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Une demi-tasse de poésie

Imprimer Par Denis Gagnon

Ma chère Marjolaine,

Ce matin, pendant que tu mangeais tes céréales de blé entier, ton sac d’école finissait sa nuit près de la porte d’entrée. Il ne ronflait pas fort mais tu savais qu’il roupillait innocemment, sans crainte, sans angoisse. Tu admirais sa sérénité d’autant plus que l’inquiétude t’avait tenue éveillée une grande partie de la nuit.

À quoi songeais-tu pendant que la lune jetait un oeil sur toi par le rideau entrouvert? Pensais-tu à la grande dame gentille qui allait t’initier aux joies de l’écriture au cours des prochains mois? Te demandais-tu si tu allais rencontrer de nouveaux amis parmi tous les visages sans nom que tu as vus à la rentrée? Le regard du directeur de l’école t’impressionnait-il encore en mêlant en toi la peur et la confiance? La perspective d’un automne bouleversé par les négociations des enseignants avec le Gouvernement semait-elle en toi l’angoisse de te retrouver parmi de dures manifestations syndicales?

Ma chère enfant, te voilà plongée dans le monde gigantesque des adultes avec la perspective de quitter progressivement le pays merveilleux de l’enfance. Tu t’engages sur une route où les fées et les lutins t’abandonneront. Tu deviendras rationnelle, réaliste, raisonnable. C’est important la rationalité, mais la fantaisie a aussi ses charmes. La maturité ressemble trop souvent à un réfrigérateur. Elle est pleine de bonnes choses, des choses excellentes pour la santé d’un être humain. Mais c’est si bon, une pomme qu’on vient de cueillir sur l’arbre. Sa saveur dépasse infiniment celle d’un fruit réfrigéré dans un tiroir depuis trois jours.

Ma chère petite, ne quitte pas trop vite le pays de tes rêves. N’abandonne pas trop rapidement ta poupée, la vieille robe que maman t’a donnée pour jouer aux mariés, et la chanson du petit pirate, et les trois canards en plastique de ta basse-cour. Garde un peu de fantaisie pour les jours où le raisonnable voudra tout bouffer de ton bonheur et de ta créativité. Il ne sait pas, lui, qu’il a besoin de l’imagination pour aller jusqu’au bout de ses raisonnements. Il ne sait pas aussi que la recette de la vraie vie et du vrai bonheur comprend au moins une demi-tasse de poésie et deux cuillerées de paroles qui n’ont pas été réfléchies.

Ma chère Marjolaine, en réveillant ton sac d’école, donne-lui à croquer un petit caillou, le plus rond et le plus poli que tu trouveras. En le voyant, peut-être que ton livre de lecture bougonnera, mais tes crayons se mettront à rire et ton cahier de dessin jubilera en découvrant ce nouveau compagnon.

Bonne journée, Marjolaine.

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