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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Sentiments et raison : ELLE et GLORIA

Imprimer Par Gilles Leblanc

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ».Ce célèbre adage de Pascal est souvent illustré au grand écran et il l’est d’une façon particulièrement originale dans deux productions récentes. Dans le brillant film Elle, l’Américain Spike Jonze insère avec ingéniosité des émotions humaines à une créature virtuelle alors que dans l’émouvant Gloria, le Chilien Sebastian Lelio soumet avec habilité le dilemme amoureux auquel est confrontée une fort jolie femme en fin de cinquantaine.

ELLE

Pour son premier scénario original, le réalisateur surdoué de BEING JOHN MALKOVICH et ADAPTATION est parti d’une prémisse fantaisiste pour livrer contre toute attente une poignante méditation sur l’amour à l’ère des nouvelles technologies. Le récit très riche, ponctué de touches d’humour corsées et savoureuses, aborde également de manière fascinante des sujets sérieux comme la nature de l’essence humaine et la complexité des rapports interpersonnels dans un monde de plus en plus individualiste.

Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, écrivain public, consacre son talent à la composition de lettres sur ordinateur. Ses clients: des personnes incapables d’exprimer leurs sentiments à ceux qu’ils aiment. Lui-même dévasté par sa récente séparation avec son épouse, le quadragénaire mal dans sa peau comble sa solitude à coup de jeux vidéo holographiques et d’appels érotiques avec des inconnues.

Son existence prend un tournant imprévu quand il se procure la nouvelle version du système d’exploitation de son ordinateur, une intelligence artificielle dotée d’une voix féminine, d’une conscience propre et d’une capacité évolutive exceptionnelle. Entre cette entité virtuelle, baptisée Samantha, et l’humain déboussolé, naît une grande complicité qui se mue en un profond sentiment amoureux. Mais leur relation, d’abord heureuse, devient vite problématique pour Samantha, frustrée d’être privée d’une enveloppe charnelle

Sur le plan formel, Spike Jonze s’est surpassé, tapissant son film de trouvailles visuelles insolites, utilisant les images mentales avec lyrisme, créant avec maestria, à l’aide d’incrustations numériques d’images tournées à Shanghai, un Los Angeles futuriste composite où il fait bon vivre, mais en suivant une mode vestimentaire curieusement rétro et peu seyante. Très sobre dans son jeu, Joaquin Phoenix a rarement été aussi émouvant, tandis que la performance vocale de Scarlett Johansson (bien doublée par Julie Le Breton, au Québec) expressive et nuancée, force l’admiration.

GLORIA

Le réalisateur Sebastian Lelio brosse un portrait juste et lucide d’une femme attachante, peu douée pour le bonheur. Truffant son scénario de notations discrètes sur l’état de son pays, encore traumatisé par la dictature de Pinochet, le réalisateur a également le mérite d’illustrer avec une franchise rafraîchissante la sexualité chez les personnes d’âge mûr.

Pour combler sa solitude et trouver l’âme sœur, Gloria, employée de bureau de 58 ans divorcée depuis douze ans, fréquente les soirées dansantes pour célibataires. Sa rencontre de Rodolfo, sexagénaire entreprenant et prospère propriétaire d’un centre récréatif, ranime l’espoir en elle. Au point où, à l’occasion de l’anniversaire de son fils, elle décide de le présenter à sa famille.

Mais au cours de la soirée, Rodolfo, se sentant exclu, quitte sans prévenir personne. Blessée, Gloria prend ses distances avec lui. Pourtant, quelque temps plus tard, devant son insistance et ses vibrantes déclarations d’amour, elle accepte de lui donner une seconde chance. Mais la dépendance malsaine que Rodolfo entretient avec son ex-épouse et ses deux filles peu débrouillardes vient constamment compliquer leur relation.

Sans enjeux dramatiques majeurs, le récit comporte quelques développements frisant la banalité et d’autres demeurant inaboutis. Toutefois, la mise en scène privilégie le réalisme, avec une ou deux jolies envolées à saveur poétique. Paulina Garcia porte avec grâce le film sur ses épaules, sa performance nuancée lui ayant valu un prix d’interprétation mérité au festival de Berlin en 2013.

Gilles Leblanc

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