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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

2e Dimanche du Carême. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Assentiment ou refus ?

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».

Commentaire :

Quel sens donner à la Transfiguration dans l’évangile de Marc ? Il semble que pour ce dernier, l’événement soit d’importance, plus encore que pour Matthieu et de Luc. Une chose semble indiscutable, le récit occupe très exactement le centre de l’œuvre, charnière entre les huit premiers chapitres et les huit derniers. Pour qui a « fréquenté » un tant soit peu l’église marcienne, il ne fait aucun doute que Marc pose avant tout la question de savoir « qui est Jésus », pour tenter une réponse en second lieu. Tout est ici enseigné dans le cadre de ce que nous pourrions concevoir comme la formation des disciples. Rappelons une fois encore : pour bien lire l’évangile, il importe toujours de prendre place parmi les auditeurs de la primitive Église et d’épouser leurs problèmes et leurs grands questionnements.

Avant tout, « en commençant », Marc tient à bien distinguer Jésus du Baptiste. Et une fois décrite l’épreuve de sa mission avec les tentations au désert, l’évangéliste lance Jésus et ses disciples sur les routes de Palestine : « Il enseignait avec autorité », nous révèle-t-il, ce qu’il exprimait non par des mots, mais par des signes, les miracles. Marc en rapporte dans cette seule première partie, 8 des 14 que comporte son évangile. Ces triomphes fulgurants, Jésus les remporte sur les puissances du mal opposées à l’avènement du Règne de Dieu en ce monde, son règne. En tout premier lieu, Satan, l’ennemi est renversé ; puis l’excommunication, mise au ban, marginalisation désignée par la lèpre et ses conséquences, et enfin, le péché, source de tous les maux.

Chaque fois que Jésus faisait ainsi reculer la royauté de Satan en ce monde, il imposait le silence. Jésus ne tient à ce qu’on le prenne pour ce qu’il n’est pas : un thaumaturge, un père Noël ou un papa gâteau. Sa mission consiste à établir ici-bas un royaume de paix, de justice et d’amour, et à restaurer en l’homme sa beauté originelle. Sera-t-il jamais ainsi perçu ? Ses disciples le comprendront-ils ?

Un jour, à l’écart, Jésus pose aux siens la question : « Qui dit-on que je suis ? » Puis quelques temps après, il est transfiguré devant eux. Il révélait ainsi l’efficacité de sa mission, l’objectif de son enseignement : transfigurer l’homme défiguré par la royauté de Satan et la malice des humains. L’enivrement des trois disciples à cette vue est on ne peut plus légitime. Pierre aurait bien souhaité perpétuer la situation : « Dressons-y trois tentes ». Mais ce que Marc permet de revivre à ses disciples en formation est suivi d’une mise en garde de Jésus et les trois annonces de la passion qui vont suivre. C’est la consternation : « Non, dit Pierre, cela ne sera pas ainsi !». Et Jésus de le réfuter avec des propos identiques à ceux du désert : « Arrière Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu ».

Pour mieux saisir le sens de l’événement, rappelons-en les détails. Ainsi que Moïse monta au Sinaï avec trois compagnons (Ex. 24,1-9), Jésus privilégie trois des quatre premiers disciples appelés à le suivre (1,16-20), il les amène seuls, à l’écart. Nous retrouverons les trois même chez Jaïre (5,37) ainsi qu’au jardin de Gethsémani. (14,33). Ils auront alors un avant-goût de Jésus mort et ressuscité et non moins de l’humanité sauvée. Tel est l’intime secret de Jésus révélé aux disciples. L’apôtre Pierre croyait l’instant suprême arrivé, signe de la visite de Dieu venant habiter parmi son peuple. Il propose donc une installation définitive. « Il ne savait que dire tant était grande leur frayeur».

« De la nuée une voix se fait alors entendre : écoutez-le ! » Cela rappelle l’avis de Moïse au peuple : « C’est un prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu de toi, d’entre tes frères ; c’est lui que vous écouterez. » (Dt. 128,15) L’invitation venue du ciel constitue un élément d’importance. Mais cet avis porte davantage sur l’avenir, c’est-à-dire l’annonce de la mort prochaine et le passage par la croix. Car la véritable transfiguration, celle qui nous manifestera la vraie nature de Jésus, c’est la manifestation de la croix : « Cet homme vraiment était le fils de Dieu », proclame le centurion.

Tel doit être le sens et la portée du récit dont Marc fait la charnière de sa « Bonne Nouvelle ». Saurons-nous comprendre ou nous y opposerons-nous ? Quelle sera notre réaction de foi ?

Assentiment ou refus ?

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