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De neuf heures à midi!

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

euf heures. La longue procession des automobiles et des autobus s’effrite. La circulation se décongestionne. La marée humaine s’écoule entre les édifices de la ville. On dirait de l’eau qui s’échappe entre les doigts quand nous cherchons à la recueillir dans le creux de la main. Après l’ouverture des bureaux et des usines, il ne reste presque plus personne sur la rue, quelques gouttes de la population qui rentre au travail plus tard ou ne rentre pas.

Entre neuf heures et midi, la ville se divise entre les gens qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Trois heures de boulot ou trois heures d’inactivité. Trois heures de productivité ou trois heures à ne rien faire ou presque…

Pendant que la plupart besogne, certains sont désoeuvrés. Parmi ceux-ci, il y a des chanceux. Ils sont en congé ou à la retraite. Ils méritent bien de ne rien faire. Farniente. Doux plaisir de goûter les heures, de s’arrêter pour contempler un rayon de soleil dans l’encoignure de la porte. Doux plaisir de s’asseoir sur un banc public et de regarder passer les piétons et les automobilistes. Doux plaisir d’écouter de la musique ou de siroter un café.

À côté de ces chanceux, il y a les malchanceux. Ils ne sont ni à l’usine ni au bureau parce qu’ils sont en chômage ou parce qu’ils sont malades. Habituellement, ils avalent mal la pilule. Ils souffrent souvent plus de leur désoeuvrement que de l’absence de source de revenu. Souvent, ils ont l’impression d’être un poids pour la société. Ils voudraient apporter leur contribution au devenir de la cité ou simplement pouvoir rendre service à leurs semblables.

Il y a aussi les paresseux. Je ne serai pas très élogieux à leur endroit. Je ne veux pas accorder toutes les médailles d’honneur au travail et à la productivité, mais la paresse est «la mère de tous les vices», répète le dicton. Et il n’a pas tort. Le paresseux vit au crochet des autres. Rien de bien valorisant. Le paresseux profite sans participer au grand chantier humain.

Mais ne nous attardons pas sur les paresseux. Vite, tournons la tête du côté des usines, des boutiques, des chantiers, des bureaux, des écoles et tous ces endroits où les fourmis humaines besognent. La création y est en travail d’enfantement. La nature se métamorphose grâce au génie humain, à l’inventivité et au talent créateur de milliers d’équipes d’hommes et de femmes.

Menuisier, merci pour la table que tu m’as fabriquée sans même me connaître. Couturière, merci pour le vêtement qui me réchauffe et me va bien. Professeur, merci pour les pas que tu m’as aidé à faire au royaume de la connaissance. Chercheurs, merci pour la découverte qui améliorera ma santé. Merci à vous, travailleurs et travailleuses. Sans vous, que ferais-je? Où puiserais-je mon bien-être? Comment pourrais-je combler mes besoins les plus fondamentaux? Merci pour votre service, pour votre solidarité.

À dix heures trente ou aux alentours, n’oubliez pas la pause santé. Vous le méritez bien. Ne la négligez pas autant que possible. C’est là que peut se nourrir la fraternité que le travail a fait naître. Temps de bonnes conversations ou temps de frivolité, peu importe. L’odeur du café, la musique de vos voix, une certaine distance par rapport au travail, tout peut vous aider à reprendre l’ouvrage avec ardeur. Peut-être même avec une solution pour un problème qui vient de surgir sur l’établi ou qui s’est échappé d’un dossier. Mais rappelez-vous ce mot d’Antoine de St-Exupéry: «Le temps gagné sur le travail, s’il n’est point simple loisir, détente des muscles après l’effort ou sommeil de l’esprit après l’invention, n’est que temps mort. Et tu fais de la vie deux parts inacceptables: un travail qui n’est qu’une corvée à quoi l’on refuse le don de soi-même, un loisir qui n’est qu’une absence.» (Citadelle Paris, Gallimard, 1948, p. 221)

Le travail est producteur. Il veut produire des biens de consommation et des services publics. Mais ce qu’il produit de mieux, c’est la solidarité, l’entraide fraternelle, la participation à une oeuvre commune, la construction de la cité. Le travail ne peut rendre heureux que s’il est perçu comme un partage avec les autres, comme une source de communion entre les humains.

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