Au salon funéraire, il arrive souvent qu’on entende dire: « Dieu est venu le chercher!» Les gens qui font une telle affirmation s’appuient sur une promesse de Jésus, la veille de sa mort: « Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure. […] Je pars vous préparer une place. Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi.» (Jean 14, 2-3) La promesse de Jésus annonce un bel avenir, un grand avenir puisque Jésus parle non seulement de l’au-delà après la mort, mais aussi du temps présent, ce monde où il veut enraciner son royaume.
Quand nous disons à propos de la disparition d’un proche que Dieu est venu le chercher, nous n’affirmons pas toujours autant d’espérance. Nous laissons entendre que Dieu l’a fait mourir et qu’il nous en prive. Dieu nous aurait séparés. Alors, nous ne sommes pas loin de prendre Dieu pour un bourreau, quelqu’un qui nous éprouve, qui veut notre malheur.
Or, le livre biblique de la Sagesse tient un autre langage: « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent.» (Sagesse 1, 13-14) Le Sage n’attribue pas la mort à Dieu. Ce serait affirmer que le Tout-puissant a fait un échec. Et affirmer du même coup que Dieu qui est sensé être très bon voudrait le malheur de ses créatures.
La mort existe. Nous ne pouvons pas le nier. Nous faisons souvent l’expérience de la mort de nos proches. Nous nous apprêtons nous-mêmes à en être les victimes un jour ou l’autre. Le mal s’est infiltré dans l’oeuvre de Dieu. Le Sage dit: « La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon» (2, 24) Le mal existe et il nous entraîne dans son filet jusqu’à nous faire mourir.
La présence de son Fils sur la terre est un vibrant témoignage du combat de Dieu contre le mal et contre la mort. Jésus a proclamé la bonté de Dieu, son souci des faibles, son option en faveur des pauvres, sa volonté de protéger la vie. Et Jésus a accompagné sa parole de gestes libérateurs: cette petite fille qu’il ramène à la vie malgré le défaitisme de son entourage, cette femme qu’il guérit de ses pertes de sang, Lazare qu’il fait sortir de son tombeau, cet aveugle de naissance à qui il rend la vue, ces paralysés qu’il fait marcher, ces muets qu’il fait parler. Autant de signes qui révèlent le désir de Dieu de vaincre la mort.
Au sommet de tous ces signes, nous reconnaissons le Christ ressuscité d’entre les morts. Le matin de Pâques, comme un printemps après un dur hiver, cet homme se tient debout et bien vivant devant Marie-Madeleine après avoir connu la mort deux jours auparavant. Saint Paul dira de lui qu’il est « le premier-né d’entre les morts». Autrement dit: la mort de Jésus est devenue une naissance.
La mort continue de faire partie de nos vies. Les cimetières en sont un témoignage éloquent. Mais la mort n’a plus le dernier mot. Elle ne peut plus être la fin de tout. Jésus est le premier à naître de sa mort. Le reste de l’humanité est appelé à une naissance semblable.
Non Dieu n’est pas un bourreau qui laisserait la mort faucher nos vies. Dieu nous accompagne au jours d’orage comme aux jours ensoleillés. Il vit nos drames avec la même intensité que nous les vivons. Il est victime avec les victimes du mal. Il est blessé quand nous sommes blessés mortellement. Mais – nous pouvons en être certains – Dieu sortira vainqueur de ce corps à corps avec le mal et la mort.
Poursuivons notre route, continuons de vivre dans cette espérance.