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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

18e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Allume la flamme en mon coeur

Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »

Commentaire :
Le père Chevignard o.p. écrivait : « Le feu dont nous devons être brûlés, c’est celui-là même qui a brûlé le cour du Christ, c’est un feu qui n’est pas de la terre, un feu qui vient de Dieu. C’est le feu de son Esprit d’amour en qui nous avons tous été baptisés. C’est la volonté de Dieu que quelque chose brûle en nous et nous fasse mal. »

Exceptionnellement, les trois lectures bibliques de ce dimanche offrent une certaine convergence : Jérémie témoin, image prophétique du Christ persécuté, la lettre aux Hébreux qui exhorte à l’imitation du Christ jusqu martyre et l’évangile de Luc qui nous révèle les sentiments de Jésus face à la persécution. La persécution, point de convergence des trois textes, persécution causée par l’accueil non unanime de la foi.

« Je suis venu apporter le feu. » Ce premier verset détruit en quelque sorte l’image idyllique d’un amour, d’une charité qui voudrait ignorer les divisions, les conflits suscités par la foi. La charité authentique ne consiste pas à ignorer ces conflits, mais à les résoudre. Nos communautés chrétiennes rassemblent des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, de cultures différentes et de solidarités divergentes. La parole de Dieu divise, elle contraint chacun à prendre position.

Jésus, lui-même signe de contradiction (Lc 2,34), provoque délibérément cette division, .lui pourtant venu sauver tous les hommes. On ne peut être prophète, se dire « envoyé de Dieu » sans avoir au coeur la même passion et la même impatience de justice. L’audace des paroles de Jésus reflète la violence de Dieu pour le salut de son peuple. La parole qui sauve sera aussi celle qui condamne. Jésus pouvait prendre parti librement car il était d’une totale liberté.

JUSTICE DU ROYAUME

Le combat pour la justice se déroule toujours dans l’ambiguïté. Les premiers martyrs passaient pour ennemis du genre humain et Jésus comme un dangereux agitateur politique. Combattre pour la justice, c’est risquer de rencontrer l’infamie de la croix. La parole de Dieu ne sacralise aucune cause particulière, pas plus celle de la chrétienté que celle du peuple juif. Mais elle discerne au sein de nos aspirations et raisons de nous battre, ce qui a valeur d’absolu et concerne la volonté même de Dieu. Lorsqu’il lutte pour le pain, la dignité, la liberté, la paix, le disciple de Jésus doit pouvoir se dire loyalement qu’il lutte d’abord pour le Royaume de Dieu et sa justice.

Deux voies semblent devoir mener au combat pour la justice. En premier lieu, l’action non violente. Fixer une limite à notre complicité avec l’injustice est un premier pas. On fera alors l’expérience de ce que tel engagement peut coûter, et nous ferons partie du groupe des « persécutés pour la justice ». Puis, comme seconde voie, celle de la persécution. En faisant appel pour la justice, mon cri sera un signal de condamnation et une vocation au salut. C’est là chemin de résurrection mais au prix de combien de persécutions.

Suivent trois paroles de Jésus vraisemblablement prononcées ici et là. Ces paroles s’inscrivent cependant dans un contexte dont il faut tenir compte, le voyage vers Jérusalem (9,51-13,21) : la Passion et l’exaltation du Seigneur, la mission des disciples, les conflits avec les adversaires et les instructions. Ici se situe notre passage.

Jésus est venu mettre le feu sur la terre, il est venu apporter l’Esprit, (As.2, 13,19) Il doit recevoir un baptême qui le remplit d’angoisse : Jésus annonce, une fois encore, sa passion préalable au don de l’Esprit. (17,24 et 25) Il lui faut passer par là (9,22; 17,25; 22,37) Les trois derniers versets doivent être lus sous cet éclairage. A l’encontre des prophètes qui annonçaient le messianisme comme un temps de paix (Ise.9, 5-6; 11,6-9; Es. 34,23-30; Za 9,9-10), Luc présente Jésus comme celui qui apporte la paix (1,79; 2,14; 19,38.42). Ce ne sera pas une paix facile, car Dieu n’accorde la paix véritable qu’à ceux qui répondent loyalement à son appel. L’oracle de Siméon (2,34-35) manifestte déjà cette division. Luc apporte une autre annonce : la foi en Jésus suscite des déchirements. (21,16) L’évangéliste pense ici à la vie des disciples de Jésus dans l’Église de son temps. La foi en Jésus impose des choix déchirants. Et si la foi impose pareils renoncements, c’est que Jésus apporte avec la foi et remplit sa tâche jusqu’à mourir. La paix est celle du Royaume où l’on n’entre que par la croix.

ENSEIGNEMENT DE JÉSUS

Luc voit Jésus comme le Seigneur exalté qui dispose de l’Esprit que les fidèles reçoivent par le Baptême. Croire en Jésus, c’est le choisir pour Seigneur, prendre position dans ce monde déchiré entre la foi et l’incrédulité, dussions-nous mourir comme le Maître. La perspective de Luc est ecclésiale.

Pauvres chrétiens, nous devons demander humblement : « Allume quelque chose dans mon cour, quelque chose de vrai, quelque chose qu rien ne puisse éteindre, ni échec, ni âge, ni lassitude, quelque chose de brûlant et d’indomptable, quelque chose d’humble et de doux, quelque chose qui vienne de Toi. » (Chevignard : Doctrine spirituelle de l’Évangile., Foi vivante no.4. 1965)

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