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Témoins du Christ,

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Témoins du Christ

L’abbé Pierre : « La foi humble »,

Imprimer Par Jean-Marie Viennet

Invitation

Le titre peut surprendre dès lors qu’il s’agit d’évoquer le souvenir de l’abbé Pierre, ce géant du soutien et de la défense des plus démunis des hommes.

Et pourtant ! Seuls les proches de l’Abbé, dont l’auteur de ce recueil de souvenirs précis, Monsieur l’Abbé Jean-Marie Viennet, étaient en mesure d’exprimer sous une telle formule la foi de celui qu’ils ont approché, écouté, accompagné.

Merci à Jean-Marie d’avoir puisé dans ses souvenirs personnels et de nous avoir restitué l’essentiel de vingt années de « voyage dans la foi et la prière avec l’abbé Pierre ». Charenton, St Wandrille, Esteville, Alfortville, et les communautés visitées à travers le monde, sont d’autant d’étapes qui ont permis à l’auteur d’apprécier la simplicité et la fidélité du cœur d’un croyant. Dans l’évangile, avez-vous remarqué quels sont ceux ou celles dont Jésus exalte la foi ? Ce sont des humbles, des petits, des pécheurs. Des hommes et des femmes qui osent à peine lever les yeux, mais qui ont une irrésistible confiance.

C’est à Assise que tout a commencé, là où François s’est reconnu aimé de Dieu jusque dans sa fragilité et dans son péché. François, le « poverello », y a découvert la joie d’aimer les lépreux son être en vérité. C’est à cette source qu’est venu puiser le jeune Henri Grouès. Il n’est pas étonnant que le charisme de François d’Assise l’ait rejoint.

Le lecteur de ces pages y retrouvera la fraîcheur et la saveur de l’évangile vécu.

Pour ma part, cette lecture m’a rappelé ce qu’écrivait Eloi Leclerc dans « Sagesse d’un pauvre » : « Le Seigneur nous a envoyés évangéliser les hommes. Mais as-tu déjà réfléchi à ce que c’est qu’évangéliser les hommes ? Evangéliser un homme, vois-tu, c’est lui dire : toi aussi tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus. Et pas seulement le lui dire, mais le penser réellement. Et pas seulement le penser, mais se comporter avec cet homme de telle manière qu’il sente et découvre qu’il y a en lui quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait, et qu’il s’éveille ainsi à une nouvelle conscience de soi. C’est cela lui annoncer la bonne nouvelle. Mais cela n’est possible qu’en lui offrant ton amitié. Une amitié réelle, désintéressée, sans condescendance, faite de confiance et d’estime profondes. Il nous faut aller vers les hommes. Ce n’est pas facile ? Le monde des hommes est un immense champ de lutte pour la richesse et pour la puissance. Et trop de souffrances et d’atrocités leur cachent le visage de Dieu. Il ne faut surtout pas qu’en allant vers eux nous leur apparaissions comme une nouvelle espèce de compétiteurs. Nous devons être au milieu d’eux les témoins pacifiés du Tout-Puissant, des hommes sans convoitise et sans mépris, capables de devenir réellement meurs amis. C’est notre amitié qu’ils attendent, une amitié qui leur fasse sentir qu’ils sont aimés de Dieu et sauvés en Jésus-Christ ».

« L’abbé Pierre célébrait la messe d’une manière très simple et dépouillée » : le messe sur le monde !

C’est une invitation à comprendre qu’il ne suffit pas que nous soyons unis entre nous. Le Christ nous demande de concrétiser autour de nous ce qu’il nous donne dans l’eucharistie. Le pain partagé nous convertit en hommes de partage. La communauté eucharistique devient ainsi une force de transformation du monde, à la manière du levain qui soulève la pâte. La solidarité humaine a une dimension sacramentelle.

On ne peut pas être uni au Christ et se tenir à distance des hommes qui ont faim et soif, qui sont étrangers, emprisonnés, malades, désarmés devant ceux qui les exploitent. Parce que le Christ s’identifie à ces hommes. Mais on ne peut pas davantage agir si le « sacrement du pauvre » remplaçait l’eucharistie : en fait, il s’enracine en elle, il l’exprime, il en est le fruit. Les deux sont comme les deux faces d’une unique réalité ; celle du Christ qui vient s’unir à toute l’humanité et à chaque homme, et celle d’une existence humaine, renouvelée et fécondée par le don de Dieu.

Merci, Jean-Marie, de nous rappeler que la foi est d’abord une attitude. Croire, c’est se tenir debout chaque fois que le jour se lève, ne fermer aucune porte à la lumière et se laisser conduire par celui qui nous aime suffisamment pour se révéler à nous dans le secret du cœur, quand il le veut, comme il le veut.

Claude Schockert
Evêque de Belfort-Montbéliard.
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Ouverture

En cette fin d’après-midi du 11 décembre 2006, avant de célébrer la messe comme de très nombreuses fois depuis plus de vingt ans, l’abbé Pierre m’avait demandé de passer un moment avec lui. Toujours au cours de ces longues années, nos échanges portaient sur la foi et la prière. Ce soir-là, calmement, il m’a dit : « tu sais, cette fois, ça va s’arrêter. Tu feras mon enterrement à Esteville. Fais que ce soit simple ; n’oublie pas les compagnons et ma famille. Tu feras lire la lettre de St Jean et quelques phrases seulement que tu vas noter ; dans le petit livre « c’est quoi la mort », j’ai souligné deux ou trois de mes convictions… » Il y eut un moment de silence, puis le père a ajouté en prenant son temps : « De bien des façons, on a parlé de mes actions, plutôt de ‘ce qui nous est arrivé’ pour servir les plus souffrants – j’aime mieux maintenant les « plus faibles que nous » ; si tu en as le temps, en te faisant aider par les amis très proches, tu pourras dire quelque chose de la foi et de la prière, car ça aiderait beaucoup, je crois… ».

J’ai repris de très nombreuses notes, des dates, des lieux. Tout ce qui va être raconté a été vécu au cours de célébrations dans des endroits et des pays très divers. Le contenu des paroles de l’abbé Pierre n’a rien de confidentiel. Ca ne concerne en aucun cas ce que nous avions à nous dire de plus intime. C’est ce qui nous est arrivé dans cette aventure de la foi et de la prière. Beaucoup l’ont vécu comme moi dans le plein air de l’existence ou mieux, pour reprendre une belle expression des poésies de l’abbé Pierre : « au gré du vent ».

Voilà. Je le fais pour dire merci à cette aventure spirituelle forte. Qu’elle soit un brin de lumière et de paix.

Jean-Marie Viennet
Février 2007.

Jean-Marie Viennet a été ami d’Emmaüs depuis 1982, secrétaire général d’Emmaüs International pendant plusieurs années, président des Amis de l’abbé Pierre jusqu’au décès du Père. Il est vicaire général du diocèse de Belfort-Montbéliard, délégué à l’œcuménisme et curé dans l’espace rural.

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