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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

5e Dimanche du Carême. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Foi et tension

…Donc, les deux soeurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » Apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa soeur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que ce dernier était malade, il demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait ; alors seulement il dit aux disciples : « Revenons en Judée »… Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà … Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection.» Jésus lui dit : « Je suis, moi, la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » … Jésus demanda alors : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Viens voir, Seigneur. » Alors Jésus pleura. Les Juifs se dirent : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus arriva au tombeau, une grotte fermée par une pierre. Ils dit alors : « Enlevez la pierre. » Marthe, la soeur du mort, lui dit : « Mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais si j’ai parlé, c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, pieds et mains liés et le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui.

Commentaire :

Le dernier ennemi vaincu, c’est la mort » proclamait l’apôtre Paul (1 Co. 15 : 26). Avec la résurrection de Lazare, Jésus selon Jean met un terme à sa vie publique. Ce sera également le prélude à sa Passion. Jésus offre ce miracle comme un dernier signe de la Lumière qu’il apporte, mais « les Juifs ont mieux aimé les ténèbres que la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn. 3 :19). L’évangile de Jean, ne l’oublions pas, est l’évangile de la foi en Jésus, Lumière des hommes, envoyé par le Père, ce que beaucoup, outre les Juifs, ont refusé et refusent encore.

Avec la résurrection de Lazare, la tension est à son comble. « Si tu es le Christ, clame-t-on, dis-le-nous clairement » (10 : 24). Alors, pour toute réponse, Jésus ressuscite Lazare.

Nous sommes au village de Marthe et Marie : la première, femme très active et empressée, la seconde, plus contemplative, habituée sans doute à se faire bousculer par sa sœur. Lazare, leur frère, moins connu des lecteurs, est l’ami de Jésus ; les larmes versées à son tombeau soulignent assez cette amitié. À l’annonce de la maladie, Jésus tarde à se rendre à son chevet. La volonté du Père préside toujours aux décisions du Fils : rappelons-nous la Fête des Tentes (7 : 8-10) et la prière de Marie aux noces de Cana (Jn 2 : 1-3). Comme il le dit souvent, Jésus agit « à son heure », sans jamais brusquer les événements du salut. (7 : 30 ; 8 : 20). Cette maladie, précise-t-il, est pour la gloire de Dieu (11 : 4). Jésus sait bien que la résurrection de Lazare sonnera l’heure de sa condamnation à mort et de sa propre glorification. Au moment de se rendre au chevet de Lazare, il dit : « Notre ami Lazare repose ; je vais aller le réveiller ». Dans le Nouveau Testament, les morts dans la foi au Christ ne sont qu’endormis : « le Christ ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis, les amènera avec lui » enseigne l’apôtre Paul (1 Co. 15 : 20 et 1 Th. 4 : 14). Voilà qui explique la joie de Jésus (32-36) et sera pour lui l’occasion de se révéler comme la « Résurrection et la Vie ».

Jésus arrive donc à Béthanie. Lazare y est enseveli depuis quatre jours, quatre jours qu’il est mort. Nombreux sont les Juifs venus compatir à la douleur des sœurs. Alors Marthe de lui reprocher : « Si tu avais été là…» Quelle différence entre sa foi et celle du centurion : « Seigneur, dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri » (Mat. 8 : 5), inutile de descendre. Pour Marthe au contraire, il faut la présence du Maître et sa puissance miraculeuse. Jésus tente de la consoler : « Ton frère ressuscitera », mais Marthe n’en saisit le sens que selon la tradition juive, la résurrection au dernier jour. Et Jésus de déclarer : « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais ». Nous sommes déjà, par la foi, entrés dans la vie éternelle, dès maintenant nous vivons de cette vie. La mort n’est plus une vraie mort. Lazare, annonce notre propre résurrection en cette vie par la foi en Jésus. La réponse de Marthe témoigne d’une foi pure comparable à celle de Marie à l’annonciation : « Qu’il me soit fait selon ta parole ».

On s’amène donc au lieu de la sépulture. Jésus se manifeste alors comme l’un de nous, l’émotion le gagne ; il s’y révèle également comme Fils de Dieu dans son abandon sans mesure au Père. Sa prière est à ce point confiante qu’elle devient action de grâce. Que de leçons pour nous, pauvres humains ! Marthe manifeste alors le dernier relent d’une foi immature : « Il sent déjà », dit-elle. Mais Jésus de reprendre : « Ne t’ai-je pas dit : si tu crois…» Alors Jésus commande à la mort comme il l’avait fait pour le vent et la mer (Mat. 8 : 26-27). Qu’importe si le mort sorte du tombeau pieds et mains liés comme une momie, la mort n’a plus aucune puissance devant Jésus. Au tombeau de la Résurrection, les femmes trouveront la pierre roulée et les bandelettes pliées et mises à part.

Jean termine : « Beaucoup crurent en lui ». Dernier verset d’un long récit dont les précédents ne constituaient que la préparation, la « mise en pli » de la foi. Jésus est sans contredit le personnage-clé de la scène et les dialogues qui étoffent le récit ne font que donner sens à son action. L’objet de ce geste n’est nul autre qu’un rappel de la foi, le verbe croire s’y trouve huit fois. Jésus fera le miracle pour que le monde croit en lui et qu’il ait la vie éternelle dès ici-bas. Cette page d’évangile nous ramène sur des lieux historiques où chacun doit alors se demander : « Crois-tu ? » et se retrouver avec Marthe et Marie dans une tension spirituelle entre foi et raison. N’attendons pas une sorte d’épanouissement total de l’être au dernier jour de notre histoire, n’oscillons plus entre un « déjà » et « un pas encore ». Paul dans les derniers jours de sa vie écrivait cette confession inoubliable : « Une seule chose me préoccupe : oubliant le chemin parcouru, je tend de tout mon être vers ce qui s’ouvre devant moi, je cours vers le but. » ( Phil. 3 : 12-14)

Parole et vie

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