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Méditation chrétienne,

Responsable de la chronique : Nicolas Burle, o.p.
Méditation chrétienne

Sermon sur l’Assomption de Marie

Imprimer Par Fénelon

fenelon_cropAuteur : François de Salignac de La Mothe-Fénelon dit Fénelon, né le 6 août 1651 et mort le 7 janvier 1715, est un théologien et écrivain français. Percepteur du petit-fils de Louis XIV, il tomba en disgrâce après avoir écrit “Les aventures de Télémaque”, roman d’initiation politique critiquant la politique absolutiste. Il fut célèbre en son temps pour la profondeur de ses sermons et pour sa grande délicatesse dans l’accompagnement spirituel.

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Vous n’êtes point, dites-vous, dans les dispositions de Marie. J’en conviens, mes frères, j’en conviens ; et c’est cette opposition extrême entre son état et le vôtre, que je déplore. Vivez comme elle, et vous serez dignes comme elle d’aspirer au bonheur d’ une sainte mort. Si vous voulez cesser de craindre la mort, ôtez la cause funeste de cette crainte. Vivez comme ne comptant point sur la vie.

Usez de ce monde, c’est saint Paul qui vous parle, usez de ce monde comme n’en usant point ; car ce monde, qui vous enchante, n’est qu’une figure qui passe, et qui passe dans le moment qu’ on en croit jouir. Mais ne vous trompez point vous-mêmes, et n’espérez pas tromper Dieu. N’alléguez point vos propres péchés pour vous autoriser dans votre attachement aux choses présentes. Quoi, parce que vous avez jusqu’ici abusé de la vie, vous prétendez que c’ est une bonne raison de désirer encore de la prolonger ! Tout au contraire, vous devez être ennuyés de vivre, puisque la vie vous expose chaque jour à perdre Dieu éternellement.

Tandis que vous vivrez amusés par vos sens, enivrés des choses les plus frivoles, vous ne serez jamais prêts à mourir, et vous demanderez toujours à vivre, fondés sur des propos vagues de pénitence. Mais renversez cet ordre : au lieu de faire dépendre vos dispositions pour la mort, de votre attachement à la vie, faites tout au contraire, comme il est juste, dépendre votre détachement de la vie d’un sincère désir de la mort. Dites désormais en vous-mêmes : c’est au-delà de cette vie que sont tous nos vrais biens ; hâtons-nous donc d’ y parvenir. Soupirons, gémissons, comme dit saint Paul, de nous voir encore sujets malgré nous à la vanité et aux passions du siècle. Le meilleur moyen de nous rendre dignes de la gloire d’une autre vie, c’est de mépriser et de sacrifier sans réserve tout ce qui nous amuse dans celle-ci.

Remarquez, dit saint Augustin, combien vos projets de pénitence ont été jusqu’ici mal exécutés. Combien de fois environnés des douleurs de la mort , comme parle le roi-prophète, avez-vous demandé à Dieu quelque temps et quelque terme, afin que l’avenir réparât le passé ! Mais ce temps demandé et accordé uniquement pour repasser toutes vos années dans l’amertume de votre coeur, pour pleurer vos iniquités, à quoi ne l’avez-vous pas prodigué follement ! Bien loin de vous délivrer de vos chaînes, vous n’ avez fait que les appesantir. Chaque jour n’a servi qu’ à fortifier la tyrannie de vos habitudes criminelles, qu’à augmenter l’impénitence de votre coeur, qu’à abuser du temps, de la santé, des biens, et de la grâce même. Chaque jour a augmenté vos comptes, en sorte que vous êtes devenus insolvables.

Ici, chrétiens, j’interpelle votre conscience ; je ne veux point d’autre juge que vous. Êtes-vous
maintenant mieux préparés à comparoître devant Dieu que vous ne l’étiez autrefois ? Si vous l’êtes, profitez de ce temps ; demandez à Dieu que sa miséricorde, pour prévenir votre inconstance, se hâte de vous enlever du milieu des iniquités. Si vous ne l’êtes pas, rendez-vous au moins, rendez-vous à une expérience si convaincante.

Concluez, dit saint Augustin, qu’ en demandant de vivre, vous demandez plutôt de continuer vos infidélités que d’en commencer la réparation. De bonne foi, concluez donc que c’est plutôt l’amour des plaisirs de la vie, que celui des austérités de la pénitence, qui vous éloigne de la mort ; et si vous manquez de courage pour aller jusqu’ où votre foi vous appelle, du moins soupirez, rougissez de votre faiblesse ; du moins avouez avec confusion que vous n’avez pas les sentiments que votre religion vous inspire.

Plus vous craignez, mes frères, de quitter ce monde, plus il convient à votre salut que vous le
quittiez promptement. Plus vous l’aimez, plus il vous est nuisible ; car rien ne prouve tant que vos lâches dispositions, combien la vie est un danger, combien la mort seroit une grâce pour vous.

Ô aimable sauveur, qui, après nous avoir appris à vivre, n’avez pas dédaigné de nous apprendre aussi à mourir, nous vous conjurons, par les douleurs de votre mort, de nous faire supporter la nôtre avec une humble patience, et de changer cette peine affreuse qui est imposée à tout le genre humain, en un sacrifice plein de joie et de zèle. Oui, bon Jésus, soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes à vous. En vivant, hélas ! Nous n’y sommes qu’avec la triste crainte de n’y être plus un moment après. Mais en mourant, nous serons à vous pour jamais, et vous serez aussi tout à nous, pourvu que le dernier soupir de notre vie soit un soupir d’amour pour vous, et qu’ainsi la nature se perde dans la grâce.
Ainsi soit-il.

 

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