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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

L’important dans la vie : Journal d’un vieil homme — Le mirage

Imprimer Par Gilles Leblanc

Qui ne s’interroge sur le sens de son existence? Deux films québécois récents abordent cette problématique avec aplomb. Le vénérable réalisateur Bernard Émond présente une prise de conscience troublante dans son magnifique JOURNAL D’UN VIEIL HOMME. Par ailleurs, le talentueux Ricardo Trogi traite du vide existentiel d’un homme parvenu au mitan de sa vie dans LE MIRAGE, le film le plus couru au Québec à l’été 2015.

JOURNAL D’UN VIEIL HOMME

Après avoir exploré les valeurs théologales (LA NEUVAINE, CONTRE TOUTE ESPÉRANCE, LA DONATION), puis la notion de legs (TOUT CE QUE TU POSSÈDES), Bernard Émond explore, tout naturellement quand on y pense, le thème de la mort.

Le scénario dispose d’une trame solide conçue à l’origine par Anton Tchekhov dans son récit d’«Une banale histoire». Respectant le modèle de Tchekhov, y compris la narration à la première personne, Émond suit assez fidèlement les développements originaux qu’il transpose, en préservant leur essence, et ce, dans le Québec contemporain.

Le JOURNAL D’UN VIEIL HOMME est tenu, mentalement, par Nicolas (crédible Paul Savoie), un distingué professeur de médecine, qui, rendu au terme d’une existence qu’il aurait souhaitée plus longue, médite sur la vie qu’il a menée: une vie «bonne», une vie «pleine», mais une vie sans Dieu. Féru de science, il ne peut que constater la présence d’un vide en lui sans pour autant parvenir à se mentir sur la teneur de ses croyances, même devant l’imminence du trépas.

Éloigné de sa seconde épouse et de leur fille adolescente, le vieil homme se sent plus proche de sa fille adoptive Katia, une jeune femme dont l’indicible mal-être l’emplit d’inquiétude. Qu’adviendra-t-il d’elle après sa mort? Incapable de déni, même pour se faire du bien, Nicolas attend la fin, de plus en plus seul avec ses pensées.

S’il est une noirceur inhérente au film, il est également une lumière qui y jaillit périodiquement, tel un barrage contre les ténèbres. Le temps qui lui est imparti, d’autant plus précieux parce que limité, il l’utilise pour faire ce qu’en tant que médecin, il sait faire de mieux: poser un diagnostic, en l’occurrence sur sa propre existence.   

LE MIRAGE

Dans cette production sensible et bien écrite, Louis Morissette et son complice François Avard traite des mirages de la réussite et de la pression de la conformité dans nos sociétés de consommation.

Patrick Lupien, la jeune quarantaine, projette l’image de la réussite: propriétaire franchisé d’une grande chaîne de magasins de sport, il est l’heureux prince d’une maison manoir en banlieue, marié à une épouse parfaite et père de deux beaux enfants. Or, son commerce est en grave difficulté financière, sa résidence est doublement hypothéquée, son épouse est en burn-out et le train de vie de son ménage dépasse de beaucoup sa capacité de payer.

Seul mirage à l’horizon de Patrick: Roxanne, l’épouse de son meilleur ami qui, nouvellement avantagée par une reconstruction mammaire, alimente ses fantasmes les plus fous. Tandis qu’il tente de cacher à son épouse dépensière l’état de leurs finances et esquive les assauts de ses fournisseurs impatients de se faire payer, Patrick multiplie les ruses pour se retrouver seul à seul avec Roxanne.

Si les scénaristes n’emploient pas toujours les moyens les plus subtils pour brosser son tableau, et si l’humour manque parfois de goût, le propos reste clair, le malaise identifié, les blâmes soigneusement partagés. L’ensemble dégage une vérité, une authenticité, et comporte des points de bascule redoutables d’efficacité. On a capté l’essentiel d’un malaise contemporain et le met en lumière à travers un récit qui, passant de la débandade au sabotage, file sans hésitation vers son dénouement.

Le tout est propulsé par la réalisation agile et inspirée de Ricardo Trogi. Celui-ci a trouvé dans le scénario des préoccupations qui rejoignent celles de ses films : 1981 et surtout, HORLOGE BIOLOGIQUE, dont LE MIRAGE pourrait constitue la suite spirituelle.

Gilles Leblanc

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