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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
Parole et vie

Homélie pour le 24e Dimanche (A)

Imprimer Par Jacques Marcotte, o.p.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 18, 21-35

En ce temps-là,
    Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander :
« Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi,
combien de fois dois-je lui pardonner ?
Jusqu’à sept fois ? »
    Jésus lui répondit :
« Je ne te dis pas jusqu’à sept fois,
mais jusqu’à 70 fois sept fois.
    Ainsi, le royaume des Cieux est comparable
à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
    Il commençait,
quand on lui amena quelqu’un
qui lui devait dix mille talents
(c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).
    Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser,
le maître ordonna de le vendre,
avec sa femme, ses enfants et tous ses biens,
en remboursement de sa dette.
    Alors, tombant à ses pieds,
le serviteur demeurait prosterné et disait :
‘Prends patience envers moi,
et je te rembourserai tout.’
    Saisi de compassion, le maître de ce serviteur
le laissa partir et lui remit sa dette.

    Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons
qui lui devait cent pièces d’argent.
Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant :
‘Rembourse ta dette !’
    Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait :
‘Prends patience envers moi,
et je te rembourserai.’
    Mais l’autre refusa
et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait.
    Ses compagnons, voyant cela,
furent profondément attristés
et allèrent raconter à leur maître
tout ce qui s’était passé.
    Alors celui-ci le fit appeler et lui dit :
‘Serviteur mauvais !
je t’avais remis toute cette dette
parce que tu m’avais supplié.
    Ne devais-tu pas, à ton tour,
avoir pitié de ton compagnon,
comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?’
    Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux
jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.

    C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera,
si chacun de vous ne pardonne pas à son frère
du fond du cœur. »

COMMENTAIRE

« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde! »

Nos rapports entre nous prennent beaucoup de place dans la liturgie cet automne. Dimanche dernier, l’attention portait sur la démarche de réconciliation entreprise par celui ou celle qui se voit offensé par un membre de la communauté. Jésus marquait les étapes par où passer pour donner toute sa chance au frère ou à la sœur pris en faute. Tout ça en vue de rétablir la paix et l’unité. Le succès n’est pas garanti. Mais il faut au moins essayer.

Voilà qu’aujourd’hui, nous en venons à la place du pardon dans la communauté. Combien de fois le disciple doit-il pardonner à son frère, à sa sœur ? La réponse de Jésus est déconcertante. Il n’y a pas de limite. 70 fois 7 fois. Autant dire pardonner tout le temps, sans jamais se lasser. Jésus utilise une parabole toute simple pour le dire.

Rappelons-nous d’abord qu’il est bien normal de payer ses dettes quand on en a. C’est la loi du commerce. C’est la norme dans nos échanges de toutes sortes. Les bons comptes font les bons amis.  Pour réussir en affaire il faut être rigoureux, exacts; le but avoué n’est-il pas de faire des profits? Nous vivons de nos échanges.

Dans le domaine pénal aussi il faut être sérieux. Il faut punir les délinquants, recourir, s’il le faut, à l’arrestation, aux amendes, à des poursuites, au civil ou au criminel. Il y a pour cela la police, les juges, les peines. Nous sommes en mesure d’assurer le respect de la justice et l’application stricte des lois. Nous vivons dans un état de droit, et nous avons raison de faire confiance, sachant bien qu’il y a risque aussi de se tromper et d’être excessif, inhumain.

Et voici qu’en parabole Jésus nous amène à réfléchir sur notre condition profonde; à considérer les valeurs importantes de nos vies, dont nous aurions profit à tenir compte. Non pas pour remplacer nos institutions et nous affranchir de nos responsabilités civiques, mais pour ne pas oublier qui nous sommes, quelles sont nos motivations, quel est le sens de notre existence. De savoir quelle dignité est maintenant la nôtre, ça fait une grande différence et cela peut apporter une qualité nouvelle à nos engagements et à notre service dans la société, y compris celui de la justice et de l’équité. Nous agirons évidemment avec le souci de rendre à César ce qui est à César,  et à Dieu ce qui est à Dieu.

Dans le Royaume où le Père nous convie, les repères changent, l’horizon s’élargit. Nous sommes initiés à un autre régime de vie. Car nous avons fait l’expérience de la miséricorde d’un Dieu et Père qui nous a aimés, lui, le premier. En tant que baptisés, nous vivons dans une communauté sainte où devraient régner la joie et la paix. Oui, nous pouvons nous accueillir les uns les autres comme frères et sœurs dans le Fils bien-aimé, malgré nos misères, nos faiblesses, nos manques. Au plan strict de la justice et du droit, nous étions des pécheurs. Mais Dieu nous a donné une chance. Son fils lui-même a payé la dette. En lui nous sommes libres et sauvés. Nous vivons sous le régime de la grâce, membres de la famille de Dieu. Il est normal que nous soyons dès lors indulgents les uns pour les autres. Puisque nous avons tant reçu nous-mêmes, Nous pouvons bien nous pardonner mille fois, et davantage, les uns aux autres.

Le pape François, commentant cet évangile lors de l’Angelus à St-Pierre de Rome, disait : « Qui a fait l’expérience de la joie, de la paix et de la liberté intérieure qui vient du fait d’être pardonné peut s’ouvrir à la possibilité de pardonner à son tour … Cet enseignement sur le pardon ne nie pas le tort subi mais il reconnaît que l’être humain, créé à l’image de Dieu, est toujours plus grand que le mal qu’il commet.» 

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