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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

Psaumes 42-43 : Mon âme a soif de Dieu

Imprimer Par Michel Talbot

« Mes larmes, c’est là mon pain, le jour, la nuit » (42, 4)

Le Ps 42-43 est une complainte qui traduit le sentiment intérieur d’une âme peinée. Si, comme on le pensait à l’époque, les malheurs sont le signe d’un éloignement de Dieu ou d’un abandon de sa part, voire de son hostilité, le psalmiste devrait, en conséquence, sérieusement douter de la fidélité et de la bonté de Dieu à son égard; c’est du moins ce dont ses ennemis essaient de le convaincre. En effet, il ressent cruellement le vide de son horizon à travers les sarcasmes de ses opposants: « Où est-il, ton Dieu? » (42, 4).

Condamné à vivre éloigné du temple et de son culte (42, 5), lieu privilégié de la rencontre de Dieu, l’orant ressent son exil comme une véritable descente dans l’abîme (42, 8). Troublé et agité par l’oubli divin dont il fait l’expérience, et accablé par l’ennemi qui s’acharne contre lui en se moquant de Dieu, il vit un véritable deuil (42, 10). C’est pourquoi ses larmes coulent jour et nuit (v. 4). La sombre mélancolie de l’orant (v. 10) n’est certes pas à dissocier de son interrogation exprimée en ces termes: « Quand irai-je et verrai-je la face de Dieu? » (v. 3). Le Dieu vivant, qui est à la fois objet de son désir (v. 2-3) et destinataire de sa prière (v. 9), a disparu de son horizon, d’où son inconsolable chagrin.

« Espère en Dieu »

Mais du fond de sa détresse, le priant affirme son espérance et sa profonde conviction que Dieu est sauveur en dépit de tout. Le dernier mot est un grand cri d’espérance: « Espère en Dieu: à nouveau je lui rendrai grâce, le salut de ma face et mon Dieu » (42, 6.12; 43, 5). Ce beau poème traduit un sentiment religieux profond qu’il nous faut absolument connaître.

Notre priant se souvient du passé, un passé beaucoup plus agréable que l’état de décrépitude morale et spirituelle dans lequel il se retrouve maintenant. Abattu psychologiquement par sa situation de détresse présente, l’orant, malgré tout, s’exhorte lui-même à la confiance en Dieu et en son salut : « Qu’as-tu, mon âme à défaillir et à gémir sur moi? Espère en Dieu : à nouveau je lui rendrai grâce, le salut de ma face et mon Dieu! ». Tout se passe comme si le psalmiste essayait de combattre ses noirs sentiments et de stimuler son espérance: un jour viendra où il pourra retourner, dans la liesse et l’action de grâce, au Temple de son Dieu. On est donc en présence d’un « croyant qui, là où la créature (l’âme) ne voit que détresse, abandon, défaite, aperçoit l’invisible. Certes, cette détresse n’est pas niée, bien au contraire, mais dépassée, surmontée par la foi et l’espérance. Car le Dieu qu’il a rencontré au Temple, ce Dieu qu’il a loué, chanté, aimé, ne peut le délaisser. Alors il se secoue, il se prend en quelque sorte lui-même par l’épaule et se dit à lui-même: Espère » . « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant » (42, 3), proclame le psalmiste. Il aspire à puiser aux sources mêmes de la vie. Cependant, ce qu’il trouve n’est pas la source tant recherchée, mais plutôt l’abîme de son angoisse (42, 8) et il n’a pour se désaltérer que ses larmes, le jour et la nuit (42, 6). En conséquence, « espère en Dieu », s’exhorte le priant (42, 6.12; 43, 5). C’est ainsi qu’il exprime sa confiance en ce Dieu auquel il aspire de toute son âme.

Ainsi donc, c’est du cœur même de sa détresse, du bas-fond de son écroulement psychologique, que le psalmiste fait mémoire des bontés de Dieu autrefois octroyées. Jadis, les cris de joie (42, 5), aujourd’hui, les larmes (42, 4). Mais il parvient à se convaincre que cette situation n’est pas irréversible. Certes, c’est jour et nuit qu’il se nourrit du pain de ses larmes (42, 4), mais il espère connaître le jour et la nuit où il pourra compter sur la loyauté de Dieu, de même que sur son chant pour élever vers lui une prière (42, 9; 43, 3). C’est une prière de détresse, pleine de contradictions, mais ce sont les contradictions de la foi. Par une supplication confiante, il concrétise son désir spirituel d’être enfin libéré de sa condition fangeuse, de se relever de son affaissement, d’être conduit par Dieu jusqu’en ses Demeures (43, 3) afin de goûter à nouveau, dans la joie et l’action de grâce, sa présence rassurante à l’autel de Dieu (43, 4). Il nous faut donc constater « un accroissement de confiance dans les choses inébranlables, bien que la tempête de la souffrance ne donnât aucun signe d’apaisement… Les moments d’humeur sombre (2b.5), alternent avec une prière de plus en plus affirmative… L’épreuve de l’obscurité et de l’insécurité n’est plus apparente qu’à travers une requête positive qui demande la lumière et la vérité (c’est-à-dire la fidélité divine), propres à les dissiper » .

Le Ps 42-43 est donc une supplication qui peut nourrir la prière de toute personne qui, tant aux plans politique et social que psychologique et spirituel, se sent déracinée, méprisée, déprimée, esseulée, abandonnée à ses souvenirs et encline à attribuer aux « vagues » de Dieu les épreuves insupportables et parfois répétées qu’elle doit endurer, et qui n’a plus d’autre recours que de s’en remettre à Dieu. Mais il importe de rappeler que dans la vie de cet homme l’épreuve ne diminue en rien sa confiance et son espérance; bien au contraire, elle l’attise et l’accroît. Quoi qu’on en dise, l’épreuve a souvent cette faculté d’aiguiser le désir spirituel, de créer une ouverture à l’absolu, d’augmenter la soif de Dieu.

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