce qu’exige la rencontre, un certain nombre de personnes, de communautés, de sociétés se replient sur elles-mêmes. Mais un nombre croissant de personnes apprécient ce nouveau tissu que crée l’entrecroisement de nos apports multiples et différents. Des paroisses, des quartiers, des organisations font le choix de l’ouverture et expérimentent des façons de faire permettant la participation de tous, acceptant le défi de faire ensemble, d’être ensemble dans une tension entre le respect de la diversité et la nécessaire mémoire.

C’EST TOI, SEIGNEUR…

Les textes bibliques sont riches d’interpellations sur cette rencontre de l’autre. D’une part, on peut y voir combien la rencontre entre les personnes et entre les peuples est complexe, difficile, parfois même violente. Elle nécessite de nombreuses règles sur l’accueil et le respect des droits de l’étranger. Pour inviter à cet accueil et à ce respect, les textes bibliques n’hésitent pas à rappeler fréquemment à Israël ce qu’il a connu en Égypte.

Par ailleurs, la rencontre de l’étranger dans la Bible remplit aussi une fonction essentielle. L’échange qui s’amorce dans la reconnaissance de l’altérité devient une chance de renouvellement de la foi et d’approfondissement de la relation avec Dieu. Les rencontres avec des personnes étrangères deviennent autant de lieux de la révélation de Dieu à son peuple (Genèse 14, 17-20 ; 18, 1-19 ; 32, 23-32).

Comme croyants, comment être des acteurs enthousiastes de ce nouveau défi d’un vivre ensemble harmonieux entre gens de différentes origines ? Comment créer des solidarités inédites pour faire advenir un monde de justice ? Comment répondre aux invitations que la vie place sur notre chemin ? Peut-être ne faut-il pas seulement attendre d’être sollicités. Il faut plutôt provoquer les occasions, faire nous-mêmes les premiers pas, les démarches qui nous mettent en situation de vivre la rencontre.

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