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Méditation chrétienne

La lumière qui sauve ( Oraison VIII )

Imprimer Par Sainte Catherine de Sienne

Catherine Benincasa naquit dans une famille de teinturiers. Elle se consacra très jeune à Dieu et à l’âge de quinze ans entra chez les sœurs de la Pénitence de saint Dominique (tiers ordre). Auteur mystique (le Dialogue, les Oraisons), elle intervint publiquement dans la vie de l’Église en demandant au pape Grégoire XI de quitter Avignon pour Rome, puis en luttant pour mettre fin au grand schisme d’occident. Elle fut proclamée docteur de l’Église en 1970 et co-patronne de l’Europe en 1999.

Ô Dieu éternel. Dieu éternel, aie pitié de nous. Et si tu dis, haute et éternelle Trinité, que la pitié, qui est germe de la miséricorde, t’est propre — parce que la miséricorde t’est propre, laquelle n’existe pas sans la pitié, puisque par pitié tu as miséricorde de nous — je le déclare, parce que uniquement par pitié tu as donné le Verbe, ton Fils, à la mort pour notre rédemption, et cette pitié procédait de la source de l’amour avec lequel tu avais créé ta créature. Et parce qu’elle te plaisait beaucoup, comme elle avait perdu la robe de l’innocence, toi, tu la revêtis de ta grâce, la ramenant à son premier état ; tu ne lui ôtas pourtant pas le pouvoir d’offenser, mais tu lui conservas le libre arbitre et la loi perverse qui toujours lutte contre l’esprit ; et cette loi, si on la suit, elle rend apte à tomber dans le péché.

Puisque tu es, Dieu éternel si pitoyable, d’où vient que l’homme est si cruel contre lui-même ? Car il ne peut avoir plus grande cruauté que de se tuer lui-même avec la faute du péché mortel. Il est pitoyable à sa sensualité et avec cette pitié il exerce une grande cruauté contre son âme et contre son corps, parce que le corps du damné sera puni en même temps que son âme. Je vois que cela procède du manque de lumière, par lequel il n’a pas connu ta pitié envers nous, où tu montres que ta pitié ne servirait à rien à l’homme sans pitié. Par là se manifeste que tu as créé l’homme sans lui, mais sans lui, tu ne veux pas le sauver. Tu veux, miséricordieux et pitoyable Père, que l’homme considère ta pitié démesurée envers nous, afin qu’il apprenne à être pitoyable d’abord à lui-même et puis à son prochain, comme dit le glorieux Paul : « Toute charité commence par soi-même. » Ainsi tu veux que l’âme considère ta pitié, pour qu’elle se dresse loin de sa cruauté et prenne la nourriture qui doit la nourrir et lui donner la vie.

Ô Dieu éternel, ô feu et abîme de charité. Ton œil est sur nous, et afin que ta créature voie qu’il en est ainsi, c’est-à-dire que tu as posé sur nous les yeux de ta pitié et de ta miséricorde, ou les yeux de ta justice, selon nos opérations, tu lui as donné l’œil de l’intelligence afin qu’elle voie ; Il apparaît manifestement que tout mal nous suit d’être privé de la lumière, et tout bien nous suit par la lumière, parce qu’on ne peut aimer ce qu’on ne connaît pas, et on ne peut connaître aucune chose sans la lumière. Ô Dieu éternel, ô pitoyable, ô miséricordieux Père, aie pitié et miséricorde de nous, parce que nous sommes aveugles, sans aucune lumière, et plus que tous moi, pauvre misérable, et aussi toujours j’ai été cruelle envers moi-même. Avec cet œil de pitié avec lequel tu as créé nous et toutes les choses, considère la nécessité du monde et y pourvois. Tu nous as donné l’être de rien, éclaire donc cet être qui est tien. Tu nous as donné au temps du besoin la lumière des apôtres ; maintenant en ce temps où nous avons le plus grand besoin de lumière, ressuscite un Paul qui illumine le monde ; avec le voile de ta miséricorde ferme et recouvre l’œil de ta justice, et ouvre l’œil de la pitié, avec le lien de la charité, lie-toi toi-même, et apaise ta colère.
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Ô douce et suave lumière, ô principe et fondement de notre salut, parce que avec ta lumière tu as vu notre nécessité, en cette lumière nous voyons ton éternelle bonté, et la connaissant nous l’aimons, ô union et lien de toi créateur avec la créature, et de la créature avec toi créateur. Avec le cordon de la charité tu l’as liée, et avec ta lumière tu lui as donne la lumière d’où, si elle ouvre l’œil de l’intelligence avec la volonté de te connaître, elle te connaît, parce que ta lumière entre en toute âme qui ouvre la porte de sa volonté parce qu’elle se tient à la porte de l’âme, et à peine lui est-elle ouverte, elle entre à l’intérieur ; tout comme le soleil qui frappe à la fenêtre fermée et dès qu’elle est ouverte entre à l’intérieur de la maison. Ainsi il faut que l’âme ait la volonté de connaître et avec cette volonté ouvre l’œil de l’intelligence, et alors, toi, vrai soleil, tu entres dans l’âme et l’illumines de toi.

