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Responsable de la chronique : Guy Musy, o.p.
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Marguerite… et Marguerite

Imprimer Par Guy Musy, o.p.

Vous avez au Québec votre sainte Marguerite Bourgeoys et nous avons en Suisse depuis le 13 octobre dernier notre sainte Marguerite Bays. Deux perles rares, comme leur prénom l’indique, mais ignorée l’une et l’autre sur la rive opposée de l’Atlantique. A chacun sa Marguerite !

La mienne donc, canonisée tout récemment, était une dame  célibataire, une « vieille fille », comme on appelait vulgairement ce genre de personnes il n’y a pas si longtemps. Elle était hébergée dans la ferme des Bays, tenue par son frère dans un hameau perdu du pays fribourgeois. Un état de vie assez commun dans nos campagnes pauvres du 19ème siècle. Des huit ou dix enfants qui naissaient dans le giron familial deux ou trois seulement se mariaient, tandis que les autres – ceux et celles qui n’étaient pas entrés dans les Ordre –  se sacrifiaient célibataires à la survie du domaine paternel. Il fallait donc que Marguerite apportât elle aussi son écot dans le pot commun. Elle allait de ferme en ferme offrant ses services de couturière occasionnelle. Ce qu’on sait de sa vie « ordinaire » se résume pratiquement à ces détails. Rien qui ne présageait qu’elle serait un jour «élevée sur les autels ». Alors, quel était son charisme, me demandez-vous ? Je vous réponds : son charisme était de n’en avoir aucun.

En effet,  la Marguerite suisse n’a pas couru le monde pour évangéliser les « sauvages ». Persécutée, il est vrai, par une belle-sœur acariâtre et jalouse, elle n’a pas pour autant coiffé la couronne des martyrs. Elle n’a laissé aucun écrit, aucun livre de haute spiritualité susceptible d’enivrer les foules assoiffées de surnaturel. Quant à ses dévotions, elles étaient de son temps. Comme ma grand-mère, Marguerite ne manquait jamais sa messe quotidienne et s’endormait à la cinquième dizaine de son chapelet. Elle courait les pèlerinages et les chemins de croix et face au Christ en croix, sa piété avait des accents doloristes à faire frémir nos contemporains qui détestent souffrir.

Alors, serait-ce des actes héroïques de charité qui valurent à Marguerite sa canonisation ? Même pas. Bien sûr,  comme toute bonne personne, elle était attentive aux pauvres, aux malades,  sensible aussi à la misère morale : l’ivrognerie, le viol, l’abandon des enfants nés hors mariage, autant de séquelles de la pauvreté qui frappait alors nos campagnes. Marguerite aimait aussi les enfants. Ceux des autres, bien entendu. Elle les rassemblait le dimanche après midi, comme une Fille de saint Vincent, pour prier et jouer.

Et voilà ! C’est à peu près tout ce que nous savon d’elle. Pas de quoi en faire une sainte, dites-vous ! Pas si sûr. Marguerite faisait sans doute des choses ordinaires, mais d’une façon extraordinaire. Son sourire et sa charité transfiguraient son quotidien. C’est ce témoignage qu’elle a donné à ses proches de son vivant, ces proches qui l’invoqueront dès sa mort. Une  sainteté flairée par la foi du peuple de Dieu qui finit par tirer les oreilles des gens d’Eglise priés de confirmer ce qu’il avait  pressenti.

Il est fort possible que Marguerite a mis aussi du sien pour faciliter la démarche. Comme la petite Thérèse, elle ne cesse de faire tomber de son ciel des pétales de rose sur ceux qui la prient.  Mais là n’est pas le plus important. L’essentiel est qu’elle ait traversé son monde en faisant le bien. Comme Jésus l’avait fait dans le sien et comme il nous invite à le faire dans le nôtre. La sainteté est à la portée de tous.

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