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Aller ailleurs…

Imprimer Par Denis Gagnon

Les derniers jours ont été plutôt chauds. Nous avons vu apparaître les chemises à manches courtes et les bermudas. Le temps des vacances est à nos portes. Le temps du farniente. Mais aussi le temps des voyages. L’été, c’est la saison des grands déplacements. Nous allons ailleurs. Les autres viennent chez nous. Nous échangeons nos paysages pour nous dépayser. Nous partageons nos décors familiers avec d’autres qui veulent plonger dans l’inconnu.

Nous bougeons de plus en plus. Les aéroports sont de plus en plus bondés. L’avion est devenu un moyen de transport ordinaire. Certains ne s’étonnent plus en montant à bord. Les autos envahissent les routes et les autoroutes. C’est devenu fréquent que la circulation ralentisse, qu’elle soit bloquée parce que il y a trop de voyageurs sur les voies de communication. On a construit des viaducs et des voies rapides au point que la terre entière est quadrillée d’un immense filet de chemins, de routes, de rues et d’avenues. Les paysages se modifient continuellement à cause des travaux de construction de la voirie.

Pourquoi allons-nous ailleurs? Certains veulent prendre une distance, peut-être même fuir, leur milieu habituel. Changer d’air, oublier la routine quotidienne, ne pas penser au boulot pendant un certain temps. D’autres vont ailleurs pour ailleurs. Ils veulent voir autre chose. Leur curiosité en fait des explorateurs, des chasseurs de nouveautés, des découvreurs de mystères. Ils aiment le dépaysement qui dérange. Ils veulent être bousculés un peu. Peut-être pour ne pas s’encroûter, pour ne pas mourir prématurément. Il existe aussi des amoureux des voyages qui cherchent la rencontre. Au cours de leur périple, ils croisent d’autres voyageurs ou les habitants des pays qu’ils visitent. Ils entrent en relation. Ils nouent des amitiés. Et ces rencontres permettent d’entrer dans des cultures différentes, de pénétrer dans l’univers d’autres peuples. Et de s’enrichir au contact de la différence. L’occasion même de mieux se percevoir soi-même et de faciliter la quête d’identité personnelle.

On dit que les voyages forment la jeunesse. Certains restent jeunes longtemps parce qu’ils savent profiter de leurs déplacements. Ils acceptent de quitter leur univers familier pour plonger dans l’inconnu. Ils observent. Ils écoutent. Ils questionnent. Ils s’étonnent. Et du même coup, ils découvrent. Ils apprennent. Ils se dépassent. Les voyages deviennent pour eux une immense salle de cours où l’enseignement prend des allures d’audio-visuel vivant, naturel. Les surprises sont habituellement les bienvenues. L’improvisation conduit à de l’inattendu qu’on range soigneusement dans son baluchon de souvenirs.

Mozart écrivait à son père en 1778: «Sans voyages (au moins pour ceux qui s’adonnent aux lettres et aux arts), on est vraiment un pauvre être! — Et je vous assure que, si l’archevêque (de Salzbourg) ne me permet pas de faire tous les deux ans un voyage, il m’est impossible d’accepter l’engagement. Un homme de médiocre talent reste toujours médiocre, qu’il voyage ou non — mais un homme de talent supérieur (ce que, sans être impie, je ne peux pas nier être moi-même) sera… mauvais s’il doit rester toujours dans le même endroit.» Malgré l’accent de suffisance qu’il met dans son propos, le grand Mozart a raison. Il faut de temps à autre des déplacements. Quand nous ne pouvons pas le faire physiquement, il faut au moins changer de lieu par le truchement de la télévision, de la radio, de la lecture. Autrement dit, ouvrir notre monde plutôt restreint, garder la porte de la maison ouverte. Pour communiquer, pour accueillir la différence et offrir la nôtre, pour donner à la communion sa chance de naître.

Personne ne peut se replier sur lui-même sans s’appauvrir considérablement. Nous sommes faits pour la rencontre, le partage, le dialogue. Des voyages, nous apprenons à dépasser nos préjugés raciaux. Nous apprenons à vivre heureux de nos différences, heureux de les partager et d’en profiter mutuellement. Les frontières sont en train de changer de vocation: de limites à ne pas franchir, elles deviennent des seuils à traverser pour aller vers les autres.

Vive les voyages! Sans oublier que ce qui compte, c’est moins les déplacements physiques que ceux du coeur. L’esprit doit parcourir les routes beaucoup plus que le corps. Sénèque disait: «Tu t’étonnes d’avoir voyagé si loin, d’avoir tant varié les itinéraires, sans avoir dissipé la tristesse et la douleur de ton coeur: c’est l’âme qu’il te faut changer, non pas le climat.»

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