Et lorsque tu es entré, que fais-tu, lumière de pitié dans l’âme ? Tu en chasses la ténèbre et lui donnes la lumière, tu en retires l’humidité de l’amour propre et il reste le feu de ta charité, tu fais le coeur libre parce qu’il a connu quelle liberté tu lui as donnée en le retirant de la servitude du démon en laquelle l’humaine génération était tombée par sa cruauté, elle hait la cause de sa cruauté, c’est-à-dire la pitié pour sa propre sensualité, et alors elle devient pitoyable à la raison et cruelle contre la sensualité enfermant les puissances de l’âme. Elle ferme la mémoire aux misères du monde et aux vains plaisirs, en ôtant volontairement leur souvenir, et l’ouvre à tes bienfaits, s’en souvenant avec une affectueuse sollicitude ; elle ferme sa volonté en sorte qu’elle n’aime aucune chose hors de toi, mais t’aime, toi, au-dessus de toute chose, et toute chose en toi selon ta volonté, et ne veut que te suivre toi. Alors elle est vraiment pitoyable à soi, et de même qu’elle est pitoyable à soi, elle est pitoyable à son prochain en disposant de donner la vie de son corps pour le salut des âmes. En toute chose, elle exerce la pitié avec prudence parce qu’elle a vu avec quelle prudence tu as exercé en nous tous tes mystères.

Toi, lumière, tu fais le cœur pur et non double, large et non étroit, tant qu’y entre toute créature douée de raison en élan de charité ; avec une charité ordonnée elle cherche le salut de tous, et parce que la lumière n’est pas sans prudence et sagesse, elle dispose son corps à la mort pour le salut des âmes de son prochain, et elle offre son âme sans faute — car il n’est pas permis à l’homme de commettre la plus petite faute pour sauver le monde entier, si cela lui était possible, parce que pour l’utilité de la créature, qui n’est rien pour soi, on ne doit offenser le Créateur qui est tout bien — mais pour le corps du prochain elle offre sa substance temporelle. Ce coeur est tellement ouvert qu’il n’a feinte pour personne, mais chacun peut le comprendre car il ne montre pas une chose en face et en paroles en en ayant une autre au-dedans. Celui-ci montre vraiment qu’il s’est dépouillé du vieux vêtement et a mis le neuf, celui de ta volonté. Ainsi notre cruauté, Père éternel, vient de ce que nous ne voyons pas ta pitié que tu as eue pour nos âmes en les rachetant avec le précieux sang de ton Fils unique.

