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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

21e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

La porte étroite

Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas. Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’ Alors vous vous mettrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.’ Il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal. Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »

Commentaire :
Selon l’histoire des formes littéraires, on admet communément de nos jours que les premiers chrétiens ont adapté, interprété et harmonisé les paraboles et paroles originales de Jésus aux besoins concrets de leurs communautés. Ce passage de l’évangile constitue un cas extrême où la fusion de plusieurs paroles et gestes de Jésus a amené la formation d’une nouvelle parabole : celle de la porte étroite. Sans être précisément l’œuvre de Jésus, cette parabole est entièrement composée de ses paroles. Comme l’écrivait le Père M.-J. Lagrange, o.p. : « On suppose toujours que Luc combine des petits bouts de papier mal alignés ». Cette parabole constitue donc un exemple des plus curieux de transmission de matériaux évangéliques dans les premières communautés chrétiennes.

D’entrée, Luc nous replace dans le contexte de ce long et pénible voyage qui va conduire Jésus jusqu’à Jérusalem, lieu de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection. Ce périple de salut domine toute la section centrale de l’évangile. La question discutée ici avec beaucoup de respect se posait à cette époque dans les écoles rabbiniques : « Y aura-t-il beaucoup d’élus ? » L’interlocuteur ne recevra pas une réponse directe ou d’ordre spéculatif. Nulle conjecture ne sera émise de la part de Jésus. Le « comment faire » importe davantage ici que le nombre. « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. » L’essentiel consiste à faire effort, étant sous entendu l’idée de lutte et de combat. Bien que le bonheur soit pour les Juifs du temps de Jésus comparable à une salle de festin, la porte d’entrée est étroite, comme le chas d’une aiguille (Mt. 19, 24 ; Mc. 10, 24 ; Lc. 18, 25).

Suit l’adresse aux retardataires, familiers du maître de maison. Ils contestent à leur façon : « Nous avons bu et mangé sous tes yeux ». Ces opposants représentent les Juifs, et leur relation avec le maître de maison relève du domaine de la convivialité, de l’intimité ( 2 Co. 5,16). Ceci aggrave leur responsabilité. Que sert cette relation s’ils n’ont su mettre en pratique l’enseignement du Maître ? Pour demeurer disciple, il ne suffit pas d’avoir entendu le maître, mais bien de conformer sa vie à son enseignement. Leur sort sera comparable à celui du jugement dernier : « grincements de dents et de colère ». Le sort de leurs ancêtres, les saints de la nation, sera visible à leurs yeux. Ils apercevront à l’intérieur de la salle du festin des hommes venus des quatre coins de l’univers. Eux, les appelés, objet des promesses messianiques et des prédilections de la part de Dieu à l’égard de ce peuple seront-ils sauvés ? Malgré cette prévenance ininterrompue et la présence du Messie en son sein, tout Israël ne sera-il sauvé ?

« Les derniers seront premiers et les premiers derniers » Cette sentence familière est d’un emplacement heureux chez Luc. Jésus compare dans cette parabole tous les Juifs à l’ensemble des païens. Paul accentuera une doctrine semblable dans les Actes des Apôtres (13,46-48 ; 28,25-28). Dieu nous garde de prendre cette sentence à la lettre et l’appliquer indistinctement à tous les individus ! Le sens est qu’au jugement dernier, les impénitents seront rejetés quelle que soit leur origine, alors que les humains dignes et comparables aux patriarches et aux prophètes seront admis dans le Royaume de Dieu.

Dans les Église chrétiennes primitives, une tension réelle existait entre Juifs et païens. La question d’importance n’était pas de s’interroger sur le petit nombre des élus, mais de faire partie de ce nombre. La lutte et l’effort en sont la condition. Et cela n’admet aucun retard. Le salut des enfants d’Abraham, contrairement à l’opinion courante des cercles rabbiniques, n’est nullement assuré d’avance. L’avertissement servi aux Juifs exclus de la salle du festin est adressé à tous les hommes de tous les temps.

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