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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

18e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

L’Icône

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».

Commentaire :

Les journaux faisaient un jour l’éloge d’un sherpa tibétain dont les ascensions sur le sommet du monde, l’Everest, ne se comptaient plus. Avec ce récit de la Transfiguration, nous sommes entraînés par l’évangéliste Marc, sorte de sherpa spirituel, sur une des plus hautes cimes de l’union à Dieu.
Il est assez étrange que l’évangéliste de Jean dont nous avons entrepris la lecture dimanche dernier, Jean, réputé pour la précision de ses textes tant sur le plan historique que catéchétique, n’ait pas retenu ce récit de la Transfiguration que les Synoptiques rapportent en des termes sensiblement identiques (Lc.9:28-36; Mc 9:2-8 et Mt.17:1-8). Dans leurs catéchèses, le récit de la Transfiguration suit une première annonce de la passion. Sans mettre en cause la crédibilité de l’événement parce que Jean n’en souffle mot, notre intérêt est de savoir pourquoi les trois synoptiques l’ont inclus dans leur catéchèse : événement témoin ou parabole concernant l’avenir?

La Transfiguration, comme son Baptême dans les eaux du Jourdain, constitue l’un des grands moments dans la vie de Jésus Le récit de Marc offre quelques divergences notables avec Luc et Matthieu. D’abord l’attention se porte sur Jésus: Jésus monte sur la montagne pour prier où il y est transfiguré. L’entretien avec Élie et Moïse ne concerne que Jésus. Au terme de l’événement, Jésus encore se retrouve seul. La forme la plus ancienne du récit pourrait se lire comme suit dans ses grandes lignes : « Or, huit jours après, Jésus monta sur la montagne pour prier. Et comme il priait, l’aspect de son visage devint autre et son vêtement blanc. Et voici, deux hommes apparus en gloire, parlaient de son exode qu’il allait accomplir à Jérusalem. Or, Pierre et ceux qui étaient avec lui, restant quand même éveillés, étaient accablés de sommeil. Ils virent Jésus dans sa gloire et les deux hommes qui se trouvaient avec lui. Puis Jésus se retrouva seul. Mais les témoins eux se turent et n’annoncèrent à personne ce qu’ils avaient vu. »

Ce récit de la Transfiguration prend une allure contemplative tant au plan esthétique qu’au plan mystique. Marc le présente comme un moment essentiel dans la formation des disciples. Jésus monte sur la montagne et emmène avec lui trois de ses disciples. Ses vêtements deviennent incomparablement blancs. Une parole se fit alors entendre : « Celui est mon bien-aimé…» Les disciples furent tellement effrayés par la révélation qu’ils gardèrent le silence. Il n’était pas facile pour ne pas dire impensable pour un juif de formation monothéiste de penser que l’homme de Nazareth puisse être fils de Dieu.

Tout au long de l’évangile et de sa catéchèse, saint Marc tente de partager avec ses chrétiens quelques expériences inoubliables faites à l’ombre de Jésus : la vie contemplative de Jésus, son goût pour l’isolement et son intimité avec le Père, comme en ce jour de la transfiguration. Précédemment, au moment où Jésus baptisé se trouvait en prière, le ciel s’ouvrit et l’Esprit Saint descendit sur lui sous la forme d’une colombe, et du ciel vint une voix : «Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur. » Après la pêche miraculeuse et la guérison du lépreux, alors que des foules nombreuses accouraient de toute part, Jésus se retirait dans la solitude et priait. Avant de choisir les Douze, Jésus s’en alla dans la montagne et il passa la nuit à prier Dieu. Moult incidents de cette nature pourraient encore retenir notre attention, mais, avec Marc, gravissons la montagne de la Transfiguration, le Thabor.

Quel but semble poursuivre l’évangéliste dans ce récit de la Transfiguration ? Montrer Jésus en prière et dévoiler l’expérience mystique ineffable qu’elle engendre comme partie prenante de tout apostolat et essentielle à l’avènement du Règne de Dieu. Avec ce récit, nous pénétrons plus avant dans la vie intérieure de Jésus. La Transfiguration doit être rattachée à la vie mystique et humaine de Jésus, l’intensité de son union à Dieu. Nous aurions tout intérêt à comparer cette prière de la transfiguration, faisant corps avec deux annonces de la Passion, à celle de l’agonie. Grâce de transparence, nuit de clair-obscur où la gloire transparaît en son humanité. Les première et deuxième annonces de sa passion qui précèdent et suivent l’expérience de la Transfiguration ne sont pas sans donner le ton à ce récit.

La frayeur des disciples dénonce éloquemment notre réaction possible. Il était louable pour eux de vouloir faire durer l’expérience, mais à quel prix. Ils ne comprenaient certes pas, car cette fois encore, tous devaient être unanimes avec Pierre pour s’interposer entre Jésus et son destin de souffrir et de mourir. Il demeure, suite à l’expérience de Jésus et de nombre des nôtres, que « la nuée qui couvre de son ombre », i.e. la souffrance et la mort constitue un très haut lieu de prière. Mais pour y accéder, comme sur le sommet de l’Everest, il faut ample provision d’oxygène, i.e. d’habitudes de prières.

Nous assistons donc en ce récit à la transfiguration de l’humanité par la prière L’icône du Transfiguré anoblit à jamais jusqu’au visage humain le plus défiguré, toute vie humaine s’éclaire en Jésus. La grâce du Christ transfiguré rejaillit en d’innombrables transfigurations de nos souffrances par la prière.

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