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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche de Pâques. Année A.

Imprimer Par François-Dominique Charles

Les brebis écoutent la voix du berger et le suivent

Jésus parlait ainsi aux pharisiens : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus. »
Jésus employa cette parabole en s’adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire. C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis. Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. »

En traversant le désert de Juda, on rencontre des troupeaux de brebis accompagnés de leurs bergers bédouins. En arrivant au sommet du Djebel Mountar, le point culminant du désert, il est possible de contempler vers l’Est l’étendue bleue de la mer Morte et, au-delà, les montagnes de Jordanie. Le paysage est d’une grande beauté : les lignes arrondies des sommets du désert se succèdent à perte de vue et, sur les pentes nombreuses, on peut apercevoir comme des lignes horizontales qui semblent dessiner des courbes de niveau : ce sont les traces laissées par les passages répétés des nombreux troupeaux de moutons des bédouins. Un jour que je me trouvais avec un groupe d’amis sur les pentes du Djebel Mountar, de nombreuses brebis avançaient les unes parallèlement aux autres sur ces chemins. Dès que nous approchions d’elles, elles s’enfuyaient : nous étions pour elles des inconnus ! Leur berger était assis en contrebas. Il nous a salués par un grand signe de la main.

Voilà une belle illustration de la parabole de Jésus dont nous lisons un passage dans l’évangile de ce dimanche : « Jamais les brebis ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus. » Notre simple présence provoquait la dispersion des brebis. C’est alors qu’un simple signal du berger a fait revenir toutes les bêtes vers lui : les brebis « écoutent sa voix » ; « elles le suivent car elles connaissent sa voix ». Par sa voix le berger a rassemblé les brebis que notre simple présence avait dispersées !

Jésus utilise une image qu’il connaît bien ! N’a-t-il pas passé quarante jours dans ce désert ? Il y a vu les bergers rassembler et conduire leurs troupeaux. Mais il sait aussi que, dans la Bible, il y a des bons et des mauvais bergers : les bons rassemblent les brebis et prennent soin d’elles (Is 40,11) et les mauvais les abandonnent et les laissent se disperser (Jr 23,1-2 ; Ez 34,1-6). Mais le Berger est surtout une image qui désigne Dieu prenant soin du peuple (Jr 31,10). Dieu est le véritable Berger du peuple : celui qui le rassemble, le protège, le nourrit, l’abreuve, le conduit en marchant avec lui (voir Ps 22/23 ; Ps 79/80,2 ; Ps 94/95,7 ; Is 40,11 ; Ez 34,11-16). Dans l’évangile, Jésus se présente comme celui qui vient assumer le rôle de son Père. C’est une belle image de l’Église dont le Christ est le Pasteur. Si l’auteur de l’épître aux Hébreux parle du « grand pasteur des brebis, notre Seigneur Jésus Christ » (Hb 13,20), l’auteur de l’Apocalypse joue sur les mots en disant que « l’Agneau » pascal est notre « Pasteur » qui nous « conduira aux sources des eaux de la vie » (Ap 7,17). Dans l’évangile, Jésus dit aussi qu’il est « venu pour que les hommes aient la vie en abondance. » Allons-nous faire partie de son troupeau ? Allons-nous écouter sa voix et nous laisser rassembler par lui ? L’image du berger nous invite à prier pour l’unité de tous les chrétiens autour de leur unique Pasteur ! Puissent un jour tous les chrétiens s’entendre pour fêter la Pâque de leur Berger, tous ensemble, à la même date !

En arrivant au monastère de Mar Saba, situé au cœur du désert, dans la vallée du Cédron, nous avons rencontré un jeune berger qui veillait sur un très grand troupeau. Nous l’avons salué et échangé avec lui quelques mots de salutation. Puis il s’est mis en marche en appelant les brebis. Toutes se mirent alors à le suivre : il marchait en tête et les brebis le suivaient en file indienne. C’est encore une merveilleuse image de l’évangile : « Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête et elles le suivent. » Jésus est celui qui nous ouvre la route et qui nous invite à le suivre en toute confiance. Il est notre chemin pour aller au Père (Jn 14,6). C’est aussi lui qui est la porte qui permet d’entrer dans la bergerie, très belle image de l’Église, puisque c’est là que le Pasteur rassemble son troupeau. Sur le tympan de beaucoup de nos portails d’églises romanes et gothiques se trouve sculpté un Christ bénissant qui semble inviter le passant à franchir la porte : le Christ ressuscité est la porte de l’Église et la porte du Royaume : « si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé » dit aujourd’hui Jésus dans l’évangile.

J’évoquerai une dernière image du désert, au moment où le soir tombe. Les bergers rassemblent alors leurs troupeaux pour les conduire à la bergerie. Ils les comptent et savent quand il en manque une : « il appelle chacune par son nom ! ». Si Jésus se présente dans l’évangile comme le berger, c’est que sa mission consiste, pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52), à se mettre en quête des brebis qui se sont perdues. La belle image, qui se trouve dans le livre du prophète Ézéchiel (Ez 34,16 ; voir aussi Ps 118/119,176 et Is 40,11), est reprise dans la célèbre parabole de Jésus (Lc 15,5) : notre Berger a pour mission d’aller à la recherche des brebis perdues afin de les ramener à la bergerie en les portants sur ses épaules. Il connaît chacun de nous par son nom ; il est venu nous chercher et n’oubliera personne car il doit nous sauver tous et nous conduire dans la Bergerie du Père. Quelle belle image du salut car, pour être sauvé, il convient d’être introduit dans la Bergerie par le Berger : que ce soit avec le reste du troupeau, ou que ce soit porté sur ses épaules si l’on s’était perdu !

Toutes ces belles images reprises par Jésus sont enracinées dans la Bible et dans la vie des nomades bédouins du désert que Jésus a sans doute côtoyés. Mais ces bergers bédouins nous rappellent aussi le temps des Patriarches Abraham, Isaac, Jacob… Ils étaient des nomades et se sont déplacés avec leurs troupeaux comme nous le raconte le livre de la Genèse. Et nous aussi, nous sommes des nomades, « des voyageurs sur la terre » (Hb 11,13) en route vers le Père ; celui qui est à notre tête, notre Berger, c’est Jésus qui par sa mort sur la croix et sa résurrection nous a ouvert la porte étroite par laquelle il nous faut passer. N’est-ce pas cela que nous avons vécu dans la nuit pascale ? Tous ensemble, chacun ayant allumé sa bougie au cierge pascal, nous avons marché derrière le Christ notre lumière et nous sommes entrés dans la bergerie (l’église) pour célébrer sa présence qui est pour nous le salut. Faisons donc une totale confiance à ce Berger dans nos vies, écoutons sa Parole et laissons-nous conduire par lui vers ce pâturage promis où nous aurons la vie en abondance !

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.

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