Tourne, Père miséricordieux, tourne l’œil de ta pitié sur ton épouse et sur ton vicaire ; cache-le sous l’aile de ta miséricorde afin que les iniques orgueilleux ne puissent lui nuire, et à moi accorde la grâce de verser mon sang et la moelle de mes os dans ce jardin de la sainte Église. Si je regarde en Toi, je vois qu’aucune chose n’est cachée à ton œil ; cela, ne le voient pas les hommes du monde dans l’obscurité du nuage de l’amour-propre, car s’ils le voyaient ils ne seraient pas si cruels pour leurs âmes mais dans ta pitié ils deviendraient pitoyables. La lumière nous est donc nécessaire, et moi de tout mon coeur je te supplie de la donner à toute créature douée de raison. Dans le Verbe tu as exercé pitié et justice, justice sur son corps, et pitié sur tes créatures. Ô bonté infinie, comment ne fond pas le coeur de l’homme et comment mon coeur ne sort-il pas par ma bouche ? Parce que le nuage a obscurci l’œil de mon esprit qui ne te laisse pas, mon âme, voir cet ineffable pitié. Quel père fut jamais, qui donnât pour son serviteur, son propre fils à la mort ? Toi seul, Père éternel ; notre chair dont tu revêtis le Verbe souffrit, et nous en recevons le fruit, si nous le voulons. Ainsi tu veux que pâtisse notre sensualité afin que notre âme reçoive le fruit en toi. Ô doctrine fondée en vérité ! C’est pourquoi ta Vérité a dit : « Je suis voie, vérité et vie. » Si nous voulons suivre ta pitié, il nous faut, cela est dû, aller par cette voie, par laquelle tu es allé par grâce. Je m’en appelle à toi, Vérité éternelle, fais justice de moi qui suis cruelle pour mon âme et pitoyable pour ma sensualité.

Peccavi Domino, miserere mei.

Ô pitoyable cruauté qui piétine la sensualité en ce temps fini pour que tu exaltes l’âme en l’éternité ! D’où procède la patience ? D’où la foi, l’espérance et la charité ? De la pitié qui engendre la miséricorde. Qui détache l’âme d’elle-même et la lie à toi ? Cette pitié acquise avec la lumière. Ô aimable pitié, ô pitié qui es un onguent, tu éteins la colère et la cruauté dans l’âme. Cette pitié, Dieu pitoyable, je te prie de la donner à toutes les créatures et spécialement à ceux que tu m’as donnés pour que je les aime d’un amour singulier, afin qu’ils exercent une pitié parfaite, et une parfaite cruauté avec laquelle ils puissent tuer leur volonté perverse. Cette cruauté pitoyable, il semble que toi, Vérité, nous l’as enseignée en disant : « Qui vient à moi sans haïr père, mère, femme et enfants, frères et sœurs et également son âme ne peut être mon disciple » ; ce dernier point paraît malaisé — les autres les font serviteurs du monde, bien que non par amour de la vertu — mais il n’est pas malaisé ; plus malaisé à l’homme est sortir de sa nature que de la suivre. Notre nature est raisonnable, nous devons donc suivre la raison.

Ô vérité éternelle, toi parfum au-dessus de tout parfum ; toi largesse au-dessus de toute largesse, toi pitié au-dessus de toute pitié ; toi justice au-dessus de toute justice. Et même tu es la source de toute justice qui à chacun rend l’homme inique soit insupporta-
ble lui-même parce qu’il se met à désirer la chose la moins parfaite pour lui, désirant les plaisirs mondains et les richesses alors que toutes les choses créées sont moins que l’homme, faites pour son service et non pour qu’il s’en fasse le serviteur.

Seul tu es plus grand que nous, nous devons donc te désirer, te chercher et te servir. Et très justement tu fais goûter au juste la vie éternelle en cette vie, avec paix et tranquillité de son âme, parce qu’il a mis son amour en toi qui es vraie et suprême quiétude ; et à ceux qui virilement ont couru en cette vie avec justice et miséricorde tu leur donnes la vie éternelle. Tu es bonté éternelle et infinie, et personne ne peut te comprendre ni pleinement te connaître et tant nous donnes autant que nous disposons le vase de notre âme à recevoir.

Ô très doux amour, je ne t’ai jamais aimé en tout le temps de ma vie. Je te recommande mes enfants que tu as placés sur mes épaules afin que je les éveille, et toujours je dors. Toi Père, pitoyable et bon, éveille-les afin que l’oeil de leur intelligence toujours veille en toi.

Peccavi Domino, miserere mei. Dieu, sois attentif à notre aide, Seigneur, hâte-toi de nous aider. Amen.

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