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Marie Jean-Joseph Lataste. Apôtre des prisons et fondateur de Béthanie

Imprimer Par Robert et Claude Evers

Le Père Marie Jean-Joseph LATASTE, dominicain français (1832-1869) a été béatifié en juin 2012. Son ministère sacerdotal remonte à une première retraite prêchée aux femmes détenues o la Maison centrale de Candillac, en septembre 1864. Il y retournera l’année suivante pour une deuxième retraite auprès de ces 400 femmes environ détenues dans une maison de Force et de Travaux forcés.
Nous donnons ici un large extrait de son sermon d’ouverture de cette deuxième retraite. Il fonde alors une congrégation de religieuses qui existe encore aujourd’hui et dénommée « Sœurs de Béthanie », œuvre d’accueil des réhabilitées. Ce n’est nullement une communauté – refuge pour les prisonnières libérées et repenties. A l’époque, on distingue bien deux catégories de prisonnières libérées : 1) Celles qui sont sorties des Maison de force et 2) celles qui viennent des Maison de simple détention. Les Maisons de détention étaient nombreuses, situées dans chaque département et presque dans chaque arrondissement et recevaient celles qui avaient commis de petits vagabondages, des escroqueries ou autres délits conduisant à un an de prison ou à quelques mois. Les Maisons de force, environ 4 ou 5 pour toute la France de cette époque (appelées aussi Maison centrales) regroupaient des femmes condamnées à 5, 10, 20 ans d’emprisonnement et de travaux forcés, et, pour plusieurs, à perpétuité. Ce sont des femmes de cette dernière catégorie de détenues qui composeront au début la congrégation religieuse de Béthanie qui existe encore aujourd’hui.
Voici donc comment le Père Lataste commence la deuxième retraite et quelques jours plus tard, il écrira à un confrère : « C’était bien beau. J’ai eu l’occasion une fois de plus d’admirer le travail de la grâce dans ces âmes et de constater la nécessité et l’opportunité de la fondation de l’œuvre des Réhabilitées, nous seulement pour plus tard, mais dès maintenant. Cependant, j’ai laissé ces idées s’asseoir dans mon âme avant de recommencer à agir » (au Père Hue, 2 décembre 1865).

Mes chères enfants, je puis bien vous nommer ainsi, car nous ne sommes pas à nous voir pour la première fois ; nous sommes des amies de vieille date déjà, ou, si les liens qui nous unissent ne sont pas très vieux, du moins formés par la religion, ils ont acquis, grâce à cela, une force qui compense bien la durée. Et puis ces liens ont été cimentés par la prière. Je ne vous ai pas interrogées et déjà je suis sût de votre réponse ; oui, vous avez prié pour moi, j’en suis certain. Quant à moi, je vous l’avais promis ; j’ai tenu ma promesse ; j’ai prié pour vous bien souvent et d’une manière toute spéciale. Bien souvent, du fond de nos couvents, du sein des paroisses où nous étions envoyés en mission, loin d’ici, bien des fois j’ai reporté ma pensée vers cette pauvre et chère maison ; et autant j’avais éprouvé de tristesse et de serrement de cœur en entrant ici, au milieu de vous, pour la première fois, autant maintenant j’ai la joie à y revenir, non pas de joie précisément (puis-je avoir de la joie quand je vous vois tristes ?), mais du bonheur à y revenir ; aussi suis-je venu ici aussi souvent qu’il m’a été possible ; je ne pouvais rien vous dire, car la règle est là, mais je pensais que ma seule présence vous serait une marque de sympathie et vous consolerait, et je lisais sur vos visages qu’il en était ainsi.

Ne vous étonnez pas de tout ce que je vous dis là. Vous avez lu sans doute dans les saints Évangiles comment notre Seigneur, qui était bon pour tous, aimait à se trouver de préférence avec les pauvres, les malheureux et aussi avec les pécheurs et les publicains, si bien qu’on lui faisait un reproche ; eh bien ! le Seigneur, en m’élevant malgré mon indignité au rang de Ses ministres, m’a donné une part de Son cœur ; vous êtes pauvres, vous êtes malheureuses, vous souffrez et de plus (nous pouvons bien le dire entre nous, puisque nous sommes seuls, en famille), de plus vous êtes pauvres pécheresses, et c’est pourquoi je vous aime. Et puis je me trompe ; vous avez été pécheresses, mais pour la plupart vous ne l’êtes plus, or, par la grâce de Dieu, il se passe un peu dans mon cœur ce que notre bon Sauveur nous a dit se passer au Ciel : il y a plus de joie pour une seule âme pécheresse qui revient à repentance que pour quatre-vingt dix-neuf âmes justes qui persévèrent dans le bien. Jugez donc si je dois me trouver heureux près de vous, puisqu’il se trouve ici, je le sais, non pas une, mais cent, deux cents peut-être, peut-être je l’espère trois cents bientôt qui sont sorties du péché et revenues à Dieu du fond du cœur. Je sais tout le bien que Dieu a commencé dans vos âmes l’an dernier. J’en bénis Dieu de toute mon âme. Il me reste donc peu à faire, sans doute, pour vous déterminer à revenir entièrement ; j’ai pensé, pour cette raison, qu’il était mieux de me contenter cette année d’une instruction chaque jour ; le matin, je célébrerai la sainte Messe au milieu de vous ; nous y prierons les uns pour les autres, surtout pour les retardataires ; vous chanterez quelques cantiques ; après la Messe, je réciterai avec vous un chapelet pour appeler sur nous la protection de Marie, le refuge des pécheurs et la consolatrice des affligés ; et tout le jour ensuit sera réservé aux confessions.

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