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Une dictature ou un chemin d’humanisation?

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

La religion est une aberration en soi. […] Je trouve que la religion est un des grands fléaux de ce monde. Bush se targue lui-même d’être un fondamentaliste chrétien et on voit où ce genre de restriction mentale mène. On voit bien que la religion est une dictature de la pensée, contrairement au théâtre, par exemple, où l’on prône la pensée libre.» C’est un artiste québécois qui s’exprime ainsi dans un journal montréalais en ce dimanche (que j’appelle encore le «Jour du Seigneur»!)

Deux jours auparavant, un jeune couple discute en ma présence de l’enfant qu’il rêve d’avoir. Elle: «Vas-tu accepter que je lui fasse faire sa prière avant de dormir?» Lui: «Tu pourras lui parler de Jésus comme tu le feras du petit chaperon rouge. Mais je ne veux pas que tu lui dises que c’est vrai!» J’interviens pour faire expliciter la pensée du futur papa. «La religion déclenche les guerres et nourrit les terrorismes, me dit-il. Tu vois ce qui arrive en Irak, à Jérusalem, dans plusieurs régions de l’Afrique!»

C’est vrai que la religion peut susciter la violence, la guerre, la terreur. Tout est possible avec la religion: les pires maux comme le bien le plus sublime, les haines les plus atroces comme l’amour le plus désintéressé. L’artiste croit que la religion est «une dictature de la pensée»; le Christ proclame: «La vérité vous rendra libres»! Certains, comme les Américains, invoquent le «Dieu des armées» pendant que d’autres prient le «Dieu désarmé». Il y a quelques années, le commandant en chef des armées d’Israël affirmait trouver dans la Bible les bonnes stratégies militaires qui garantissent la victoire sur l’ennemi (y compris les méthodes de torture!). En 1996, pas très loin du commandant, en Algérie plus précisément, un moine s’attend d’être assassiné par des extrémistes musulmans. Dans son testament, il écrit: «Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec lui ses enfants de l’Islam tels qu’il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruit de sa passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences. Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette joie-là, envers et malgré tout.» (Christian de Chergé, «Un “À-Dieu” d’Alger. Testament d’un moine assassiné récemment en Algérie», dans Le Devoir, 31 mai 1996, p. A9)

Si la religion peut servir les intérêts des dictateurs et des sadiques, ne vaudrait-il pas mieux la combattre et tuer dans l’oeuf tout germe de haine? Si la religion est à la source de la violence et l’encourage, ne serait-il pas plus sain de la faire disparaître? Quelqu’un me disait: «Ce serait la meilleure solution!» Et il ajouta, comme pour me consoler: «Tu trouveras bien dans d’autres sagesses le bien que tu trouves dans la religion!»

C’est vrai que nous pouvons trouver le bien ailleurs que dans la religion. Mais je ne crois pas d’abord pour trouver le bien. Je crois pour arriver à Dieu. Et j’accepte le défi de chercher Dieu, malgré tous les risques de dérive. Je crois en Dieu et je suis persuadé que Dieu croit en moi. Je crois que Dieu ne peut pas être autre chose qu’amour et communion, source d’amour, source de communion! Je crois que Dieu est convaincu que le bien est plus fort que le mal dans chaque être humain.

Je ne crois pas que Dieu puisse vouloir la haine de qui que ce soit. Et malgré son silence devant les horreurs des guerres et des terrorismes, je crois que Dieu veut pour chaque être humain non seulement un certain bonheur de vivre, mais une vie pleine et harmonieuse, une vie féconde qui a du sens, une vie partagée avec les autres. Je crois que nous sommes autre chose que des ennemis les uns devant les autres.

La logique peut nous conduire à biffer la religion pour sauver l’humanité. Mais, au delà de toute logique et de toute sagesse, je crois plutôt qu’il nous faut relever le défi de vivre l’itinéraire de la foi avec la conviction qu’il est fondamentalement source d’humanisation et chemin vers la paix, l’amour, la réconciliation. Puisqu’il conduit à Dieu.

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