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Pardonner, à quel prix?

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Nadine Trintignant peut-elle pardonner à Bernard Cantat? Les parents des victimes des attentats à Madrid peuvent-ils pardonner aux terroristes d’Al-Qaïda qui ont fait sauter des bombes dans la capitale espagnole? Les Palestiniens peuvent-ils fermer les yeux quand les Israéliens les isolent derrière un mur? Les veuves ou les veufs des victimes des tours à New York sont-ils obligés d’embrasser Oussama Ben Laden? Les morts d’Irak doivent-ils être vengés ou doit-on pardonner à leurs assassins?

Nadine va-t-elle trahir sa Marie si elle pardonne? Les victimes des terroristes à Madrid ou à New York seront-elles moins aimées si leurs parents pardonnent? Le pardon n’est-il pas une façon d’encourager les bourreaux à recommencer leur sale boulot? Ne ferme-t-on pas les yeux sur le mal en pardonnant? N’est-on pas en train d’approuver la méchanceté ou la haine? Justice est-elle faite quand on pardonne?

J’ai rencontré des gens profondément blessés par d’autres gens. Certains m’ont dit: «Je suis obsédé par ce malheur. Je n’arriverai jamais à m’en sortir. J’ai un compte à régler avec mon agresseur. Au moins clarifier la situation. J’ai besoin de lui parler, ne serait-ce que pour demander: pourquoi? Je n’en peux plus de ruminer de l’aigreur et cette perpétuelle tentation de frapper, de faire violence. Je ne peux plus supporter l’envie de me venger en rendant à l’autre la monnaie de sa pièce.» Ces témoignages conduisent, la plupart du temps, à la conclusion: «Seul le pardon me guérira vraiment de ce qui est arrivé»!

Pardonner pour s’en sortir… Pardonner pour libérer le lourd poids qui pèse intérieurement et qui continue de briser la victime. Mais pardonne-t-on vraiment quand on se sent obligé? Le pardon n’est-il pas une déclaration d’amour? N’est-il pas une guérison de la haine et, partant, la résurrection de l’amour?

Avant de parvenir à l’amour, la victime a besoin de faire la vérité. De parler de ce qui s’est passé… De clarifier… La principale tâche du processus de pardon ne consiste-t-elle pas à regarder la réalité en face, de l’apprivoiser même? Il ne s’agit pas de transformer l’horreur en banalité, mais de porter un regard qui cherche lucidement à démêler l’écheveau. Dérouler devant soi le film de l’horrible non pas pour justifier le geste en reconnaissant les mécanismes conscients ou inconscients qui ont poussé l’autre à mal faire et finalement offrir de la pitié à l’adversaire. Encore moins de négocier ou de marchander comme il arrive en politique quand on parvient à s’arranger en fermant les yeux sur le passé. Regarder pour prendre une distance, objectiver, embrasser l’ensemble du paysage, cerner complètement l’orage.

Une chose est sûre: il faut intervenir. Quand quelqu’un nous blesse, il ne faut pas nous imaginer que tout va s’arranger en laissant faire. La haine ne s’écoule jamais de la blessure sans une intervention courageuse et de la victime et de son agresseur. Un geste malheureux a été voulu et a été posé. Il a brisé une relation. Celle-ci ne peut être guérie que par une nouvelle relation. Un autre geste voulu doit être posé. L’agression a créé une dépendance, une chaîne qui emprisonne les deux personnes. Il faut que cette dépendance se transforme en liberté pour que la paix revienne et s’installe à demeure.

Le pardon semble souvent inaccessible. Plus la blessure est profonde, plus le pardon a besoin du courage pour arriver au bout de lui-même. Pour qu’amour et vérité se rencontrent et que justice et paix s’embrassent, il faut parfois accepter de parcourir un chemin, étroit, cahoteux, sinueux. Long chemin qui demande une grande persévérance si on veut parvenir à la plaine verdoyante.

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