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Le psalmiste,

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Le psalmiste

Mon âme soupire et languit. Le psaume 84

Imprimer Par Michel Gourgues

2 Que tes demeures sont désirables,
Seigneur Sabaot!
3 Mon âme soupire et languit
après les parvis du Seigneur,
mon cœur et ma chair crient de joie
vers toi, ô Dieu vivant.
4 Le passereau s’est trouvé un gîte
et l’hirondelle un nid pour ses petits :
tes autels, Seigneur Sabaot,
ô mon Roi et mon Dieu.
5 Heureux les habitants de ta maison,
Dans les siècles des siècles ils te louent;
6 Heureux les hommes dont la force est en toi,
qui gardent au cœur les montées.
7 Passant par le Val du Pleureur,
Ils en feront un lieu de source
(la première pluie le vêtira de bénédictions)
8 Ils marcheront de hauteur en hauteur,
Dieu leur apparaîtra dans Sion.

9 Seigneur Dieu, écoute ma prière,
prête l’oreille, Dieu de Jacob;
10 Dieu notre bouclier, vois,
regarde la face de ton Christ.
11 J’ai choisi : un jour dans tes parvis
en vaut pour moi plus que mille;
le seuil dans la maison de mon Dieu
plutôt que la tente de l’impie.
12 Car Dieu est rempart et bouclier,
il donne grâce et gloire;
Le Seigneur ne refuse aucun bien
à ceux qui marchent en parfaits.
13 Seigneur Sabaot,
heureux qui se fie en toi!
(Traduction : Psautier de la Bible de Jérusalem)

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier… ». Ces deux démarches qu’évoquera un jour une parabole de Jésus (Lc 18,10) sont bien celles qui se reflètent dans ce psaume : la montée au Temple dans la première partie (versets 2-8); la prière au Temple dans la seconde (versets 9-13).

Un psaume serein, confiant et joyeux d’un bout à l’autre, où le croyant s’adresse à Dieu en multipliant les appellations, telles qu’elles nous parviennent en traduction : « Seigneur Sabaoth » au début (v. 2) et à la fin (v. 13), « ô Dieu vivant » (v. 3), « ô mon roi et mon Dieu » (v. 4), « Seigneur Dieu » (v. 9), « Dieu notre bouclier » (v. 10).

Dans chacune des deux parties, aux v. 7-8 puis au v. 12 – les deux passages en retrait et en caractères droits dans le texte ci-dessus –, s’opère tout à coup un glissement du « tu » au « il » : « Dieu leur apparaîtra… » (v. 8), « Dieu est rempart et bouclier » (v. 12a), « le Seigneur ne refuse aucun bien » (v. 12b). Une variation qui, cependant, n’a pas l’air d’interrompre l’évocation d’une même expérience, celle du pèlerin s’acheminant petit à petit vers le Temple, puis, une fois parvenu au terme, comblé par la rencontre de son Dieu.

Destination  Temple (versets 2-8)

À vrai dire, le Temple n’est mentionné nulle part expressément comme point de destination. Mais ce ne peut être que lui, le Temple de Jérusalem, que désignent à la queue leu leu toutes ces expressions : « tes demeures », « les parvis du Seigneur », « tes autels », « ta maison », « tes parvis », « la maison de mon Dieu ». C’est bien là, en ce lieu privilégié de sa présence, qu’au terme du pèlerinage, « Dieu apparaîtra dans Sion » (v. 8). Et peut-être le verset 7, dont le texte est incertain, laisse-t-il entrevoir que ce pèlerinage est celui de la fête des Tentes. Ne peut-on y voir en effet une allusion à la première pluie d’automne qui changera en lieu de source la vallée asséchée du Pleureur? Située au sud-ouest de Jérusalem, c’est là la dernière étape par laquelle doivent passer des voyageurs en provenance de l’ouest, avant d’entreprendre, un peu épuisés, la montée abrupte qui, par degrés, « de hauteur en hauteur », les conduira enfin jusqu’au Temple. « Enfin, nos pas s’arrêtent », proclamera un autre psaume de pèlerinage (Ps 121,2)

« J’ai désiré d’un grand désir… »

Encore une expression qu’emploiera le Jésus de Luc (22,15) dans un autre contexte. Ne peut-elle rendre compte du climat qui traverse toute la première partie du psaume? En marche, tout tendu extérieurement dans sa montée vers Jérusalem, le pèlerin fait part en même temps de la soif intérieure et de la tension spirituelle qui l’habite. D’un verset à l’autre, il est question de désir, de l’âme qui soupire et qui languit, du cœur qui ne peut se retenir de crier de joie vers Dieu.

Chemin faisant, le pèlerin, venu de loin sans doute, se prend à envier le bonheur de ceux qui peuvent fréquenter assidûment le Temple, « les habitants de ta maison » qui peuvent en permanence y offrir la louange (v. 5). Comme l’hirondelle ou le passereau accrochant leur nid à quelque corniche du sanctuaire (v. 4), il souhaiterait pouvoir habiter en permanence dans la maison de Dieu, tant est grande la soif qu’il éprouve de sa présence. Mais voilà qu’il se reprend aussitôt : « Heureux ceux dont la force est en toi, qui gardent au cœur les montées » (v. 6). L’important n’est-il pas que soit maintenue bien vivante la confiance en Dieu et l’aspiration intérieure à le rencontrer, où que cela puisse se faire?

Un jour dans tes parvis…

Le pèlerin se sait de passage : il ne pourra guère prolonger son séjour à Jérusalem. Mais qu’importe? « Un jour dans tes parvis en vaut pour moi plus que mille » (v. 11). Une fois parvenu au Temple, il joint sa prière à celle de tout le peuple : « prête l’oreille, Dieu de Jacob ». Sa supplique, en ce lieu de la prière commune, passe du « je » au « nous » et le voilà qui, avec la communauté, prie pour celui qui, à la tête du peuple, a été marqué de l’onction royale : « Dieu, notre bouclier, vois, regarde la face de ton Christ » (v. 10).
 
Finalement, avons-nous l’impression, ce passage au Temple devient pour le priant du psaume l’occasion de renouveler une option qu’il a déjà faite, de réaffirmer l’orientation fondamentale qu’en tant que croyant il a décidé de donner à son existence : « le seuil de la maison de mon Dieu plutôt que la tente de l’impie » (v. 11). Raffermi dans sa confiance en Dieu, il continuera de poursuivre le même idéal : être de « ceux qui marchent en parfaits » (v. 12).

« Voici que nous montons à Jérusalem »

Un itinéraire à la fois géographique et spirituel, une montée à la fois extérieure et intérieure aboutissant à l’affermissement de la relation à Dieu et du projet de vie embrassé en son nom. Pour des chrétiens qui le font leur, ce psaume ne peut pas ne pas évoquer en même temps un autre itinéraire, dont la seconde partie de l’évangile de Luc en particulier retrace de proche en proche des étapes semblables: « Voici que nous montons à Jérusalem », « comme il faisait route vers Jérusalem », « quand il fut proche, à la vue de la ville », « puis il entra dans le Temple », « et il disait : ” Non pas ma volonté, mais la tienne  “», « s’étant prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le Temple à louer Dieu ».

Michel Gourgues, o.p.

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