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Patristique

Sixième homélie sur Saint Paul (1)

Imprimer Par Jean Chrysostome

DES FAIBLESSES CHEZ PAUL ?

1. Voulez-vous aujourd’hui, mes bien-aimés, que nous laissions de côté les hautes qualités de Paul, tout ce qui en lui force notre admiration, pour traiter au grand jour de ce qui, aux yeux de certains, ollre prise sur lui ? Nous verrons, aussi bien, que ces aspects-la sont tout aussi propres à lui conférer, à leur tour, éclat et grandeur.
Qu’est-ce donc qui offre prise aux critiques chez lui ? On l’a vu, direz-vous, craindre les coups telle et telle fois. Oui, c’est vrai: ainsi lorsqu’on lui fit présenter le dos aux lanières du fouet. Ce n’est pas la seule fois. Il y eut aussi, dans l’épisode de la marchande de pourpre, son attitude quand il faisait des embarras pour sa sortie de prison (Ac 16 35-40). Le seul but qu’il visait, en agissant ainsi, c’était de s’assurer des garanties et d’éviter de retomber rapidement dans les mêmes ennuis. Eh bien, que penser de tout cela? Ce récit, plus que tout, montre combien il est grand et digne d’admiration. C’est qu’avec un tempérament comme le sien, qui n’a rien de téméraire, qui ignore toute folle bravade, avec un corps comme le sien, qui recule devant les coups et que le fouet fait trembler, il a montré, quand les circonstances l’exigeaient, autant de dédain que les puissances incorporelles envers tout ce qui passe pour redoutable.

Quand vous le voyez tout contracté, tout tremblant, rap¬pelez-vous les fameuses paroles qui font de lui un émule des anges, qui trouve accès au ciel : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, le danger, le glaive?» (Rm 8 35) Rappelez-vous ses paroles non moins fameuses, lorsqu’il compte pour rien toutes ces épreuves : « La légère tribulation qui nous atteint pour un moment est en train de nous constituer, bien au-delà de toute mesure, une masse éternelle de gloire, à nous qui ne ter:11duns pas les choses visibles mais les invisibles. » (2Co 4 17-18) Ajoutez à cela les tribulations quotidiennes, Li merl mille fois affrontée quotidiennement, et songez à toutes ces épreuves pour l’admirer, et aussi pour ne plus désespérer de vous-mêmes.

FINITUDE ET VOLONTE HUMAINES : LA PEUR DES COUPS

2. Car c’est justement cette faiblesse apparente de notre nature, c’est elle qui est la preuve la plus magistrale de son mérite, puisque c’est sans échapper aux contraintes qui pèsent sur le commun des hommes qu’il soutenait de pareilles affirmations. La masse des périls qu’il a affrontés aurait pu faire soupçonner, en effet, et peut-être a-t-on pu soupçonner, qu’il devait échapper à notre condition commune pour exprimer ce qu’il vient de dire. Mais si toutes les épreuves par lesquelles il passa furent permises, c’est pour vous apprendre que si sa nature en faisait un homme parmi tant d’autres, l’ardeur qui l’animait non seulement l’élevait au-dessus de tous, mais faisait de lui l’égal des anges. II était bien homme, et d’âme et de corps, quand il endurait mille morts et méprisait toutes les vicissitudes, présentes et à venir. Mais c’est cette ardeur qui lui permettait de faire entendre ces affirmations extraordinaires et incroyables pour beaucoup : «Je souhaiterais être un objet de malédiction, séparé du Christ, pour nies frères, ceux de ma race selon la chair. » (Rm 9 3)

Oui, nous pourrions surmonter toute espèce d’inquiétude inhérente à notre nature, à force d’énergie, il suffirait de le vouloir. Et rien n’est impossible à l’homme de ce que le Christ lui a ordonné. Ne perdons pas de vue le capital d’énergie qui peut être le nôtre, et Dieu, de son côté, mettra en nous un surcroît de force qui fera pencher notablement la balance; alors les périls auront beau fondre sur nous, nous n’en serons pas la proie. La peur des coups est loin d’être condamnable ; ce qui l’est, plutôt, c’est de se résigner, par peur des coups, à un comportement qui bafouerait nos devoirs envers Dieu, et par conséquent il est plus juste d’admirer quelqu’un qui craint les coups dans les combats sans se laisser réduire plutôt qu’une personne qui n’éprouve nulle crainte.

C’est alors, en effet, que le rôle de la volonté est mis en pleine lumière : craindre les coups est naturel, mais ne se résigner à rien de choquant sous l’empire de la peur, voilà la marque d’une volonté qui corrige les faiblesses de la nature et qui triomphe de sa fragilité. On n’est pas coupable pour être en proie à la douleur, mais plutôt pour être poussé par elle à des paroles οu à des actes qui n’agréent pas à Dieu.

Si j’avais dit que Paul n’était pas une créature humaine, vous auriez eu raison de mettre en avant les faiblesses de notre nature pour réfuter par là mon raisonnement; mais si je vous dis et vous répète fermement que c’était un homme comme les autres, qu’il n’était pas d’une nature supérieure à la nôtre, mais qu’il l’emportait par sa volonté, votre objection tombe à plat, que dis-je, elle se retourne en faveur de Paul. Car cela revient à montrer sa grandeur, puisque tout en appartenant à la condition humaine il l’a dépassée. Et ce n’est pas seulement l’exalter, lui, mais c’est rabaisser le caquet des gens qui se sont laissé abattre une fois pour toutes, leur interdire de recourir à cette échappatoire (Paul aurait été doué d’une nature supérieure à la nôtre), c’est les presser, au contraire, de recourir à cet élan qui trouve sa source dans la volonté.

Patristique

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