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Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Au bout de soi : Le bon côté des choses et L’histoire de Pi

Imprimer Par Gilles Leblanc

Vers la fin de l’année, les distributeurs de films mettent à l’affiche des productions qui qu’ils souhaitent positionner pour la course aux Oscars et aux Golden Globes. Dans ce contexte, deux longs métrages soulèvent notre intérêt, et ce, autour du thème du dépassement de soi. De façon spectaculaire et poétique, L’HISTOIRE DE PI du réalisateur américano-taïwanais Ang Lee illustre bien le courage d’un jeune indien dérivant sur une mer pour le moins agitée. Puis, l’Américain David O. Russel aborde avec doigté, dans LE BON CÔTÉ DES CHOSES, la maladie mentale à travers la détermination de deux personnes bien allumées.

LE BON CÔTÉ DES CHOSES

Cette tragicomédie sur l’équilibre mental et la famille dysfonctionnelle s’inscrit dans la continuité de THE FIGHTER, du même Russell, mais avec des angles mieux équarris, une intrigue plus aboutie. De fait, le scénario tiré du roman de Matthew Quick témoigne d’un impressionnant esprit de synthèse, produisant avec un minimum de mots un maximum de sens. Ainsi, l’intrigue sentimentale déboule sans rien laisser voir des ressorts plutôt conventionnels qui l’actionnent.

Sorti prématurément de l’hôpital psychiatrique, Pat, enseignant bipolaire, retourne vivre à Philadelphie auprès de ses parents. Objectif: reprendre le contrôle sur sa vie et surtout, reconquérir son épouse Nikki, qui le maintient à distance au moyen d’une injonction. Résolu à ne plus voir que le bon côté des choses, Pat fait la vie dure à sa mère soumise qu’il adore et à son père, un amateur de football superstitieux qui verse dans les paris clandestins.

Par l’intermédiaire d’un ami, il fait la connaissance de Tiffany, une jeune veuve à l’équilibre mental fragile. Dans l’espoir secret de conquérir cet énergumène au franc-parler en qui elle reconnaît une parenté d’esprit, la jeune femme se propose de jouer les intermédiaires entre lui et Nikki. Elle pose toutefois une condition: qu’il participe avec elle à un concours de danse.

Par sa réalisation d’une vélocité fulgurante, Russell épouse l’état d’esprit changeant du héros qui s’emballe, s’égare, disjoncte. Exploit suprême, il définit ses personnages riches et originaux en deux ou trois coups de pinceau et les distribue à des acteurs sublimes, dont chacun apporte une contribution différente et complémentaire au tableau. Certains, comme Robert De Niro ou Chris Tucker, redéfinissent la scène dès qu’ils y entrent; d’autres, comme la parfaite Jacki Weaver, la modèrent par leur présence discrète. Pour sa part, Bradley Cooper transcende son aura de beau gosse au côté d’une Jennifer Lawrence inoubliable en jeune veuve à la fois agnelle et tigresse.

L’HISTOIRE DE PI

Pour traduire à l’écran l’univers particulier du roman de Yann Martel, Ang Lee (TIGRE ET DRAGON, HULK) a privilégié une approche poétique et onirique, ce qui nous vaut plusieurs compositions visuelles en 3D fort imaginatives, d’une beauté à couper le souffle. Mais ce faisant, le réalisateur et son scénariste David Magee (FINDING NEVERLAND) ont accentué le caractère symbolique et spirituel de ce récit de survie, donnant du coup une nouvelle résonance au discours de Martel sur l’art de raconter.

Pi Patel grandit entouré des animaux sauvages du zoo fondé par son père à Pondichéry, ancien comptoir français du Sud de l’Inde. À l’adolescence, dans un élan mystique, il annonce à ses parents qu’il souhaite être à la fois bouddhiste, chrétien et musulman. C’est dans cet état d’esprit singulier qu’en 1977, le garçon quitte son pays natal pour aller s’établir au Canada avec sa famille. À bord d’un cargo transportant leurs animaux destinés à être vendus en Amérique, les Patel entreprennent la traversée du Pacifique. Mais une violente tempête provoque le naufrage du navire.

Pi, seul humain à survivre, vogue dans un canot de sauvetage, en compagnie d’un zèbre blessé, d’une orang-outan, d’une hyène et d’un tigre du Bengale. Ce dernier ayant éliminé la hyène, qui avait massacré le zèbre et le singe, l’adolescent doit rivaliser d’astuce pour maintenir à distance la bête féroce sur la petite embarcation. Au terme de 227 jours d’une éprouvante cohabitation, marquée par d’étonnantes aventures, Pi, à bout de force, échoue sur une plage de la côte du Mexique.

Après avoir réduit à l’essentiel les réflexions du romancier sur le relativisme religieux et les mœurs des animaux sauvages, le film démarre véritablement avec la séquence du naufrage, spectaculaire et d’une puissance dramatique peu commune. Par la suite, le périlleux périple de l’adolescent orphelin et du menaçant prédateur réserve d’autres moments forts, tantôt merveilleux, tantôt cauchemardesques. Dans le rôle du garçon débrouillard à la foi inébranlable, le nouveau venu Suraj Sharma fait montre de fougue et de charisme, tandis qu’Irrfan Khan (SLUMDOG MILLIONAIRE) confère calme et majesté au même personnage à l’âge adulte.

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