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Billet hebdomadaire

Sans prix

Imprimer Par Denis Gagnon

Chaque matin, d’un bout à l’autre de notre ville ou de notre village, les magasins ouvrent leurs portes. Ils nous offrent une infinité de produits censés correspondre aux besoins des concitoyens. La multitude des consommateurs pénètrent dans ces cavernes aux trésors. Dans les épiceries ou au marché, nous choisissons des légumes, des fruits, de la viande. Quand nous avons fait le tour des étalages, nous nous présentons à la caisse. La caissière enregistre les prix de chacun de nos achats et nous en révèle le total. De notre portefeuille, nous tirons des billets de notre « grosse» fortune. Et nous faisons un échange. La caissière reçoit notre argent. En retour, elle nous laisse partir avec les produits que nous avons choisis.

C’est ce que nous appelons « un échange commercial». En général, nous ne perdons rien, ni l’épicerie, ni nous-mêmes. Ce que l’épicerie a perdu en produits, elle le gagne en billets de banque. Personnellement, notre porte-feuille s’est allégé, mais nos sacs d’épicerie compensent. L’épicier et nous, nous sommes donc satisfaits. En général…

Chaque jour, des milliards de transactions ont lieu sur la planète. Les terriens occupent leurs journées, leurs semaines, leur vie même à faire des échanges commerciaux. Et ils évaluent la réussite de leur vie en grande partie à la réussite de leurs échanges commerciaux.

Mais les échanges ne s’arrêtent pas là. Des milliards d’autres échanges jalonnent nos vies. Les « produits» (entre guillemets!) que nous échangeons alors ne se pèsent pas. Nous ne parvenons pas à en juger la valeur. Ils sont, pour ainsi dire, sans valeur ou au delà de la valeur. Ils sont hors prix.

Quand vous vous informez de la santé de quelqu’un, votre interlocuteur ne sort pas son porte-feuilles. Il reconnaît l’intérêt que vous lui portez, en éprouve du plaisir et vous dit: merci. Un collègue apporte au travail un panier de belles pommes de son précieux pommier. Il partage les fruits entre les membres de l’équipe. L’équipe réagit en remerciant chaleureusement le généreux donateur. À l’anniversaire de sa conjointe, un mari entre à la maison avec une gerbe de fleurs. Tout émue, la jubilaire saute au cou de son mari. En échange des fleurs, elle embrasse son amoureux. Quelle que soit la valeur du bouquet, ce qui est échangé, c’est avant tout l’amour. L’amour exprimé dans l’offrande des fleurs, l’amour exprimé dans le baiser. En passant: le truc des fleurs, ça marche toujours, et pas seulement aux anniversaires. C’est bon pour les réconciliations. C’est bon pour reconnaître des bons coups. C’est bon pour un grand nombre de situations qui ne se calculent pas en chiffres. C’est même bon pour rien.

Contrairement aux échanges commerciaux, ces échanges sont de l’ordre de la gratuité. Leur valeur se mesure à l’intensité de l’amour qui est exprimé. La justice, qui est essentielle dans les échanges commerciaux, cède ici la place à l’amour.

Dans la vie de tous les jours, les échanges commerciaux occupent beaucoup de place. Mais les autres échanges, les échanges dont on ne peut mesurer la valeur, ce sont eux qui nous font vivre. Notre bonheur tient à ceux-là. Nous vivons de nos amours. Nous vivons de nos réconciliations. Nous vivons de nos amitiés. Nous vivons de la paix et de l’harmonie que nous construisons jour après jour. Nous vivons de ces biens essentiels, plus importants que la nourriture et que le confort. Nous vivons de leur grandeur. Et même de leur fragilité.

Dans nos relations avec Dieu, nous ne vivons pas d’autres échanges que ceux-là. Avec le Seigneur, tout est sans valeur, ou plutôt au delà de la valeur. Dieu nous aime pour rien, en toute gratuité. Son Fils a vécu parmi nous et il est mort pour nous, pour les ouvriers de la onzième heure comme pour ceux qui ont enduré le poids du jour et de la chaleur. Le don du Christ est sans mesure. Il est offert sans tenir compte de possibles mérites de notre part. L’indulgence de Dieu à notre endroit ne se mesure pas à un certain nombre de beaux gestes de notre part. Dieu nous aime, un point c’est tout!

Et c’est tant mieux. Aucun geste humain ne peut forcer la main de Dieu. Aucune vie humaine n’est assez pesante pour nous ouvrir les bras de Dieu. Dieu nous précède toujours dans les relations que nous entretenons avec lui. Que nous soyons premiers ou derniers, peu importe. Nous avons notre place dans le coeur de Dieu, une place qui ne reconnaît pas de préséance. Devant Dieu, nous sommes tous des premiers. Il n’y a pas de derniers.

Pour des gens comme nous, profondément marqués par les échanges commerciaux, il ne nous est pas facile de nous abandonner à la générosité de Dieu. Mais Dieu s’accommode de nos réflexes et finit toujours par avoir le dernier mot.

Billet hebdomadaire

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