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Billet hebdomadaire,

Responsable de la chronique : Denis Gagnon, o.p.
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Le bruissement d’un souffle ténu

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Dans les années 70, des théologiens annonçaient la mort de Dieu. Les cours de certaines facultés de théologie préparaient des funérailles de première classe. Le tout baignait dans un inconfortable discours sur les crises et les conflits que connaissait l’Église. On accusait le clergé de sombrer dans des comportements d’adolescents. On croyait que les curés et leurs vicaires cédaient aux moindres caprices pour se mettre au goût du jour.

Avec le temps, on reconnut que la situation n’était pas aussi simple. L’Église bougeait, c’est certain. Mais elle bougeait comme l’ensemble de la société bougeait. C’était peut-être un signe de santé. Et sans doute un signe prometteur d’avenir.

Le bateau Église a quitté le port tranquille. Il a abandonné les eaux calmes, devenues peut-être des eaux mortes. Il a laissé la sécurité de la terre ferme. Il a laissé ses belles assurances. Trop souvent, la fausse sérénité de l’institution ne prenait-elle pas des airs d’arrogance.

Un bateau perd vite sa raison d’être quand il est toujours amarré au quai. L’Église a levé l’ancre pour s’engager sur la mer, malgré la houle et les remous.

En prenant le large, l’Église a dû faire face à la tempête. Certains jours, elle affronte la bourrasque.  D’autres jours, elle prend l’eau. L’équipage ne peut plus prolonger sa sieste. Il faut oublier le pilote automatique. Avant tout, vigilance, non seulement pour résister à la tempête mais aussi pour garder le cap.

J’aime beaucoup la croisière que fait actuellement notre Église. J’aime l’Église fragile, faible, pauvre. Je m’y sens chez moi avec mes peurs, avec mes doutes, avec ma foi chambranlante. J’aime cette Église qui perd de plus en plus ses airs de bourgeoise gâtée pour devenir vraiment une servante. J’aime cette Église où les pécheurs se sentent plus à l’aise que les saints. J’aime cette Église où les matelots sont responsables de la foi des uns et des autres. Je ne veux pas d’une Église puissante, forte. Elle risquerait de masquer Dieu. Elle deviendrait facilement infidèle à Jésus Christ, à ce qu’il a été au milieu du monde, à ce qu’il a voulu que soient ses disciples. Une Église puissante passerait à côté du message qu’elle doit livrer.

Je souhaite que nous devenions assez pauvres pour que toute l’attention se porte plus sur le Christ que sur nous. Tout au long de l’histoire, chaque fois que l’Église a effectué un retour à l’Évangile, elle a subi en même temps un dépouillement. Elle a perdu des plumes. Elle a retrouvé assez d’humilité et de simplicité pour se tourner vers Dieu.

Nos communautés chrétiennes doivent rassembler des disciples qui acceptent leurs peurs et leurs doutes. Nous devons parvenir à ce regard lucide qui reconnaît la présence du Christ et lui laisse la chance de diriger le bateau.

L’humilité de l’Église doit ressembler à l’humilité de Dieu. Dans la montagne, le prophète Élie a fait l’expérience de la discrétion de Dieu : «Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers; le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre; le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu; le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu, le bruissement d’un souffle ténu. Alors en l’entendant, Élie se voila le visage avec son manteau.» (1 Rois 19, 11-12)

Dieu : «le bruissement d’un souffle ténu»! Le tout puissant : presque rien! On nous disait qu’il était mort. Sur la mer houleuse, nous naviguons en nous en remettant au bruissement d’un souffle ténu.

 

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